L’abbé Henri Nicod (1920 – 2019) fut le premier réalisateur catholique à la Télévision Suisse Romande, engagé par Monseigneur Jacques Haas, directeur +1973) et Bruno de Kalbermatten, président (+2019). Né à Bottens (Vaud) le 27 mai 1920 – la même année disait-il que Mgr Pierre Mamie et Jean Paul II –, Henri fut d’abord le curé constructeur de la paroisse d’Oron, avant d’animer celle du Saint-Esprit à Lausanne.

C’est à 47 ans qu’il se mit en apprentissage de réalisateur à Genève, en même temps qu’un homologue pasteur et un réalisateur pour la télévision scolaire, Louis Barby. Henri s’est inséré avec aisance dans ce monde des médias au point que, longtemps après son retour dans le ministère paroissial, on pouvait encore entendre la question : « Vous avez des nouvelles de l’abbé ? ». Comme son successeur l’abbé Michel Demierre, ils n’ont pas fait que des émissions techniquement inventives et ouvertes sur le monde, ils ont offert  un visage d’Eglise à ce monde professionnel.

L’abbé Nicod pour ses 60 ans de sacerdoce – Photo Patricia Riva, Bottens.

Hommage à l’abbé Henri Nicod à Oron (Vaud) lors de la
messe du 29 septembre 2019 – Témoignage d’André Kolly

Je n’ai pas plus de légitimité que plusieurs d’entre vous pour parler de l’abbé Henri Nicod, votre curé fondateur. Quand il est arrivé à Oron en 1956, j’étais un élève d’école primaire à Vauderens et j’allais au catéchisme à Ursy. On ne pouvait imaginer qu’il y aurait des liens si proches quelques années plus tard à travers l’UP Saint-Pierre-les-Roches (Ursy, Promasens, Rue, Chapelle, Oron, Moudon. Lucens).

Dans sa longue vie, j’ai toujours eu l’impression que pour l’abbé Nicod la paroisse d’Oron-la-Ville tenait une place très particulière, et même privilégiée. Il n’a jamais oublié Oron, et la paroisse d’Oron montre ce matin qu’elle ne l’oubliera jamais. Son nom sera gravé non seulement sur une plaque,  mais surtout dans les cœurs de nombreux d’entre vous.

Il y a des souvenirs que vous connaissez mieux que moi. Mais vous me permettrez d’évoquer quelques moments de cette paroisse à sa naissance. Henri aimait dire la révolution qu’a représentée ici la paroisse catholique. Le district d’Oron a été le dernier district du canton de Vaud à accueillir une église catholique. Certes des prêtres voisins étaient venus dire la messe dans ces terres essentiellement protestantes et avaient même édifié les premiers murs d’une église. Mais tout a changé avec la nomination d’Henri. On l’arrachait de son ministère heureux de vicaire à Genève pour lui confier un ministère de défrichage qui à son tour a été source de grands bonheurs.

Quand il n’y avait pas encore de cure, Henri aimait se rappeler qu’il logeait chez des paroissiens et prenait ses repas à l’Hôtel de Ville. Et il avait là le bonheur, disait-il, de manger avec les apprentis ferblantier, coiffeur et secrétaire de l’imprimerie. Ces contacts lui ont permis d’être reconnu au sein d’une culture plutôt méfiante à l’égard d’un prêtre catholique. Le plus charmant épisode est celui où Henri voit passer la fanfare qui va en répétition. Il se dit : « Moi aussi je jouais de la fanfare à Bottens. Je vais entrer dans la fanfare d’Oron ». Ainsi quand le  général Guisan a été fêté à Chésalles, la fanfare a été invitée à se produire. Mais le curé qui n’avait pas été invité était avec elle. Et le curé et le général se sont serrés la main, ce qui paraît-il a fait des jaloux !

Quand Henri parlait de sa paroisse d’Oron, avec ses 24 villages, avec les 4 messes du dimanche matin à Oron, Mézières, Maracon puis encore Oron, quand il parlait des catéchismes où les enfants s’entassaient dans la cuisine de paroissiens, quand il célébrait des mariages ou des baptêmes, quand il nouait des contacts avec les gens – les catholiques tout comme les autres -, ce qui dominait, c’était son enthousiasme et sa joie à servir le Christ.

