Messe du 4ème dimanche ordinaire

Chanoine Jean-Paul Amoos, le 30 janvier 2005, à l’église St-Sigismond, St-Maurice, VS

Lecture biblique : Sophonie 2, 3 – 3,13; 1 Corinthiens 1, 26-31; Matthieu 5, 1-12 – Année A

Neuf fois le mot heureux !

Neuf paroles pour le bonheur, neuf paroles pour la vie, neuf paroles pour l’éternité, ou encore si l’on veut, neuf clefs pour acquérir ces trésors que sont : le royaume, la terre promise, la consolation, le rassasiement, la miséricorde, la vision de Dieu, la vraie filiation et un réjouissez-vous.

Mes frères, mes sœurs, chers auditeurs,

Assis sur le flanc de la colline en face du lac de Tibériade, en prononçant les béatitudes, Jésus tente de faire comme ressurgir du cœur de ses auditeurs une loi, non plus écrite sur des tables d’argile, mais inscrite au plus profond des cœurs. Il veut offrir des paroles de vie afin que tout homme puisse trouver son bonheur au présent et dans le futur.

Ces paroles de vie, Jésus les livre comme un grand projet, comme une réalité jetée en avant, une oeuvre à réaliser. Neuf paroles : aucun interdit, rien de négatif, mais un superbe tableau. Un tableau d’exigences certes, mais un tableau de recréation où l’homme devient à nouveau partie prenante dans l’œuvre de Dieu.

Après la faute originelle, l’univers perd son axe. Faits à l’image et à la ressemblance de Dieu et vus comme « très bons » l’homme et la femme n’ont pas été longtemps l’objet de sa contemplation et de son repos au septième jour !

Dieu devra attendre le huitième jour, le jour de Pâques, le dimanche pour que soit retrouvée l’harmonie entre Lui et l’homme.

C’est en faisant le lien entre le mystère de création et de recréation qu’on peut saisir le sens, la teneur des béatitudes, comme paroles de vie.

Neuf paroles qui traduisent le projet de Jésus : réaliser : par Lui avec Lui et en Lui la reconstruction de l’homme.

Parmi ces paroles de reconstruction, paroles de vie, j’ai choisi pour la réflexion de ce dimanche la première et la huitième, les deux s’expriment et se réalisent au présent.

La première : « heureux les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux ».

Nous savons que nous avons été créés par amour, pour aimer. Oui, créés ce qui veut bien dire « dépendants » de Dieu. Certes, il peut être tentant de refuser la vérité de ce que nous sommes ! Mais, à quoi bon ? C’est bien pour avoir rompu cette relation de dépendance que l’être humain a perdu le sens de son existence.

S’il veut donner un sens à sa vie, l’homme est invité à dire oui à l’amour et à la vérité ?

Toute attitude, humble, toute recherche d‘amour et de vérité conduisent «au pauvre de cœur», au cœur ouvert, au cœur bien tourné. Oui, et dans cet esprit, on peut dire : « heureux celui qui sait qui il est », c’est-à-dire une créature mise au monde par amour, pour aimer.

Il n’est donc pas étonnant que, vu sous cet angle, la première béatitude se dise et se réalise dans le présent. Celui qui a un cœur de pauvre se retrouve comme dans l’état de création originelle, en plein Eden, en parfaite harmonie avec son Dieu et avec ses frères. Amour reçu, amour vécu, quoi de plus beau, quoi de plus près de ce que Jésus nomme le Royaume.

Si on en vient à la huitième béatitude, elle aussi se conjugue au présent et se réalise dans l’aujourd’hui : «heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le Royaume des cieux est à eux».

La Bible nous dit que dans l’œuvre de création, tout était juste : Créateur et créature vivaient en harmonie dans l’être et dans le dialogue. Mais, sous l’inspiration du malin les choses ont été faussées. Eh oui, et c’est toujours, ce malin, le diviseur, le démon qui continue son œuvre de déstabilisation. Il n’est donc pas étonnant, qu’au milieu d’un monde déglingué où le faux règne en maître, tout homme désireux de vivre, de travailler « vrai » et d’activer les béatitudes, soit persécuté. Mais en même temps on comprend que cette béatitude se réalise dans l’aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que tout ouvrier de justice, «persécuté pour la jus-tice» devient témoin de la Vérité. A la suite de Jésus, il vit dans la joie d’accomplir sa vocation au quotidien, il vit dans la grâce d’être en harmonie avec Dieu et avec ses frères, harmonie qui, dans le monde à venir, ne sera pas différente de celle vécue aujourd’hui, mais qui sera tout simplement parfaite.

Si la première et la huitième béatitude nous ouvrent sur le Royaume, un Royaume non seulement à venir, mais un Royaume présent, c’est qu’elles portent en elles un ferment qui donne et redonne à l’être humain sa dimension de créature à l’image de Dieu et sa parfaite vocation d’imitateur du Christ.

L’homme qui accepte sa place de fils au cœur de la création et sa place de frère dans l’œuvre de rédemption, vit déjà le Royaume.

Les béatitudes promises par Jésus ne sont pas que des mots, elles sont comme un horizon vers lequel chacun est appelé à avancer. Un horizon qui n’a rien du mirage ou de l’illusion.

Les béatitudes nous ouvrent sur un paysage, un paysage sur lequel chaque matin il faut attendre le soleil pour découvrir son ampleur.

Que la grâce nous soit accordée, à chaque aurore, de pouvoir se lever avec le désir d’habiter ce paysage, de vivre au mieux ces appels de Jésus qui sont autant de clefs pour entrer dans la salle du Trésor, dans ce Royaume où Amour et Vérité avec Dieu et entre frères se rencontrent et s’embrassent.

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