Messe catholique chrétienne

Curé Jean-Claude Mokry, à l’église de la Trinité, Grand-Lancy, le 14 novembre 2010
Lectures bibliques : Isaïe 48; Matthieu 25, 14-30

 

Chers frères et sœurs,

Ces deux lectures que nous venons d’entendre ont de quoi nous surprendre. Elles sont proposées pour ces dimanches qui marquent la fin de l’année liturgique. Une année qui recommencera à la fin de ce mois avec le Temps de l’Avent qui est la préparation à Noël.

Bien sûr Noël est la fête de la naissance de Jésus. Mais c’est aussi une invitation à laisser naître et grandir en nous celui que nous reconnaissons comme le Sauveur. C’est pourquoi les lectures de ces dimanches ont un peu un « goût de fin du monde ».

C’est dans cette perspective qu’il convient d’entendre l’Evangile d’aujourd’hui, un texte qui parle de talents, des talents qu’on ne doit pas confondre avec les « talents » que nous pouvons posséder, en cuisine ou en chants, en danse ou en écriture…
Car les talents de cette parabole, c’est une monnaie qui n’existe pas sous forme d’espèces. C’était une monnaie d’échange qui représentait une valeur considérable puisqu’un talent était l’équivalent du salaire de 16 années de travail pour un ouvrier moyen à l’époque de Jésus. Soit environ 20 kg d’argent pur ! Ces chiffres n’ont pas grand-chose à voir avec les prix actuels, mais tout le monde peut comprendre qu’il s’agit d’une véritable petite fortune qui est confiée par cet homme riche à ses serviteurs.

L’histoire est simple : un homme riche confie (selon leurs capacités) 5 talents à l’un de ses serviteurs, 2 talents à un autre et 1 talent au troisième. Cet homme part en voyage et quand il revient il demande à chacun de ces serviteurs ce qu’ils ont fait de ce trésor.
Celui qui a reçu 5 talents en rend le double, celui qui en a reçu 2 lui rend également le double. Mais le dernier serviteur ne rend que le seul talent que lui a confié son maître.
Quelle est alors la réaction de cet homme riche ? Il va féliciter chaleureusement les 2 premiers serviteurs qu’il invite à venir « se réjouir avec lui». Mais il rejette le troisième et lui donne l’ordre de confier son unique talent à celui qui en a déjà 10 !

Voilà un récit bien sévère, me direz-vous, qui ressemble pour beaucoup à ce que nous vivons dans notre société. Ceux qui ont peu sont souvent dépossédés au bénéfice de ceux qui ont beaucoup. Comme si cette fable était une manière de raconter le monde « à la mode du Monopoly ».
Déduire cela de ce récit serait évidemment un contresens. Jésus ne cherche aucunement à justifier les lois de l’économie de marché !
Cette parabole est parvenue jusqu’à nous sous trois formes différentes : dans les évangiles de Matthieu et de Luc – et dans un texte apocryphe, l’évangile aux Nazaréens.
Ce texte apocryphe propose un récit très moralisant : le troisième serviteur va dilapider sa fortune avec les prostituées et les joueuses de flûte ! A son retour, le maître félicite le premier serviteur, blâme le deuxième … et envoie le troisième en prison !

A l’inverse l’évangile de Matthieu semble avoir conservé la version primitive de ce texte. Pour lui cette parabole est une parabole de la parousie – ou pour employer un langage plus familier, une parabole de la fin des temps. Il s’agit d’inviter les auditeurs à se préparer au retour du Seigneur.
En fait ce n’est pas l’histoire d’un homme riche qui confie sa fortune à ses serviteurs qui nous est racontée, mais bien l’histoire du Christ qui demande des comptes à ses disciples sur ce qu’ils ont fait de la vie qui leur a été donnée.
Selon un jeu de mots, c’est sur ces « talents » que nous avons reçu abondamment de Dieu que nous serons jugés. Cela revient donc à nous demander si nous avons été de « bons et fidèles serviteurs » ?

Comme le souligne certains biblistes, ces paraboles de la parousie sont à l’origine des paraboles pour des temps de crise. Elles veulent « secouer » un peuple endormi. Avec le temps, l’Eglise primitive les a interprétées dans un sens christologique pour inviter les communautés chrétiennes à ne pas se laisser aller à l’assoupissement en attendant le retour du Christ. Ne serait-ce qu’à travers les fêtes de l’année liturgique !
Mais que reste-t-il aujourd’hui dans nos communautés de l’attente du Seigneur ? Comme chrétiens, est-ce que nous ne nous laissons pas porter par l’air du temps, sans attendre un quelconque retour du Seigneur ? Avons-nous d’ailleurs encore l’impression que nous aurons un jour à rendre des comptes ?

D’ici quelques semaines, nous fêterons Noël. Ce n’est pas une fête comme une autre. Ce n’est pas seulement l’occasion de rassembler les familles et de faire plaisir aux enfants. C’est la fête de la venue du Messie qui vient nous apporter la justice et la paix. Une paix et une justice que, comme disciples du Christ, nous avons vocation de réaliser dans ce monde si souvent oublieux de paix et de justice.
D’ici quelques semaines aussi, il y aura les votations sur le renvoi des étrangers délinquants.

Peut-être que cette parabole racontée par Jésus nous aidera à comprendre en quoi consiste la fidélité à la parole du Maître ? Car lorsque le Seigneur reviendra, il ne manquera pas aussi de nous demander ce que nous aurons fait de ces ces « valeurs » qui nous sont chères. Nous serons-nous contentés de les enfouir pour essayer de les « préserver » – ou aurons-nous eu le courage et l’audace de les faire fructifier sans crainte ?

Comme les serviteurs de la parabole, nous aurons aussi à lui répondre, sans nous dérober, non pas sur ce que nous croyons, mais bien sur ce que nous aurons fait de cette vie qu’il nous a donnée.
Pour moi la leçon de cette parabole, c’est justement une invitation à agir inlassablement pour faire fructifier ces multiples « talents » que nous avons reçus de Dieu, sans être obsédés par les peurs et les craintes qui ont paralysées le mauvais serviteur de la parabole.
Car nous devons œuvrer à la venue de ces temps messianiques qui sont promis à tous :
– pour que la paix coule comme un grand fleuve, et la justice soit donnée à tous, comme les flots de la mer…
– Alors à l’image de ces talents, la paix et la justice seront abondamment offertes, pour le bien de chacune et de chacun.
N’est-ce pas là notre vocation ? C’est ce à quoi nous invite cette page d’évangile. Amen.

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