Messe de la Sainte Famille

 

Père Jean-Pierre Barbey, à l’église Saint-Pierre-aux-Liens, Bulle, le 27 décembre 2009
Lectures bibliques : Sirac 3, 2-14; Colossiens 3, 12-21; Luc 2, 41-52 – Année C

Chers frères et sœurs,
Chers amis, malades ou en bonne santé, qui nous rejoignez par les ondes
,

Connaissez-vous, dites-moi, une seule famille, dans votre entourage, dans votre parenté qui n’ait pas une histoire, souvent la même , à se raconter et à se redire lorsque ses membres se rencontrent.
Cette histoire somme toute, fait partie du patrimoine et, souvent, rapporter ainsi un souvenir du passé a comme bon effet de rapprocher les gens entre eux dans l’aujourd’hui. Chez nous dans nos réunions de ma famille, ça commençait comme ça : « Mais oui, tu te rappelles bien , comment maman se faisait du souci le soir, c’était en pleine guerre 39-45, quand papa tardait  à rentrer. Son emploi de vérificateur des comptes des communes et paroisses l’obligeait à sillonner tout le canton. Et il le faisait à vélo à cette époque! Quelle affaire. »

Eh bien, quand dans la première famille de Jésus, après sa résurrection, on se rassemblait pour la prière et l’action de grâces, on faisait la même chose : on trouvait sa joie à évoquer ainsi les moments de la vie de Jésus. Et on imagine comment les personnes présentes devaient retenir leur souffle en écoutant Marie présente au milieu d’eux leur raconter l’évènement du temple de Jérusalem.

Saint Luc l’évangéliste, médecin de son métier, participant à de telles assemblées, a pu ainsi recueillir de la bouche même de Marie ce récit qu’il nous livre avec tous les moindres détails: fidèle à la parole de Marie, il est pour nous un témoin précieux de ce cet évènement.
Un témoin, et c’est une femme, une théologienne de l’Eglise réformée, Madame Lyta Basset qui nous l’explique,  « un témoin, c’est quelqu’un qui dit les choses aussi vrai que possible, parce qu’il croit que son témoignage donne à penser.»

Un témoignage ça donne à penser. Et c’est exactement ce qui se passe en ce moment : Marie, et Joseph nous font part de leur stupeur, en découvrant leur Fils Jésus là où jamais ils ne l’auraient imaginé : dans le temple à s’entretenir avec les docteurs de la Loi. D’où leur réaction: « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela? Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi!»C’est là, à proprement parler l’expérience que font des parents, quand ils découvrent avec stupeur, que leur grand garçon , leur grande fille est en train de prendre dans la vie  une direction, inimaginable pour eux jusque là. Stupeur et parfois aussi souffrance. Pensez à ce que ça doit être pour un père colonel dans l’armée de découvrir son fils défilant en ville, en tête d’un groupe de personnes militant pour une Suisse sans armée !
« Quelle souffrance que de voir son adolescent s’éloigner », note Mgr Gérard Defois, président de la Commission Europe  « Justice et Paix  ». Et il ajoute : « Cette blessure de l’éloignement de l’enfant, de son départ vers un ailleurs que l’on ne connaît pas fut autant celle de Marie que de bien des parents. Toute mise au monde comporte une rupture. »

Cette vérité, ainsi définie par cet évêque, vaut en toute circonstance : elle se vérifie à la naissance, quand l’enfant prend le large, en quelque sorte, jusqu’au dernier éloignement, celui de  la mort, la nôtre comme celle des autres. Et dans combien d’autres circonstances de la vie ?
Qui disait donc que le témoignage donne à penser ? Donne à réfléchir ?
Oui à condition bien sûr de s’en donner la peine

Rupture, dira-t-on, d’accord, mais pour aller où ? Où plutôt pour quel profit ? Pour quel avancement ?
La réplique de Jésus, telle qu’elle nous est rapportée, donne elle aussi et comment,  matière à penser. Jésus leur dit: « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? » Rien que déjà ça. Mais il poursuit : « Ne le saviez vous pas ? C’est chez mon Père que je dois être ? » L’incompréhension est à son comble pour Marie et Joseph avec elle, et qui provient de cette déclaration faite par Jésus de l’existence de quelqu’un qu’il appelle son Père et d’une  relation qui l’unit à Lui. Mais de qui parle-t-il ? Quand il évoque ainsi son Père, et ce en présence de Joseph lui même. Ils  sont proprement atterrés. Ils découvrent que Jésus n’est pas seulement leur enfant. Son cœur et son esprit sont  ailleurs. « C’est chez mon Père que je dois être ».

C’est à ce moment-là que l’un et l’autre, et nous avec eux,  nous commençons à entrevoir  le sens profond de toute cette histoire : la famille en soi c’est quelque chose de merveilleux. Mais à un moment donné, c’est vrai, elle va connaître des ruptures, parfois malheureusement  des éclatements. Mais c’est au cœur même de cette vie de famille que nous serons  appelés personnellement à devoir un jour choisir et nous surpasser, pour répondre à un appel  venant  du Père : sommes-nous prêts à tout quitter, et même si Dieu venait à nous le demander , notre propre famille pour collaborer avec lui à la réalisation d’un projet complètement fou, mais qui devrait nous aller droit au cœur. Quel projet ?
Celui de  restituer à chaque personne sa dignité d »enfant de Dieu et réconcilier les hommes entre eux, pour ne constituer plus qu’une famille, celle des enfants de Dieu. Comme l’a si bien développé saint Jean dans la lecture d’aujourd’hui.
Vraiment un témoignage qui donne à penser.

Et qui donc est prêt ainsi à se dépasser, à se donner entièrement à la suite de Jésus. Disons le simplement et d’un mot : c’est à l’âge de l’adolescence que l’on apprend vraiment à faire un choix, et un jour à savoir se dépasser, surtout quand les circonstances l’exigeront.
D’où l’intérêt qu’ont les parents d’être particulièrement attentifs à leurs enfants à l’âge de l’adolescence. De l’ambiance dans laquelle ils vivent dépendra la qualité du choix de vie qu’ils réussiront à faire, et plus profondément de la qualité de vie qui sera la leur : repliée sur elle-même ou bien ouverte à Dieu et au monde.

Je voudrais bien terminer par encore une citation de Monseigneur Defois.
« Les parents ne possèdent pas l’enfant, ne maîtrisent pas son avenir, ils le soutiennent dans sa marche vers la liberté. Cela s’appelle l’amour.
Quand l’enfant nous échappe, il grandit » Comme Jésus, du reste,  duquel il est rapporté « il grandissait en sagesse, en taille et en grâce ». Et qui a su faire, au bon moment, le choix de sa Vie.
Amen

 

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