Messe du 11ème dimanche ordinaire – Journée des Réfugiés

 


Abbé Martial Python, le 15 juin 2008, à l’église Saint-Pierre, Yverdon
Lectures bibliques :
Exode 19, 2-6; Romains 5, 6-11; Matthieu 9, 36 – 10, 8 – Année A

Là où il y a humanité, il y a Dieu

Une paroissienne âgée me disait un jour : « Monsieur l’abbé, ça ne vous fait rien de vivre à la cure avec tous ces étrangers, avec ces noirs… tout de même… ». Elle ajoute : « La paroisse et bientôt la ville d’Yverdon va être colonisée par ces gens. Ils sont tellement sans gêne et envahissant à certaines célébrations… » Il est vrai qu’à la cure, je vis avec trois autres prêtres, l’un d’origine paraguayenne et les deux autres d’origine congolaise. Je ne pense pas vraiment qu’il y ait du racisme dans les propos de cette dame, plutôt des peurs nourries de préjugés. L’étranger, le réfugié, nous n’avons pas le choix, il est là à nos portes comme conséquence d’une économie mondiale agressive et qui règne au détriment de la justice, qui fait que cela engendre toute une frange de la société qui est laissée pour compte.

Ils sont là à nos portes et parfois, ils les ont forcés, oui tous ces étrangers, ces sans papiers, en quête d’un monde meilleur. Ne font-ils pas aussi partie de cette foule désorientée qui est allée vers Jésus en quête d’espérance et que Jésus regarde avec pitié, selon le mot grec έσπλαγχυίσθη (être ému jusqu’aux entrailles, d’une profonde pitié intérieure).

Alors que propose Jésus aujourd’hui pour nous chrétiens ? Il nous rappelle l’importance de la prière qui est là non pas pour éteindre mais parfaire notre engagement. Celle-ci nous fera passer de la peur à la confiance. Prier le Maître de la moisson, qui veut dire Maître de la multitude des peuples, pour acquérir le courage et cette force des chrétiens authentiques et engagés. Car on ne moissonne pas dans les étoiles avec des faucilles d’or, mais dans nos champs de la vie qui forment notre quotidien, soit avec des faucilles de fer qui sont des instruments qui coupent, qui abattent le travail.

Car le Royaume se construit avec de vraies sueurs d’homme et ceux qui ne trouvent pas leur christianisme fatiguant devraient se poser la question. Et soyons clairs, on ne combat pas l’injustice sans que l’injustice réagisse. C’est pourquoi, l’Eglise a son lot de martyrs. Et ils ont été martyrs non par des hommes comme dans les guerres classiques car pour un chrétien engagé, les ennemis ce ne sont jamais des hommes, mais des situations, des désordres, et ce qu’il doit combattre, c’est la faim, la soif, la captivité ayant toujours ce premier élan envers les victimes, celui de traduire en gestes humains l’amour de Dieu. Et lorsque dans l’Evangile Jésus envoie ses disciples d’abord vers Israël avant les nations, c’est pour marquer le début du rassemblement, soit d’abord être chrétien chez nous pour ensuite s’ouvrir à toutes les nations.

Le Seigneur nous invite ainsi à ouvrir les yeux autour de nous. Et en cette journée des réfugiés, il m’invite à regarder ce même étranger, réfugié, ce sans-papier, non pas comme étant quelqu’un qui va me prendre quelque chose de ma sécurité, mais bien plus comme étant quelqu’un qui va m’enrichir de son histoire, de sa culture, de sa foi. Et quand je le rencontre dans la rue avec un sourire, un petit mot, un petit service, je peux devenir sa chance en espérance. Et quand je parle d’étranger, oh comme il faut que j’évite de dire ce Noir, cet Albanais, mais plutôt que je demande son nom, comme Dieu appelle l’homme par son nom. Et ainsi je contribue à la floraison d’un nouveau printemps d’Église, car là où il y a humanité, il y a Dieu.

Amen.

 

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