Messe du 7e dimanche de Pâques

 

Chanoine Michel Borgeat, à l’église de Massongex, VS, le 23 mai 2004.

Lectures bibliques : Actes des Apôtres 7, 55-60; Jean, 17, 20-26

 

Frères et Sœurs,

 

D’abord écoutons la confidence d’un prêtre, aumônier d’équipes de jeunes, rentrant par le train de nuit, de Marseille sur Paris. « Dans le train, ce soir-là, les voyageurs de mon compartiment étaient plongés dans leurs lectures ou leurs pensées – ou bien était-ce de la somnolence -, repliés sur eux-mêmes, indifférents à ceux qui les entouraient. C’est alors qu’ils sont montés, tous les quatre, un couple et deux enfants, un garçonnet de 4 ou 5 ans et un bébé dans les bras de sa mère. L’homme a veillé à ce que sa femme soit bien assise. Une fois tout ce petit monde installé, j’ai eu la faiblesse de les regarder superficiellement et victime sans doute de la pesanteur ambiante, j’ai constaté, en moi-même : « Ce qu’ils sont laids ! Vraiment pas gâtés par la nature ! ». Tout à coup, le garçonnet se lève et vient s’appuyer contre les genoux de sa maman, se penche sur la tête du bébé et lui sourit… La maman et le papa, têtes rapprochées, se penchent ensemble sur les deux petits et sourient à leur tour… et soudain, ils étaient tous beaux, très beaux ! La complicité de cet amour tranquille et lumineux a changé l’ambiance du compartiment, les têtes se sont relevées, des sourires sont nés sur les visages, les yeux voyaient plus profond que l’apparence : leur rayonnement réchauffait les cœurs ».

 

Frères et Sœurs, un tel amour humain – don de soi, écoute et ouverture à l’autre – qui libère ceux qui le vivent et rayonne sur ceux qui les entourent, nous fait pressentir ce que peut être l’amour de Dieu. Cet amour que Jésus exprime dans sa prière au Père, à la fin de son dernier repas : Que leur unité soir parfaite, ainsi le monde saura que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. Ainsi, la mission confiée aux chrétiens est-elle de faire découvrir et mieux connaître la volonté ultime de Dieu autour d’eux, par leur façon de vivre, par leur témoignage, par leur charité. Etienne proclame devant le Sanhédrin : Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. Cela semble dérisoire et inutile, puisque aussitôt Etienne est entraîné hors de la ville pour être lapidé. Et pourtant… oui, pourtant, c’est précisément cet assassinat qui, en provoquant la dispersion des chrétiens de Jérusalem, déclenche le véritable essor de l’Eglise naissante. Alors la foi se répand peu à peu, d’une communauté à l’autre, par les actes et la parole des apôtres.

 

Qui peut dire l’impact de la foi d’Etienne sur le jeune Saul qui gardait les vêtements des bourreaux ? Farouche persécuteur des chrétiens, nous savons qu’il rencontre peu après, sur son chemin vers Damas, le Christ ressuscité et devient Paul, l’un des principaux acteurs de la propagation de la foi dans la diaspora juive et le monde païen.

 

Cet exemple d’Etienne, dans la lumière du ressuscité et la force de l’Esprit, est réconfortant pour une communauté chrétienne naissante et persécutée, face à l’opposition officielle de l’empire romain. Cet exemple peut nous aider, nous aussi aujourd’hui, quand, de plus en plus minoritaires, dans une société dominée par l’indifférence et l’individualisme, et où se renforce ce que certains appellent le « religieux païen », nous somme parfois tentés de « baisser les bras », de nous résigner, ou de sombrer dans une espèce de complexe du « martyre ».

 

C’est pourtant dans cette société précise, – avec ses défauts que nous déplorons, mais aussi avec ses qualités dont nous ne savons pas toujours tirer parti -, que nous avons à être des témoins. C’est là que, unis dans l’amour du Père et du Fils, nous sommes appelés à rayonner de cet amour pour améliorer, voire changer les choses. Au travail, dans nos lieux de vie, dans nos divers lieux de loisirs ou d’engagement, nous côtoyons beaucoup de chrétiens plus ou moins « affadis » et de plus en plus de non-chrétiens. Par notre chaleur humaine, par notre soif de justice, notre option pour la paix, par tout notre comportement conduit secrètement par l’Esprit-Saint, nous pouvons leur donner envie de découvrir la source à laquelle nous puisons l’espérance qui nous habite !

 

En ce dimanche des Médias, dans cette perspective d’espérance, je relèverai le thème choisi qui reprend le titre du message du pape pour la circonstance, à savoir : « Les médias en famille : risque et richesse ». Risque ET richesse, et non pas « risque OU richesse » : l’Evangile ne sera jamais l’unique parole inspiratrice des médias, en raison de la diversité des religions, et aussi en raison de ce que nous sommes, des pécheurs en train d’être sauvés, si nous le voulons, des êtres portés à conjuguer leur vie plutôt au verbe « avoir » qu’au verbe « être », obéissants trop facilement à la « loi de la facilité et du moindre effort ».

 

Les médias sont l’image de ce que nous sommes : capables du meilleur et du pire, comme dit la sagesse populaire.

 

La famille peut être un de ces lieux où nous faisons l’apprentissage des médias, où nous acquérons une certaine maîtrise des médias, parents et enfants ensemble, dans le respect mutuel, l’écoute des autres, le regard fraternel qui voit plus loin que les apparences, et l’éveil à un esprit critique : – Cela implique de se fixer une réelle discipline, d’avoir une certaine connaissance de ces médias pour faire des choix de qualité,

En ce dernier dimanche avant la Pentecôte, rendons grâce de ce que chacun et tous ensemble, nous participons à l’Esprit, la communion d’amour qui nous unit au Père par le Fils et qui fait de nous des porteurs, des relais de l’amour du christ pour tous les hommes. Nous rendons grâce de ce que les hommes réalisent déjà par les médias, pour un plus grand respect de la dignité humaine.

Amen.

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