Messe du dimanche des Rameaux

 

Passion selon saint Marc

Abbé Pierre-Yves Maillard, à l’église du Sacré-Coeur, Sion, le 9 avril 2006
Lectures bibliques : Isaïe 50, 4-7; Philippiens 2, 6-11; Marc 14, 1 – 15, 47 – Année B

Chaque année, frères et soeurs, c’est la même chose: quand je lis, dans l’un des quatre évangiles, la Passion du Christ, je reste frappé par l’immense silence de Jésus. Vous l’aurez noté dans le récit que nous venons d’entendre: à plusieurs reprises, des gens interrogent Jésus, des questions demeurent sans réponse, des foules s’agitent… et Jésus se tait. Et moi qui dois tenir le rôle du Christ dans la lecture de sa passion, j’aurais envie de parler, d’interrompre Pilate! Il y aurait tant à dire! Ce serait si facile, pour Jésus, de dire enfin qui il est, de montrer sa puissance! Mais il se tait – Mystère de silence. Ou plutôt n’a-t-il plus rien à ajouter depuis la dernière Cène. Car c’est déjà là le coeur de son offrande, au soir du Jeudi-Saint. Jésus est isolé, abandonné de tous, bientôt trahi et renié. Il pose alors cet acte d’une liberté folle: il prend sa vie et nous la donne. “Ceci est mon corps – Il est pour vous – Prenez, mangez”. Par amour, ce qui était l’épreuve ultime devient le don suprême. Du fond de sa passion, Jésus fait le creuset de la Vie nouvelle.

Tout au long de cette Semaine Sainte, frères et soeurs, nous voulons accompagner Jésus sur son chemin de gloire et de croix, de don et de pardon, de souffrance et d’amour. Nous voulons revivre le mystère du Christ mort et ressuscité. Nous croyons que, mystérieusement, nos propres souffrances et nos propres échecs peuvent aussi conduire dès maintenant, d’une façon que Dieu seul connaît, à la fécondité d’une Vie nouvelle que nous ne saurions concevoir. Et en ce Dimanche des Rameaux, nous voulons refaire à notre façon le geste de cette femme qui, chez Simon le lépreux, brisa pour Jésus le flacon de parfum qu’elle avait payé si cher. Car pour bien comprendre cet épisode, il faut savoir que dans le texte grec original, le parfum répandu sur le corps de Jésus n’est pas dit “de grande valeur”, mais littéralement “de grande foi” – nardos pistikos. Et la raison en est qu’à l’époque du Christ, on achète – parfois très cher – les parfums dans des bouteilles scellées, dont on ne peut sur place vérifier la teneur. On se trouve donc réduit à devoir “prêter foi” au marchand – nardos pistikos, parfum “de grande foi” – et l’on doit attendre, pour découvrir le parfum, l’instant de briser le flacon, au moment de le perdre.

Chez Simon le lépreux, une femme sans nom perd en un instant le fruit de plusieurs années de salaire. Elle avait donné sa foi au marchand, mais plus encore au Christ dont elle vient par avance embaumer le corps. Elle découvre enfin, au moment de le perdre, la valeur de ce présent qu’elle avait longtemps porté sans en connaître le prix. Et peut-être en va-t-il de même pour nous, frères et soeurs. Nous avons donné notre foi au Christ. Nous portons comme un bien très précieux cette foi en la vie plus forte que toute mort, sans en goûter cependant tous les fruits. Peut-être ce temps d’obscurité s’accompagne-t-il d’épreuves et de doutes, et nous nous demandons s’il valait bien la peine d’acheter si cher un cadeau si fragile. En ces jours saints, demandons au Seigneur la grâce de nous ouvrir pleinement au mystère pascal. Prenons encore le risque de la foi. N’ayons pas peur de tout perdre – jusqu’à la brisure – la Pâque est au bout de ce temps.

 

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