Messe du 4ème dimanche de Pâques

 

Gaby Noirat, diacre, à l’église Ste-Marie à Bienne, le 17 avril 2005.

Lectures bibliques : Actes 2, 14-41; 1 Pierre 2, 20-25; Jean 10, 1-105 – Année A

« Tu es mon berger, ô Seigneur… » Le refrain de ce psaume fait remonter en moi le souvenir de ma première communion, faite en ce lieu même, il y a plus de quarante ans.

« Rien ne saurait manquer où tu me conduis… ». Nous le chantions également à la messe d’enterrement de mon papa, soutenus par la prière de tous nos amis, alors qu’il fallait faire le grand pas de la confiance absolue.

Oui, l’image du Bon Berger, qui rassemble et conduit son peuple, est l’une des plus fortes, des plus parlantes que nous donne la Bible quand elle veut nous faire entrer dans le mystère de l’alliance entre le Seigneur et son peuple. Elle marque les étapes de notre grandir chrétien car elle s’adapte à tout âge.

L’enfant sent bien le lien de douceur qui s’établit entre le berger et sa brebis.

L’adulte sait bien la nécessité, mais aussi la difficulté, de faire l’unité dans un groupe et de conduire, de donner sens à un projet.

Quant au vieillard, la grande traversée qu’il s’apprête à vivre s’envisage plus sereinement sous la conduite d’un guide en qui il a mis toute sa confiance.

L’image du berger marque aussi l’Eglise, puisque ceux qui ont la charge de la guider sur terre sont justement appelés « pasteurs ». Et nous ne pouvons ici que nous remémorer l’image du pape Jean-Paul II, le front si souvent appuyé sur sa crosse, son bâton de pasteur, sculpté à l’effigie du Christ en croix.

Mais lorsqu’on parle de brebis, de moutons, de troupeau, il y aussi comme un écho de bruit de bottes qui monte à nos pensées. Tous les totalitarismes, toutes les dictatures militaires, politiques ou psychologiques, tant de manipulations des corps et des esprits nous rendent aujourd’hui méfiants devant les discours globalisant, les projets de rassemblement, les idéaux universels.

Combien de « générations égarées », pour reprendre l’expression des Actes des Apôtres, ont tout perdu pour avoir suivi un « berger » qui leur promettait le salut. Et nos Eglises chrétiennes n’ont hélas pas été épargnées par les dérives de l’aliénation et de l’absolutisme.

Comment dès lors entendre cette parabole du Bon Berger comme une bonne nouvelle pour chacun de nous et pour le monde ?

Quels sont les critères qui nous permettent de suivre le Christ, berger de l’humanité, sans trahir l’esprit de libération qu’il est venu instaurer au milieu de son peuple ?

D’abord si ce berger-là peut conduire ses brebis hors de la bergerie, de tout ce qui les enferme dans les peurs de la nuit, c’est parce qu’il est lui-même entré et sorti par la porte de notre humanité. Il s’est fait l’un de nous, de sa naissance à sa mort, il a assumé notre condition jusqu’au bout.

Les tyrans, eux, se gardent bien de se mêler au peuple pour partager sa destinée.

Ils préfèrent escalader les barrières et s’insinuer par le mensonge, la délation et la corruption.

De plus, le projet du bon berger est de rassembler son troupeau dans l’unité et la paix, « pour qu’ils aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance ». Nous sommes bien loin de la politique de la division pour régner, de l’esprit qui veut séparer les races, les couleurs, les religions, et fermer l’enclos pour défendre ses propres intérêts.

Oui, bien sûr, il y a ces paroles dures de Jésus : « Ceux qui sont intervenus avant moi, sont tous des voleurs et des bandits ! » Jésus veut dénoncer ici tous les faux prophètes qui ont voulu, et veulent encore, détourner le troupeau à leur profit. Il ne remet pas en question Abraham, Moïse, les prophètes, ni tous les hommes inspirés de vraie justice. Car il faut bien se le rappeler : « Au commencement était le Verbe ». L’action spirituelle du Seigneur ne se limite pas à la présence historique du Christ parmi les hommes. C’est le même « qui est, qui était et qui vient » ! Autrement dit, la « porte » était déjà ouverte et elle le reste au-delà de nos représentations culturelles et religieuses.

Mais ce qui est le plus fort à mes yeux, ce qui ne trompe pas sur les intentions de bon berger, c’est qu’il « appelle chacune de ses brebis par son nom ».

Appeler quelqu’un par son nom, c’est lui donner une existence, lui reconnaître une identité. C’est lui donner un peu de nous-mêmes, puisque quelque chose de lui est marqué en nous : son nom.

Oui, le bon berger s’intéresse au cœur de chaque personne, à ce qu’elle est en profondeur, et non seulement à sa façade, à ce qu’elle peut rapporter en argent, en pouvoir, ou en plaisir.

Pour lui, chacune, chacun est une richesse particulière, une vie inaliénable, un amour en soi.

Il n’y a plus la veuve du troisième, mais Georgette, qui est bien seule.

Il n’y a plus le prévenu de la cellule 4, mais Patrick, qui a tué sa femme parce que la jalousie l’a détruit.

Il n’y a plu le cancer de la chambre B 42, mais Marie-Claire, qui souffre et se meurt.

Le plus beau geste qu’il nous est donné de faire en pastorale, c’est de dire en versant un peu d’eau : « Anaëlle, Lucas, je te baptise au nom du Père, du Fils, et du Saint Esprit ».

C’est de savoir que pour ce petit garçon, cette petite fille, ou pour cet adulte, une histoire toute particulière commence, un cœur à cœur avec le Seigneur se construit, qui n’a qu’une origine et un seul but : l’amour.

Cet amour qui fait qu’on reconnaît le Seigneur quand il nous appelle par notre nom. Rappelez-vous Marie-Madelaine au tombeau qui ne reconnaît pas le Ressuscité et qui croit avoir à faire au jardinier.

Jésus lui dit : « Marie ! »

Elle se retourne et lui dit en hébreu : « Rabbouni – ce qui signifie maître. »

Au fait, n’est-ce pas aujourd’hui la journée mondiale de prière pour les vocations ? Qui se laissera appeler par son nom ?

 

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