Messe du 5ème dimanche du Carême

 

 

Abbé Jean-Charles Roulin, à l’église St-Marc, Serrières, NE, le 28 mars 2004.

Lectures bibliques : Isaïe 43, 16-21; Philippiens 3, 8-14; Jean 8, 1-11

Par ses enseignements dans le Temple, et par ses actes, Jésus a acquis une autorité qui inquiète et rend jaloux. Scribes et Pharisiens ont trouvé le moyen d’ouvrir une brèche dans cette réputation. Il ne pourra pas renier la loi de Moïse et par là deviendra complice d’une condamnation à mort! Cette femme que la loi demande de lapider, ainsi que l’homme avec lequel elle était ceci dit en passant, cette femme n’est pour eux qu’un prétexte, un cas de jurisprudence qui va leur permettre de discréditer ce nouveau prophète gênant.

 

Jésus commence par se baisser, signe d’humilité, comme pour prendre la mesure, la gravité de ce moment où se joue la vie de quelqu’un. Il ne prend personne de haut, mais prépare chacun par son attitude énigmatique à entrer dans une profonde réflexion. Ses traits tracés sur le sol seront piétinés, effacés par le temps, comme pour signifier que tout ce qui est écrit est éphémère, appelé à disparaître, aussi léger que le vent. On peut y voir une allusion à la loi que brandissent les accusateurs de la femme. Toutes les lois du monde, tout ce qui est écrit, qu’est-ce que cela pèse en regard de la vie d’un être humain?

 

Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre. A ce qui est écrit dans la loi de Moïse, Jésus répond par ce qui est écrit au plus profond de nos coeurs, là où se trouve notre conscience. Sa parole ne juge personne, elle se dresse simplement comme un miroir. Cette parole n’a rien d’humiliant, elle n’est pas le coup de grâce dans un débat d’idée. Elle est un appel, une invitation à prendre conscience de ce qui nous lie dans notre humanité.

 

Qui suis-je pour juger mon semblable? Caché derrière la loi, derrière les masques que l’on affiche en public, caché derrière le bon droit et la morale, chacun se trouve soudain débusqué. Impossible de se soustraire à la lumière de cette vérité que je connais bien: je ne suis moi aussi qu’un homme pécheur. Dommage que cela pousse les uns après les autres à se replier sur eux-mêmes, à se retirer comme pour se soustraire à cette transparence dont ils sont maintenant tous atteints. Il leur faudra encore du temps pour oser aller relever cette soeur en humanité, le temps d’une conversion, le temps de l’acceptation de soi-même tel que l’on est et non pas tel que l’on rêve d’être, ou tel que l’on essaye de faire croire que l’on est.

A nouveau Jésus se baisse. Sa parole a libéré cette femme du poids des regards des autres qui l’enfermait dans son histoire, son passé. Une fois encore il s’est abaissé, humble devant celle qu’il vient de libérer, humble comme il le sera devant ses disciples, à genoux pour leur laver les pieds. C’est l’attitude de celui qui sert, celui dont on n’a rien à craindre. Il a rejoint cette femme dans l’écrasement qu’elle vient de subir. Avec lui elle peut désormais se redresser, car plus que sa parole, c’est son attitude qui lui dit qu’il ne la condamne pas.

 

Il nous faut sortir de l’image d’un Dieu juge que l’on craint, nous libérer d’un discours religieux moralisant qui nous écrase. Si beaucoup de paroles de l’Evangile stigmatisent notre péché, c’est seulement pour que nous prenions un peu plus la mesure de l’amour que Dieu a pour nous. Si beaucoup d’enseignements de Jésus sont assortis d’exigences, c’est pour que nous réglions la boussole de notre vie sur le seul pôle qui mène au bonheur, celui de l’amour du prochain. Toutes les lois, si justes et fondées soient-elles, ne sont jamais plus que des béquilles pour nous aider à avancer, mais elles ne doivent à aucun moment se transformer en pierre ou fusils qui tuent.

 

Va, et désormais ne pèche plus. Ni plus ni moins! Pourquoi comprenons-nous toujours ne pèche plus sinon tu es perdu, ne pèche plus sinon je ne t’aimerai plus, sinon tu ne pourras plus compter sur moi… Jésus n’a accompagné cette appel d’aucune condition. C’est un élan, un envoi, une invitation à vivre sa vie d’être humain en ayant réglé sa boussole sur la bonne direction. Cette parole est ouverte sur l’avenir, sur tous les possibles. Elle est un appel fabuleux à la confiance en soi et en Dieu.

 

C’est trop beau, trop facile, sommes-nous tenter de dire! Alors c’est que nous sommes encore trop crispés sur les pierres que la vie nous a mis dans les mains, ou encore trop blessés par celles que les autres nous ont lancées. Durant ces 5 dimanches de carême Dieu n’a cessé de nous dire laisse-moi t’aimer tel que tu es, laisse-moi t’appeler par ton nom, laisse-moi t’embrasser et te couvrir de baiser comme pour le fils prodigue, laisse-moi te dire aujourd’hui que je ne te condamne pas. Hé bien prenons le temps de laisser résonner en nous ces paroles qui libèrent, prenons le temps de lui dire simplement moi aussi je t’aime, et montre-moi encore le chemin! Cela n’a rien de mièvre, c’est le langage de l’Evangile, simple comme l’humilité, fort et puissant comme une résurrection!

Amen.

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