Messe du 23e dimanche du temps ordinaire

 

Eddy Travelletti, diacre permanent, chanoine J.-Michel Lonfat, Danielle Revaz, à l’église St-Michel, Martigny, le 10 septembre 2006
Lectures bibliques : Isaïe 35, 4-7; Jacques 2, 1-5; Marc 7, 31-37 – Année B

Eddy Travelletti, diacre permanent

Dans son livre « Oscar et la dame rose », Eric-Emmanuel Schmitt décrit les sentiments d’un enfant condamné par un cancer. Cette dame rose lui propose de ressentir chacun des jours qui lui restent à vivre comme une année de vie. Au centième jour, Oscar s’exprime ainsi :
« J’ai essayé d’expliquer à mes parents que la vie, c’était un drôle de cadeau. Au départ, on le surestime, ce cadeau : on croit avoir reçu la vie éternelle. Après on le sous-estime, on le trouve pourri, trop court, on serait presque prêt à le jeter. Enfin, on se rend compte que ce n’était pas un cadeau, mais juste un prêt. Alors on essaie de le mériter. Moi qui ai cent ans, je sais de quoi je parle. Plus on vieillit, plus il faut faire preuve de goût pour apprécier la vie. On doit devenir raffiné, artiste. N’importe quel crétin peut jouir de la vie à dix ou à vingt ans, mais à cent, quand on ne peut plus bouger, faut user de son intelligence. »

Ce texte d’Eric-Emmanuel Schmitt, je l’attribuerais volontiers à une personne handicapée : « Plus on est handicapé, plus il faut faire preuve de goût pour apprécier la vie. On doit devenir raffiné, artiste. »

Dans l’évangile de ce jour, une personne handicapée va vivre diverses étapes pour passer d’une mise à l’écart de la société au stade de sujet responsable et témoin.

L’évangile nous dit « On lui amène un sourd-muet… »

Voilà une petite communauté, païenne aux yeux des Juifs, une communauté qui par sa demande va transformer une vie.

Ce passage d’évangile est aujourd’hui un appel pour nous tous : « Que faisons-nous de ceux qui sont plus faibles ? Dans quelle logique inscrivons-nous notre organisation sociale, nos modes de vie ? »

C’est la vocation diaconale de l’Eglise, c’est-à-dire le souci de prendre soin de l’humanité, gratuitement, sans mettre au départ de condition ni en attendre quelque rétribution que ce soit-, sous peine d’affadir considérablement le message qu’elle porte. Avec le témoignage et la communion, la diaconie constitue en effet l’un des piliers de la vie de l’Eglise.

Cet engagement communautaire se réalisera dans les actes personnels de chacun de nous : la lettre de saint Jacques nous le rappelle :

« Imaginons que, dans votre assemblée, arrivent en même temps un homme aux vêtements rutilants, et un homme pauvre aux vêtements sales. Vous vous tournez vers l’homme qui porte des vêtements rutilants et vous lui dites : « Prends ce siège, et installe-toi bien ». Et vous dites au pauvre : « Toi, reste là debout ….»

La confrontation à la différence, surtout si elle est celle avec un pauvre ou une personne handicapée soulève souvent des réticences. Je crains d’être mangé tout entier.

Or lorsqu’on accepte de se lier avec eux, la relation doit avoir quelque chose de non conditionnel : je me risque à l’autre sans être sûr de ce que je recevrai en retour, en termes de biens, d’image ou de reconnaissance. Et pourtant, faire un bout de chemin avec ceux qui ne comptent pas beaucoup, entre guillemets, c’est se risquer à une dynamique qui pourrait bien être celle de la vie de Dieu.

L’échange qui peut advenir à ce moment-là est tout simplement un échange de place. Il est du type de celui du lavement des pieds : le maître se retrouve dans la position de celui qui sert. Et Jésus lui-même nous en donne l’exemple.

Chanoine Jean-Michel Lonfat

« Jésus emmena le sourd-muet à l’écart », dit encore l’Evangile.

Pourquoi à l’écart ? Sans aucun doute pour une rencontre plus personnelle entre Jésus et celui qui s’est laissé touché par lui. Oui, lorsque je me laisse toucher par le Seigneur, quelque chose s’opère en moi, quelque chose se transforme en moi.

Mais le Père Maurice Zundel nous dit la manière : « Si tu veux chercher Dieu et te laisser toucher par lui et bien tourne-toi vers l’homme et laisse-toi aussi toucher par lui avec tout son poids d’humanité, si démuni soit-il. Là tu rencontreras ton Dieu. »

Eh oui, c’est vraiment le parcours que Dieu lui-même va faire pour nous les hommes. Le voilà qui va oser comme descendre pour nous rejoindre et nous retrouver sur nos chemins de vie. Voilà la grandeur de notre Dieu.

Quand nous regardons notre église ici à Martigny-Bourg, nous pouvons comme percevoir, à travers la structure même de son architecture, combien Dieu aime descendre vers l’homme. Cet homme encore une fois qui est comme l’obsession de Dieu. Nous sommes comme au Jeudi saint : Jésus s’abaisse au plus bas pour relever l’homme.

« Homo », avec un grand « H » que nous retrouvons dans l’architecture de cette église. Ces « H » en béton ou en bois que nous pouvons comme lire ici nous rappellent que l’homme est aussi une pierre vivante dans la construction de la communauté chrétienne, l’Eglise avec un grand « E ». Et il le sera dans la mesure ou il laissera ouvrir son cœur – « effata » – afin que Dieu puisse venir y habiter, le restaurer, le régénérer.

Aujourd’hui, l’occasion nous est donnée, à la suite de l’évangile de la guérison du sourd-muet, de pouvoir accueillir un témoignage, celui d’une personne sourde justement, puisqu’elle aussi accueille cette parole du Seigneur « effata ». Danielle, tu as désiré exprimer comment tu rencontres Dieu, tout en connaissant une mise à l’écart du fait du handicap. Bienvenue.

Danielle Revaz (en langue des signes)

Une mise à l’écart ? Je dirais que je me trouve dans une maison avec des murs de verre ; je peux voir tout ce qui se passe autour de moi sans comprendre. La communication est dès lors plus difficile.

Je me sens tout de même interpellée. Appelée à vivre ma vie de personne sourde et de baptisée. Appelée à témoigner et à être une pierre d’angle dans ce monde si varié. Je veux croire que Jésus m’a pris à l’écart et a posé sa main sur moi, non pas pour me guérir, mais pour que je devienne un témoin. Malgré les frustrations, j’avance. Dieu me guide et me donne sa force.

Dieu est présent dans ma vie, je le rencontre dans ce que je vis, ce que je fais, dans mes rencontres avec mes frères et soeurs sourds ou entendants, Dieu est là avec nous tous.

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