Messe du Jour de Noël

 

Mgr Georges Fonghoro, évêque de Mopti, à l’église de Bandiagara, Mali, le 25 décembre 2003.

Lectures bibliques : Isaïe 62, 11-12; Tite 3, 4-7; Luc 2, 15-20

Paix et joie à vous frères et sœurs en Christ, qui êtes venus de près ou de loin célébrer en ce jour, la fête de la naissance de notre Seigneur Jésus-Christ. Paix et joie à vous, membres de l’équipe du Centre catholique de radio et télévision de Lausanne. Depuis la Suisse, vous êtes venus nous rendre visite pour découvrir le visage d’une communauté chrétienne locale et la faire découvrir à de nombreux auditeurs de votre pays par le canal de la radio. Nous vous disons un grand merci pour votre sens de l’ouverture au monde qui traduit d’une manière la communion entre toutes les Eglises. Nous avons attendu ce jour et nous l’avons préparé quatre semaines durant, en veillant dans la prière, dans l’espérance et la foi. En union avec tous les chrétiens du monde entier, nous laissons éclater aujourd’hui notre joie et nous rendons grâce au Dieu d’amour pour la venue en notre chair de son fils unique.

En cette fête, les sensations qui retentissent au tréfonds de nos cœurs sont ceux de la joie, de la paix, du salut.

Joie ! Oui Noël c’est essentiellement la joie, car il s’agit d’une naissance. Fête de la vie, fête du bonheur, fête de l’accomplissement de la promesse divine.

Joie des pauvres dans la nuit de ce monde, joie de tous ceux qui attendent quelque chose dans leur vie, joie de tous les hommes. Voici l’enfant de Noël qui est né. Il est là toujours présent parmi nous. II est venu il y a plus de 2000 ans dans le monde. Il vient aujourd’hui encore dans chacune de nos vies. Il est venu sur le plateau dogon, ici dans cette paroisse de Bandiagara il y a bientôt 50 ans. « Comme il est beau de voir courir sur les montagnes le messager qui annonce la paix, le messager de la bonne nouvelle qui annonce le salut. ».

Cette proclamation du prophète Isaïe entendue dans la première lecture est très significative pour nous. Il y a 50 ans bientôt les messagers de la bonne nouvelle que sont les missionnaires d’Afrique ont parcouru le plateau montagneux de Bandiagara. Ils y ont semé le grain de l’Evangile. Malgré la dureté du terrain, malgré les roches et le manque d’eau, le grain a poussé et grandi. Au prix d’énormes sacrifices les missionnaires ont fait naître Jésus Christ dans le cœur de nombreux fidèles. Ils sont encore là présents parmi nous et chaque fête de Noël est l’occasion pour nous de rappeler cet instant privilégié de notre histoire où l’Evangile est entré en contact avec le peuple et la culture dogon grâce à nos efforts.

Comme il est merveilleux de voir cette assemblée célébrer Noël sur ce plateau Dogon de Bandiagara. C’est le signe que Jésus est vraiment chez lui chez nous. Nous l’avons accueilli. Il est l’un des nôtres désormais. Mais beaucoup ne le connaissent pas encore. La fête de Noël nous renvoie alors à notre devoir d’apporter Jésus à ceux qui ne l’ont pas encore rencontré. Nés de la mission, nous sommes appelés à être missionnaires. Si nous pouvons affirmer que Jésus est Seigneur, c’est parce que les messagers de la bonne nouvelle l’ont touché et reconnu et nous l’ont présenté comme le Fils de la promesse qui accomplit le grand projet de Dieu pour l’humanité.

Et le passage du livre d’Isaïe nous fait vibrer aujourd’hui à l’unisson de la grande attente du peuple de la promesse :

« Dieu au milieu du peuple dogon pour toujours et à jamais. Le Christ au milieu des foules de nos villes et villages pour toujours et à jamais ». Quelle joie ! Quel bonheur ! Oui quelle joie et quel bonheur ! Ce bonheur est comparable a celui d’une personne âgée du pays dogon qui disait : « avant d’avoir rencontré le Christ, j’étais comme dans un puits. Je ne voyais pas la lumière. Après l’avoir rencontré et m’être fait baptiser, je suis remonté à la surface. J’ai vu la lumière et j’en suis comblé. ».

Fête de la joie, Noël est éminemment la fête de la paix.