La capacité à créer naturellement des contacts est quelque chose que j’admire profondément chez l’abbé Nicod. Ce n’était pas une stratégie pastorale ou administrative, mais un don que le Seigneur lui a donné et il en a fait bel usage.

J’ai admiré aussi la capacité d’accueil d’Henri, qui faisait confiance à toute personne. Il n’aurait jamais laissé le pauvre Lazare devant sa porte (cf. Evangile du jour). Pour lui, les riches, les pauvres, les blancs, les noirs, les Suisses, les étrangers, les gentils et les méchants, et même les profiteurs, tous étaient des enfants de Dieu. A cet égard, il a rendu des services extraordinaires à des immigrés, des réfugiés, des gens dans le besoin. On doit s’en souvenir en cette Journée internationale du migrant et du réfugié.

Plutôt qu’une théorie sur l’accueil des étrangers, je pense à deux épisodes. L’un m’a été rapporté par un jeune Français qui avait suivi un cours sur la télévision donné à Lyon par Henri (au CREC de P. Babin). Lorsqu’il s’est présenté avec un ami pour une visite improvisée en Suisse, il a frappé à la porte de l’abbé qui lui a dit : « Je regrette, mais je dois être absent de Genève, alors voici mes clés, le frigidaire est plein, l’appartement est à vous ». Et bien sûr gratis pro Deo.

Une autre fois, un Africain qu’il avait connu lui a demandé d’héberger deux diplomates qui venaient aux Nations Unies. Les deux n’avaient pas le sou, ce qui n’empêchait pas une voiture-taxi de l’ONU de venir les chercher chaque matin devant la porte de son appartement au Petit-Lancy. Henri leur a offert généreusement l’hospitalité sans espoir de retour, mais deux ans plus tard, ce pays d’Afrique inaugurait une ligne aérienne avec Genève : Henri a été invité pour le vol inaugural First class ! Juste retour des choses.

Ce que j’admire aussi chez Henri c’est sa modestie. Il ne s’est jamais pris pour un génie, ce qui lui permettait de solliciter ceux qu’il estimait plus que lui-même. En paroisse, comme dans ses années de télévision, il savait susciter les talents autour de lui. Plusieurs ont commencé grâce à Henri de vrais engagements pour la société et pour l’Eglise, et parfois même une carrière professionnelle. En joignant la confiance dans les autres et le naturel dans les contacts humains, il pouvait lancer des réalisations inattendues. C’est lui qui a convaincu sans peine Gilbert Bécaud d’animer une messe de Noël en Eurovision en 1973, une transmission qui a fait date pour toute l’Europe.

Enfin, j’ai admiré la capacité d’Henri à exprimer sa foi comme une évidence, sans ostentation, sans théorie, et avec le sourire. S’il aimait plutôt lire son bréviaire à l’église, disait-il, c’est parce que, s’il demandait au Seigneur de l’écouter, il se montrait également prêt à écouter ceux qui passaient par là et le sollicitaient.

Était-ce plus facile à l’époque qu’aujourd’hui ? Ce n’est pas sûr, mais quand il accompagnait avec sa moto les journalistes sportifs sur le Giro ou le Tour de Suisse, il lui est arrivé, avec son naturel à toute épreuve, non seulement de saluer Eddy Merckx ou Louison Bobet, mais de célébrer la messe avant le départ du Tour ou à l’arrivée. Il se souvenait avec émotion de Gino Bartali qui avait été son servant de messe lors d’une étape du Giro à Vérone. D’ailleurs il a célébré la messe partout, sur les sommets, sur la mer, dans les studios de télévision et radio, et à la fin de sa vie, dans sa chambre d’EMS, toujours en communion avec nous tous.

Son histoire a croisé celle de beaucoup de gens non pas célèbres, mais qui avaient une épaisseur humaine qui aide à vivre. Je pense ici à Emile Gardaz, Mgr Jacques Haas, les abbés Pierre Kaelin et André Babel, et tant d’autres, et surtout ses confrères prêtres et sa grande famille. Avec eux, avec vous, sa vie de prêtre a été de partager la table de nos repas – et même de nos apéritifs -, et la table de l’Eucharistie.

La longue vie de l’abbé Nicod devait nous inviter à un devoir de reconnaissance pour son action et son témoignage.

