Messe du dimanche des femmes catholique-chrétiennes

 

 

Anne-Marie Kaufmann, curé catholique-chrétienne, église St-Pierre, La Chaux-de-Fonds, le 19 novembre 2006

Lectures bibliques : Sagesse 11, 22- 12,2; Luc 19,1-10 – Année B

Prédication inspirée du texte de base proposé par le groupe de préparation

Est-ce que cette histoire de Zachée que nous venons d’écouter vous parle ? Zachée, un homme qui n’était pas aimé. Il était, comme les autres habitants de Jéricho, juif, mais il travaillait pour la force occupante, les romains. Il encaissait des impôts exorbitants en leur nom, un argent qui n’allait pas améliorer leur vie, mais celle des romains. De plus, il profitait de son statut de collaborateur, pour remplir aussi ses propres poches. C’était un escroc, que tous méprisaient, et évitaient de rencontrer si possible. Rien d’étonnant que Jésus suscite de la colère en s’invitant précisément chez l’homme qui le mérite le moins de toute la ville. Nous rencontrons ici un Jésus qui dérange, et ce n’est, nous le savons, pas la seule fois. Car ce n’est pas un hasard si Jésus appelle Zachée par son nom et lui dit : « Aujourd’hui encore je dois demeurer dans ta maison. » Zachée compte pour Jésus, il est respecté. Et Jésus souligne l’importance qu’il lui accorde en s’invitant chez lui. Zachée devait s’attendre à tout sauf à ce qui vient de se passer. Mais nous assistons à l’instant mystérieux où s’amorce une rencontre. Jésus accorde toute son attention à Zachée. Et Zachée oublie tout ce qu’il représente pour les autres, l’escroc qu’il est, leur mépris, et répond à cette invitation surprenante par une joie qui s’empare de lui. Je dis Invitation- car ce n’est pas seulement Jésus qui veut être l’invité de Zachée, mais lui, en même temps invite Zachée à cette rencontre.

Une rencontre fait partie d’une histoire, elle n’est pas statique, il y a quelque chose qui se passe entre les personnes qui se rencontrent. Notre histoire de l’évangile met bien en scène ce mouvement: D’abord, Zachée est en haut, sur l’arbre, en dessus de tous les autres et de Jésus. Même s’il est petit et détesté, il est riche et socialement haut placé, il a du pouvoir, il a une place de gagnant, en haut de l’échelle. Jésus le fait descendre de cette hauteur scabreuse. Et ils se parlent les yeux dans les yeux, sur le même niveau. Jésus le prédicateur itinérant sans le sous et Zachée le riche percepteur d’impôt. Que se passe-t-il entre eux, dans leurs regards ? En tout cas, chez lui, Zachée descend encore plus bas, il s’abaisse jusqu’à ceux dont il a extirpé même de quoi calmer leur faim. Il annonce, qu’il va donner la moitié de ses richesses aux pauvres et rendre quatre fois la somme aux victimes de son escroquerie. Non seulement il reconnaît son tort, mais ne veut plus continuer sa vie comme avant. Alors il le répare bien au-delà des règles de loi, et se découvre en homme généreux. De toute évidence, il retrouve une joie et une liberté qui l’avaient quittés depuis longtemps.

Que s’est-il passé pendant cette invitation, à table ? Zachée a vécu ce qu’on appellerait dans le jargon théologique une conversion. Sa vie change totalement de direction. Il s’est détourné de valeurs stériles qui régissaient sa vie et s’est ouvert à d’autres valeurs qui se sont mis à s’épanouir dans son coeur comme des fleurs. Des valeurs qui semblaient lui manquer ou qu’il avait « oubliées », mais qui maintenant par la rencontre avec Jésus revenaient à sa conscience avec grande force. Quand est-ce qu’il avait eu des invités pour la dernière fois ? Des amis ?

Je pense que c’est une des plus belles scènes pour illustrer ce dont nous essayons de parler, quand nous parlons d’amour dans nos églises. Ce mot qui est toujours en danger de devenir fade dans notre bouche et de rester ambigu dans notre vécu. Jésus entre dans la maison de Zachée avec amour. Il donne à Zachée ce dont il a besoin pour vivre, il redonne vie à une existence asphyxiée. L’amour divin est la force qui veut la vie, qui veut le bien de l’autre, l’amour c’est vouloir pour l’autre ce qui le fait vivre pleinement. Et cela fonctionne dans la réciprocité, dans la rencontre. On s’en nourrit en le recevant et on nourrit l’autre en le donnant. L’amour ne peut pas être pris et amassé, retenu comme de l’argent. Il doit être donné librement et doit laisser la liberté, et ainsi il se multiplie. L’amour dans ce sens n’est ni ambigu ni passion éphémère, ni sentimentalité incontrôlable, ni possession. « Vouloir pour l’autre ce qui le fait vivre ». Réciproquement. C’est tout simple. Mais à notre ère du self-service où on prend ce dont on a besoin, où l’on ne compte que sur soi-même, ce n’est pas évident.

Considérons le message de Jésus. Un grand nombre de ses enseignements, signes, se passent lors d’un repas, d’une invitation. L’hospitalité est une attitude de base de la vie sociale. La table d’invités est l’image par excellence qui exprime l’amour qui fait vivre. Il y a un dicton qui dit que l’hospitalité, ce sont les invités qui entrent comme étrangers et repartent comme amis. L’invitation ouvre un espace de vie et de rencontre en toute liberté. Jésus n’a pas dit : il faut que je vienne chez toi Zachée l’escroc, car je dois te dire tes quatre vérités. Il a voulu être son invité. Il a ainsi permis à Zachée de donner ce qu’un hôte peut offrir de mieux à son invité, prêter attention à ce que rien ne manque, à la qualité des mets etc. Et Zachée s’est senti accepté, aimé, et tout à coup, il comprend bien des choses. Jésus est venu en invité qui veut ce qui fait vivre Zachée. Zachée, en accueillant Jésus, se sent revivre.

Jésus dérange souvent en allant manger avec des gens « inconvenables » aux yeux des autres. Il n’entre pas dans un système de convenances où l’on s’invite pour consolider son standing ou pour faire partie d’un cercle clos d’élus ou par stratégie de pouvoir ou autres intérêt.

Son critère, c’est l’amour de l’autre. Inviter, c’est offrir un espace de vie, là où la vie manque, où il y a souffrance. C’est pourquoi l’amour de Jésus peut déranger. C’est pourquoi l’amour dont nous parlons, ne peut être qu’un discours mielleux. Il est une force puissante, parfois difficile à vivre à notre échelle humaine. Il nous met constamment au défi. Parce qu’il doit être apporté et vécu aux zones d’ombres, face à la violence, face à l’horreur humaine.

Avons-nous le courage et la force, la grandeur de cœur pour faire comme Jésus ? Sommes-nous capables d’aimer comme lui ?

Je dirais, comme Zachée, oui, nous le pouvons. N’oublions pas, Jésus a placé son enseignement si simple et si grand au centre de la vie de ceux et celles qui le suivent depuis 2000 ans, les chrétiens : il nous invite à sa table, où par le don de soi, il nous nourrit de vie en abondance.

 

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