Messe du 5ème dimanche de Pâques

 

 

Noël Pedreira, assistant pastoral, à l’église de Courrendlin (JU) , le 14 mai 2006
Lectures bibliques : Actes 9, 26-31; 1 Jean 3, 18-24; Jean 15, 1-8 – Année B

A l’écoute de l’évangile, vous avez peut-être remarqué qu’il y a un verbe qui revient souvent, huit fois même, pour être plus précis : c’est le verbe « demeurer ». Saint Jean parle effectivement à plusieurs reprises de « demeurer dans le Christ ».

Cet appel peut résonner pour nous d’une manière toute particulière : de fait, dans notre monde où tout est éphémère, où tout change rapidement, où tout bouge, où il faut vite zapper d’une mode à l’autre pour être sans cesse à la page, saint Jean semble mettre un frein à toutes ces fluctuations. Il nous appelle au contraire à demeurer dans le Christ.

Et pour développer symboliquement cet appel à demeurer dans le Christ, saint Jean choisit l’image de la vigne, souvent utilisée dans la Bible : nous sommes appelés à demeurer dans le Christ comme le sarment demeure sur la vigne. Saint Jean cherche ainsi à nous faire saisir que sommes tellement unis au Christ que nous ne faisons avec lui qu’un seul organisme vivant. Par le baptême, nous avons en effet été greffés sur le coeur du Christ, et nous sommes donc invités à laisser sa sève divine passer en nous et nous transformer de l’intérieur.

Demeurer dans le Christ, être greffés sur le Christ, c’est donner sa confiance au Ressuscité, à ce compagnon de route toujours présent au plus intime de nous-mêmes, et cela même quand nous n’en avons pas conscience. Demeurer dans le Christ, c’est, dans nos souffrances, découvrir que Jésus crie avec nous « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » et qu’il nous invite discrètement à espérer contre toute espérance. Etre greffés sur le Christ, c’est être relié à une source d’amour intarissable, l’amour qui unit Dieu le Père et Jésus le Fils. C’est éprouver la joie de faire partie d’une communauté qui veut vivre de la vie même de Dieu, vie d’amour et de don.

Et quand l’on est greffé sur le Christ, c’est alors que l’on peut réellement porter du fruit. « Porter du fruit, donner du fruit », c’est d’ailleurs une expression que l’on retrouve à six reprises dans notre page d’évangile. Si Jean appelle avec force à demeurer dans le Christ, il invite également avec une certaine insistance à porter du fruit.

Je ne pense pas, toutefois, que Jean emploie cette expression pour nous inciter à la productivité à tout prix ! Non, porter du fruit, ce n’est pas multiplier les actes les uns après les autres. Je crois que porter du fruit, c’est plutôt poser les actes qui sont les plus féconds en amour. Il s’agirait donc plutôt d’une invitation à la qualité du fruit, à la saveur du fruit qui est produit, et non à la quantité.

Je reste ainsi intimement persuadé que tout baptisé, quel que soit son état de vie, son métier, son parcours, est appelé à porter du fruit, là où il se trouve.

Ainsi, Dieu appelle l’ouvrier, pour qu’au coeur de son travail qui peut se révéler déshumanisant, il porte des fruits d’humanité. Dieu appelle l’infirmière, pour que son regard sur les malades soit comme un fruit de tendresse offert. Dieu appelle le ministre, pour que ses décisions soient empreintes des fruits de la prudence et de la justice. Ce ne sont là que quelques exemples mais je suis convaincu que c’est en portant des fruits de ce genre que nous participons tous ensemble à la construction d’une société plus belle, plus juste et plus généreuse.

Etre greffés sur le Christ pour porter du fruit, voilà donc l’appel que je perçois dans l’évangile de ce jour. Cet appel me laisse penser que le Seigneur a une confiance folle en nous, puisque chacun de nous, quels que soient son chemin de vie, ses blessures, ses faiblesses, est capable de porter des fruits les plus savoureux qui soient. N’oublions en effet jamais que même l’être le plus fragile qui soit est capable de porter des fruits d’amour incroyables.

Et en ce mois de mai, traditionnellement marqué par la dévotion à Marie, la mère de Jésus, nous pouvons aussi nous tourner vers cette femme, vers cette mère, qui a une place à part dans l’histoire du salut. Elle a offert au monde Jésus, le « fruit de vos entrailles », comme le dit une prière que tant et tant ont apprise par cœur. Et elle ne cesse de nous l’offrir. Elle ne cesse de nous prendre par la main et de nous conduire vers ce Jésus qui nous révèle le vrai visage d’amour et de tendresse de Dieu le Père. Elle ne cesse de nous inviter, elle aussi, à demeurer dans le Christ, à porter des fruits qui soient le plus savoureux possible. Voilà pourquoi nous pouvons légitimement faire à Marie une place à part dans nos prières et dans nos chants.

 

 

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