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ». Comme il est beau de voir sur les montagnes le messager qui annonce la paix. Le royaume inauguré par la naissance de Jésus est un royaume de justice et de paix. L’enfant de Noël est le prince de la paix. Dans le mystère de Noël, la paix de Dieu nous est donnée à profusion. Une paix qui nous réconcilie les uns avec les autres, une paix qui nous réconcilie avec Dieu lui-même. En nous faisant partager sa paix, Dieu nous rétablit dans son alliance et nous tient en sa bienveillance.

Noël fête de la paix, mais d’une paix qui nous bouscule dans nos habitudes, nos manières de voir et de penser. Il s’agit désormais de penser à la manière de Dieu. Une paix qui renverse les puissants de leur trône et élève les humbles. Une paix qui nous pousse à marcher sur les chemins qui montent à Jérusalem, car célébrer Noël, c’est célébrer notre adoption filiale en Christ mort et ressuscité.

Christ notre paix. C’est la bonne nouvelle que chaque Noël transmet pour notre temps d’aujourd’hui. Nous sommes invités à vivre cette paix :
– en allant à la rencontre de nos frères et sœurs
– en vivant réellement les mots partage, douceur, compassion, justice, miséricorde.

Ce sont peut-être là, de pauvres mots d’homme. Mais ils ont des accents divins depuis que le Verbe les a illuminés de sa lumière. Car Jésus a prononcé ces mots. Il ne les a pas dit du bout du cœur et des lèvres. Il a tout dit de Dieu y compris le dernier mot : aimer l’homme jusqu’à en mourir.

La paix n’est pas un vain mot. La paix c’est un comportement de tous les jours. Noël n’aura aucun sens si elle ne ravive pas en nous la volonté et le désir de vivre en paix avec nos frères et même avec nos ennemis.

L’occasion est alors bonne de prier de supplier le prince de la paix pour la paix dans nos foyers, la paix dans notre pays, la paix dans le monde entier et surtout là où elle manque le plus. Nous pensons à nos frères d’Irak, du Moyen Orient et tout près de nous, à ceux du Liberia et de la Côte d’Ivoire.

Et le verbe s’est fait chair, et il a demeuré parmi nous. Et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son père comme Fils unique plein de grâce et de vérité. Le prologue de saint Jean nous plonge dans la contemplation du verbe incarné. Au cœur de Noël, il y a un enfant, un nouveau né. Oui, Noël nous met en présence d’un enfant de chair et de sang. C’est un enfant sans autre éclat que la beauté fraîche et innocente de tout enfant nouveau-né. Mais la merveille de Noël, c’est l’identité de cet enfant. Il est le sauveur du monde. Dieu fait homme.

C’est là une affirmation dont nous n’aurons jamais fini de mesurer l’énormité. Pourtant, l’affirmation que Jésus est le verbe fait chair constitue le centre de la bonne nouvelle de cette fête de Noël. En Jésus, Dieu s’est fait connaître. Mais Dieu ne s’est pas fait connaître pour le simple plaisir de se faire connaître. Son plaisir à lui, c’est de faire de nous ses enfants. « Tous ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Tous, nous avons eu part à sa plénitude, nous avons rendu grâce après grâce ». Ce pouvoir et cette grâce nous l’avons reçu ou le recevons le jour de notre baptême. La fête de Noël nous renvoie ainsi à l’aube de notre renaissance. Sa célébration s’ouvre sur une grande annonce du salut donné par le Christ Jésus qui vient. Et quand nous confessons que l’enfant de Bethléem est le fils de Dieu, nous recevons déjà le nom nouveau de nôtre pâque : « Peuple saint » « Rachetés par le Seigneur ».

Frères et sœur en Christ, la communauté ecclésiale que nous constituons est le signe de la présence de Jésus dans cette société du plateau dogon. Sil est vrai que Noël est la venue du fils de Dieu en notre chair, le corps visible de la communauté chrétienne doit rendre réel et permanent sa présence. Nous sommes appelés à faire en sorte que chaque jour soit une fête de Noël par un témoignage de vie vrai et sincère, par l’amour que nous manifestons aux autres et l’accueil de nos frères en humanité. Si nous sommes profondément enracinés dans la foi, si l’Evangile de Jésus est authentiquement vécu dans notre culture, alors nous pourrons dire « le verbe a pris chair. Il a habité parmi nous ». Puisse cette célébration de Noël être un moment incandescent où nous nous laisserons transformer par la lumière d’un tel mystère.

Joyeux Noël à toutes et à tous.

 

 

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