Messe de St Pierre et St Paul, Apôtres

 

Chanoine Jean-Claude Crivelli, le 29 juin 2008, au Centre d’accueil La Pelouse, Bex
Lectures bibliques : Actes des Apôtres 12, 1-11; 2 Timothée 4, 6-8.16-18;
Matthieu 16 ,13-19 – Année A

L’autre jour,  dans la liste des courses que je me proposais de faire, il y avait un shampoing que je souhaitais acheter sous un petit conditionnement  de voyage. « Désolé, cher Monsieur, – me répondit la charmante vendeuse de chez Body Shop – ce modèle ne se fait plus. Je n’ai que le modèle standard à vous offrir. » 
Le modèle « standard », privilégié par les entreprises !  La version unique vendue sur le marché domestique. Nous savons bien que les entreprises recherchent la rentabilité, laquelle dépend conjointement des coûts et des ventes. Et  celles qui optent pour la standardisation de l’offre privilégient une stratégie de minimisation des coûts. Cette standardisation du produit peut se faire sur plusieurs de ses composantes : par exemple, au niveau du design du produit ou de son emballage – par ex : emballage multilingue.

La standardisation, voilà bien une tentation qui guette  les Eglises elles-mêmes alors qu’en leur sein des groupes voudraient imposer manu militari une manière unique de vivre l’Evangile du Christ, d’annoncer celui-ci, de le rencontrer dans nos frères et sœurs voire de le célébrer en liturgie, une seule manière en dehors de laquelle il n’y aurait point de salut.

Certes il n’y a qu’un seul Seigneur, « Messie, Fils du Dieu vivant » comme vient de le proclamer la belle confession de l’Apôtre Pierre.  Et nous n’avons à nous prosterner devant aucune autre autorité que celle-là. Le sens de ma vie, je le trouve dans l’existence de mon unique Seigneur, le Christ, Fils du Dieu vivant. Chaque jour la lecture et la méditation de son Evangile déploie devant moi, et pour tant d’autres frères et sœurs, le chemin de la vie. A chacune de nos célébrations, nous marquons notre respect à l’égard des Ecritures, tout comme à l’égard du Corps du Seigneur lui-même – puisque, surtout dans la Sainte Liturgie, comme dit le concile Vatican II, l’Eglise « ne cesse, de la table de la Parole de Dieu comme de celle du Corps du Christ, de prendre le pain de vie et de le présenter aux fidèles. »

Ouvrir ensemble le livre des Saintes Ecritures, y reconnaître le passage au milieu de nous de Celui qui est parole de liberté – nous avons à faire nôtre le récit de la délivrance de Pierre (1ère lecture) – ,  proclamer la haute louange de Celui-là qui nous donne de marcher dans la lumière, faire eucharistie : toute la célébration liturgique – et pas seulement ce moment que nous appelons  « consécration » –  nous conduit à adorer  en esprit et vérité. « Adorer le Dieu de Jésus Christ, expliquait il y a quelques jours le pape Benoît,  … est le remède le plus valable et radical contre les idolâtries  d’hier  et d’aujourd’hui ». La profession de Pierre est profession de liberté :  « Celui qui s’incline devant Jésus ne peut et ne doit se prosterner devant aucun pouvoir terrestre, aussi fort soit-il. Nous les chrétiens nous ne nous agenouillons que devant Dieu, devant le Très Saint Sacrement, parce qu’en lui nous savons et nous croyons qu’est présent le seul Dieu véritable, qui a créé le monde et l’a tant aimé au point de lui donner son Fils unique (cf. Jn 3, 16). Nous nous prosternons devant un Dieu qui s’est d’abord penché vers l’homme, comme un Bon Samaritain, pour le secourir et lui redonner vie, et il s’est agenouillé devant nous pour laver nos pieds sales. » poursuivait Benoît XVI.

Un seul Seigneur, Messie du Père, Fils du Dieu vivant : cette profession de foi, la liturgie de ce dimanche la fait retentir à deux voix. Deux, c’est l’ouverture au multiple.  Par conséquent ce que professe Pierre, l’Apôtre Paul l’atteste également mais de manière différente. A la faveur de ce génie paulinien, l’année St-Paul qui s’ouvre aujourd’hui devrait nous permettre de découvrir d’autres chemins de confession, de proclamation et d’existence en Christ. L’histoire du christianisme nous apprend qu’au IIe et IIIe siècles, dans certains milieux chrétiens, il était de bon ton de dire du mal de Paul, par exemple de l’opposer à Pierre, l’orthodoxe.
Il y a pourtant dans les écrits de l’Apôtre Paul une justesse et une acuité dans l’analyse du monde qui demeure valable aujourd’hui encore.  Ou encore, à décrypter la vie de Paul à travers le fourmillement d’indices concrets que proposent ses Lettres, nous mesurons le poids qu’il s’agit de donner aux distances et aux durées dans l’annonce de l’Evangile : l’Apôtre est celui qui met ses frères et ses sœurs en chemin parce que lui-même se trouve en chemin. Comme dit avec malice un bibliste contemporain, « on ne peut pas dire que le christianisme à la manière de Paul n’a pas réussi : on ne l’a jamais sérieusement essayé. »

Loin des standards et des modes,  la tradition apostolique nous transmet l’Evangile, une Bonne Nouvelle, invitant les hommes et les femmes d’aujourd’hui à entrer dans une expérience de vie. L’Eglise étant la communion de ceux et celles qui, à leur place et dans les circonstances qui leur sont propres,  font leur la parole de vie, marchent à la suite de l’unique Seigneur. Une telle expérience ne peut être qu’apostolique : car il n’y a pas d’expérience spirituelle chrétienne qui soit autre que celle des apôtres.
Nous rejoignons ici la profession de foi qu’ensemble nous allons proclamer : « Je crois en l’Eglise … apostolique ».

 

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