Messe du 19e dimanche ordinaire

 

Mgr Benoît Vouilloz , à l’hospice du Grand-Saint-Bernard, VS, le 8 août 2010
Lectures bibliques : Sagesse 18, 6-9; Hébreux 11, 1-2. 8-19; Luc 12, 32-48 – Année C

 

La foi est le moyen de posséder déjà ce qu’on espère, et de connaître des réalités qu’on ne voit pas.

Frères et sœurs, cette affirmation de l’auteur de la Lettre  dite aux Hébreux, entendue tout à l’heure, paraîtra sans doute à bon nombre d’entre nous « audacieuse », pour ne pas dire « utopique ».
Comment peut-on prétendre posséder quelque chose qu’on ne voit pas et qui fait l’objet d’une espérance, d’un profond désir ?
La réponse à cette question, nous la trouvons dans une expérience qui nous est bien familière à tous et qui s’appelle la confiance.

Chacun de nous sait ce que veut dire « faire confiance », tellement il est vrai que, sans confiance, il n’y a pas de vie possible. On fait confiance quotidiennement, et même à jet continu, comme on respire, sans y prêter toujours attention. Et lorsque la confiance est trompée, c’est comme si la respiration était entravée par quelque malaise : quelque chose de vital se brise en nous, provoquant déception, amertume, colère et parfois même désir de vengeance.
Oui, pas de vie sans confiance. Et lorsque la confiance peut se construire sur des appuis solides, tout s’éclaircit, tout s’apaise, même au cœur des difficultés et des soucis inhérents à toute existence humaine : confiance entre époux, entre parents et enfants; confiance dans les relations d’affaires, dans les engagements humains à tous les niveaux : lorsque je vais acheter le pain du jour, j’ai confiance qu’il ne sera pas empoisonné; lorsque je réserve un billert d’avion, j’ai confiance que la compagnie aérienne n’est pas aux mains de terroristes; lorsque l’enfant part pour l’école, les parents ont confiance qu’il ne va pas fuguer; et lorsque celui-ci rentre de l’école, il a confiance que la porte de la maison ou de l’appartement ne sera pas verrouillée… et ainsi de suite; on pourrait multiplier à l’infini les exemples tirés de la vie quotidienne.

Si nous voilà rassemblés ce matin, – physiquement ici, dans l’église de l’hospice du Gd-St-Bernard, ou invisiblement, mais réellement, par la voie des ondes, – c’est parce que nous avons répondu, dans la confiance, à un appel : l’appel de Dieu, qui nous convie à entendre sa Parole et à célébrer un événement appartenant à l’histoire, mais toujours actuel : la mort et la résurrection du Christ Jésus.
A l’exemple d’Abraham, nous nous sommes mis en route, physiquement, en pèlerinage alpin, pour vous qui avez marché hier toute la journée, spirituellement, pour vous tous qui participez à cette célébration – mis en route à la recherche d’une patrie, aspirant à une patrie meilleure, celle des cieux.

La patrie des cieux !  Notre monde actuel vit une tension assez paradoxale :
D’un côté, partout l’on est sensible à l’universel, à l’unité de la race humaine; la terre apparaît comme « un grand village ». D’autre part, on voit naître, ou renaître, un peu partout  des nationalismes exacerbés, focalisés sur des patries aux frontières bien définies, méfiants et même hostiles à tout ce qui est étranger et, par là, perçu comme « étrange », voire menaçant.
Alors, voilà que la Parole de la Lettre aux Hébreux vient à point nommé nous resituer notre juste mesure : s’il est vrai que nos patries d’ici-bas ont un sens et une vocation positive, il n’en reste pas moins que, à l’exemple d’Abraham, nous sommes, sur la terre, des étrangers et des voyageurs…aspirant…à la patrie des cieux.

De tels propos peuvent paraître « fous », propos de « rêveur illuminé ». Oui, ils le seraient réellement si notre confiance n’était pas fondée. Mais, nous en avons la certitude, notre confiance en Dieu et en sa Parole telle que nous l’entendons dans les lectures de cette célébration est fondée sur un roc solide : la personne même du Christ, auquel les premiers disciples (Apôtres, Evangélistes) ont rendu témoignage jusqu’au don de leur sang.
A la suite de tous les disciples de tous les temps, nous ancrons nos cœurs dans cette espérance inouïe proclamée par Jésus : Heureux les serviteurs que le maître, à son retour, trouvera en train de veiller et, non seulement nous sommes invités à partager la joie de son banquet dans le Royaume du monde à venir, mais lui-même, le maître, ira jusqu’à nous servir : amen (en vérité), je vous le dis : il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour. Révélation bouleversante qui rappelle un événement tout aussi bouleversant survenu au terme du pèlerinage terrestre du Christ; c’était aussi au cours d’un repas de fête, le dernier repas, la veille de sa mort : Jésus se leva de table, prit la tenue de service, se mit à genoux devant ses disciples et, passant de l’un à l’autre, leur lava les pieds.

Nous comprenons alors à quel point, bien loin de nous pousser à déserter la terre, l’espérance de la fête éternelle nous stimule à vivre dès maintenant à l’exemple du Christ : c’est un exemple que je vous ai donné, pour que ce que je vous ai fait à vous, vous le fassiez vous aussi : vous devez, vous aussi, vous laver les pieds les uns aux autres (Jean 13, 14-15).

Restez en tenue de service… On pourrait traduire retroussez vos manches…il s’agit bien de ne pas s’évader dans le rêve, de bailler aux corneilles, de perdre son regard dans les nuages; il s’agit, au contraire, de s’engager avec ardeur et courage à collaborer à la construction du Royaume de Dieu commencé déjà ici-bas, Royaume de justice, de paix et d’amour, de s’y engager, non pas par peur d’un châtiment qui viendrait, dans l’autre monde, sanctionner notre manque de générosité, et non plus dans la perspective d’obtenir une récompense méritée, mais tout simplement dans la joie d’appartenir dès maintenant au Christ, dans la joie de l’espérance allumée dans nos cœurs  – gardez vos lampes allumées – la joie de se savoir attendus avec amour, invités, conviés avec empressement à partager le festin des noces.

Ne pas s’en réjouir serait blesser profondément l’Amour qui s’offre ainsi gratuitement et qui, de son côté, se réjouit aussi tellement de la rencontre.
Restez en tenue de service et gardez vos lampes allumées.

 

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