Messe du 17e dimanche du temps ordinaire

 

Chanoine José Mittaz, hospice du Grand-Saint-Bernard, le 24 juillet 2011
Lectures bibliques :
1 Rois 3, 5-12; Romains 8, 28-30; Matthieu 13, 44-52 – Année A

Quelle délicatesse ce Jésus de nous conduire sur les mystères de la vie, sur le sens profond de l’existence, non pas au travers de paroles qui frappent mais au travers de la délicatesse d’une parabole qui nous fait d’abord rencontrer la simplicité d’une vie humaine : un négociant en perles, un champ. Qui dit champ dit cultivateur, qui dit cultivateur dit tout le travail de la terre et dit l’essentiel d’une vie humaine.

Il nous faut apprendre. Cela nous manque d’apprendre, – c’est le sens du verbe « il faut » -, cela nous manque d’apprendre cette délicatesse qui nous permet de rejoindre le centre de nous-même, le centre de l’humain. Et de nous émerveiller de découvrir peut-être au plus intime de l’humain une perle qui n’est pas le champ mais qui est dans le champ.

Alors que notre cœur est meurtri par ces événements tragiques, ces gestes de folie, cet extrémisme fou, Jésus nous parle d’une parabole. Chers frères et sœurs, il nous faut nous apprendre mutuellement et nous encourager. Cela nous manque de nous désarmer : nous désarmer, nous laisser désarmer intérieurement.
Parce que ce qui nous arme, c’est la peur : la peur de l’autre. Chaque fois que je suis dans la peur de l’autre, chaque fois que je me laisse guider par la peur de l’autre, je ne peux être animé par Dieu. Parce que Dieu c’est le Tout-Autre : le Tout-Autre au plus intime de moi.
Chaque fois qu’il y a un mot qui se termine par phobie, que ce soit xénophobie, que ce soit islamophobie, et bien c’est Dieu qui est meurtri.

Hier, avec le pèlerinage nous avons cheminé au travers de la montagne et c’était une belle parabole parce que la pluie nous a assez généreusement arrosés de sa bénédiction, celle du ciel, celle de Dieu. Le brouillard était au rendez-vous au Col de Fenêtre. Alors que nous cheminions tel un peuple en marche à la suite du Christ, l’unique berger, et bien voilà que, entre deux bancs de brouillard, des moutons se sont rassemblés pour nous voir, nous encourager et même un tout petit peu nous montrer le chemin.
Chaque fois que je vois des moutons, et plus précisément, chaque fois que je vois dans la nature un « mouton noir », je sens que je dois dépolluer mon regard, qui a été pollué par des campagnes politiques extrémistes où « mouton noir », étranger, riment avec danger. Alors que le Christ nous dit qu’il rime avec Salut. Puisque c’est l’autre qui me permet de devenir moi-même. Qui suis-je sans toutes les personnes autres qui ont façonné mon existence ?

Au début de cette célébration nous avons accueilli comme chant d’entrée le cantique de Frère François, Frère « mouton noir ». Que nous puissions nous le dire, nous le redire, qu’il devienne une perle au plus profond du champ de notre cœur. Frère « mouton noir », c’est la seule manière de nous laisser désarmer d’une forme de pollution insidieuse qui est celle de sentir menacé par celui qui est autre. Et comme nous sommes tous uniques, vous voyez ce que cela donne au niveau des relations humaines.

Entrons dans la parabole, la première, puis la seconde. Et finalement les deux ensemble parce que le royaume de Dieu, ce n’est pas seulement dans une autre vie, c’est déjà ici et maintenant, parce que l’altérité, elle n’est pas seulement à l’extérieur de nous, elle est aussi au plus intime de nous-même, telle une perle dans le champ.
Ces deux paroles de Dieu, ces deux paraboles, offertes par Dieu sur le royaume de Dieu, nous situent d’une part face à un négociant de perles, autrement dit un homme, un être humain et d’autre part face à un champ.
Le royaume de Dieu est semblable à un champ. Le royaume de Dieu est semblable à un négociant. C’est intéressant cette dualité, cette altérité qui est un appel à la fraternité entre l’humain et son environnement, entre l’humain et la terre et la création. Et qui nous dit aussi que l’homme a une place centrale mais qu’au moment où son nombril devient son centre, c’est la catastrophe. Ça le mène à la folie.

Première parabole : le champ. Mystérieuse parabole ! Celui qui a trouvé une perle pourrait s’en réjouir puis partir avec. Geste fou, mais d’une autre folie celle-là, d’une folie amoureuse, d’une folie vivifiante, d’une folie de Dieu au plus intime de lui, d’où le royaume de Dieu. Et bien il cache la perle de nouveau dans le champ. Et il va vendre tout ce qu’il a pour acheter le champ.
Que nous faut-il comprendre ? Il nous faut comprendre que nous aspirons tous au bonheur. Nous aspirons à la vie plénière, à l’accomplissement de nous-même et c’est cela le désir de Dieu pour chacune et chacun d’entre nous. Mais le royaume de Dieu ne peut exister en nous et au milieu de nous, que si nous disons oui non seulement à la perle mais également au champ.
Parce que la perle, c’est celle qui donne tout le prix au champ. Dieu n’est pas là pour être choisi comme un absolu. Dieu est là pour révéler la valeur du champ de l’humanité, une valeur infinie qui appelle cet homme qui a trouvé cette perle à vendre tous ses biens pour acheter le champ.

Oui, c’est cela la vocation à laquelle nous sommes appelés. Il ne s’agit pas de choisir Dieu pour Dieu. Il s’agit de nous laisser choisir par Dieu pour pouvoir  consentir à toute la réalité humaine de nos vies. L’image du champ parle d’elle-même : terre laborieuse, terre qui appelle le travail de l’homme à la sueur de son front, terre de l’attente, terre de la jachère, mais aussi terre de la fécondité. La fécondité est l’œuvre du dynamisme de la vie auquel s’associe l’homme par son engagement.
Oui, vouloir choisir la perle sans le champ, c’est une position extrémiste.
Ce qu’il nous faut, c’est choisir la perle avec le champ. Et Dieu nous le dit en parabole mais il nous le dit aussi par sa présence. Lui qui s’est fait homme, Lui qui est descendu dans le champ de l’humanité jusqu’à nous rejoindre dans nos terres laborieuses, jusque dans la mort pour libérer la fécondité de la vie.

La deuxième parabole : le négociant de perle.
Nous ne sommes plus dans le registre du travail de la terre, nous sommes dans le registre du commerce, de l’échange. Un commerce dont le but n’est pas la rentabilité mais peut-être l’échange, le partage, l’encouragement mutuel à donner de nous-même.
Le point commun de cette deuxième parabole avec la première, c’est qu’à un moment donné il nous faut trouver cette valeur unique qui ne va pas nous exclure de la vie mais qui va nous permettre d’intégrer toute notre vie.
Celui qui a trouvé cette perle précieuse, il va vendre également tout ce qu’il a pour cette perle. Ce qui donne de la valeur, ce qui nous permet de bénéficier, de savourer la valeur de la vie, c’est aussi notre engagement à lâcher et à tout investir au service de cette valeur. Mais attention, c’est la loi du Seigneur qui est notre joie et notre rempart. Cette loi du Seigneur, elle a pris visage en Jésus. Visage de toute l’humanité quel que soit sa couleur, sa religion, sa culture.

 

 

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