Ce jour fut posée par l’abbé Gilles Bobe dans l’église catholique Notre-Dame à Oron-la-Ville une plaque commémorative. Henri Nicod est né le 27 mai 1920 et décéda le 25 juillet 2019. Il fut officiellement nommé « recteur de la communauté catholique d’Oron » le 3 mai 1956, avant d’être aumônier vaudois de l’AC des hommes, curé du Saint-Esprit à Lausanne (Boisy), réalisateur puis assistant à la Télévision suisse romande, auxiliaire  à la paroisse Notre-Dame à Genève.

L’abbé Nicod, une vie pour la communication
Paru sur le site Signis.org à Bruxelles

Henri Nicod, décédé à Genève le 25 juillet 2019 dans sa centième année laisse le souvenir d’une vie toute marquée par la communication et ses techniques. Il était né à Bottens (Vaud – Suisse) le 27 mai 1920 et se plaisait à se dire contemporain tant de son évêque Pierre Mamie que du pape Jean Paul II.

Prêtre, il a commencé son apprentissage de réalisateur TV à 47 ans. La télévision de service public à Genève et l’autorité diocésaine voulaient une compétence thématique et pas seulement technique pour la réalisation des émissions religieuses. Autour des années 68, il y avait eu quelques anicroches entre les réalisateurs tous terrains et les conseillers ecclésiastiques des diverses confessions chrétiennes. La formule d’un pasteur et d’un prêtre formés au métier, et donc reconnus par leurs pairs, a été fructueuse pour des décennies.

Engagé par Mgr Jacques Haas, fondateur du Centre catholique de R-TV et alors président mondial d’Unda, Henri Nicod est arrivé dans la grande tour de la télévision à Genève en automne 1967 ; il l’a  quittée en 1984. Mais ce ne fut pas une parenthèse dans une très longue vie, car tout son itinéraire fut marqué par l’usage des moyens de communication. On l’avait choisi pour cela, car il connaissait déjà le milieu de la radio, à cause de quelques reportages mais surtout parce qu’avec sa moto de curé il accompagnait les journalistes sportifs lors du Tour de France et du Tour de Romandie.

Quand il reprit un ministère paroissial, l’abbé Nicod se lança dans la radio locale en produisant pendant une émission hebdomadaire pendant 17 ans. Nicod avait le talent de mettre en route des gens sur le chemin de la communication, en les sollicitant et en leur faisant découvrir leur potentiel. Ce n’est pas sans raison qu’il fut très tôt animateur des toutes premières sessions de formation aux médias du P. Pierre Babin, fondateur du CREC-AVEX à Ecully-Lyon.

Il n’a pas pris sa retraite quand l’âge officiel fut venu, mais lorsque les infirmités l’ont assailli. Quand  la vue lui a fait gravement défaut, il s’est doté d’un système de projection grand format pour lire, et notamment les textes bibliques de la messe quotidienne. Il connaissait à l’aveugle les manipulations des appareils pour écouter des CD, par exemple l’encyclique Laudato Si qu’il trouvait formidable. Il avait toujours des astuces techniques pour garder la communication par son téléphone codé à grosses touches. Tous les moyens étaient bons pour conjurer les effets du grand âge, y compris le frigidaire qui avait toujours quelque chose au frais pour les visiteurs.

Témoigner de l’Evangile était vraiment la divise en acte de l’abbé Nicod. Pour exprimer le mystère de Dieu, il croyait bon d’utiliser toutes les médiations que nous offre « ce monde merveilleux ». Ainsi Henri se fit sculpteur ou dessinateur de vitraux. Et comme il savait aller à la rencontre des personnes les plus inattendues, on n’était pas surpris de le voir confier à Gilbert Bécaud l’animation d’une messe de minuit en Eurovision. Ses 600 albums de photos ont attesté ses voyages dans tous les pays visitables. Et donc un réseau incroyable. Des décennies après son passage à la télévision, les plus anciens demandaient encore : « Vous avez des nouvelles de l’abbé ?» Aux dernières nouvelles, il a accompli l’ultime voyage.

Voir aussi : https://www.cath.ch/newsf/deces-de-labbe-henri-nicod-lun-des-peres-des-emissions-catholiques-a-la-tv-romande/