Messe du 5e dimanche de Carême

 


Abbé Jean-Marie Pasquier, le 9 mars 2008, à la chapelle N.-D. de la Compassion, Bulle
Lectures bibliques :
Ezéchiel 37, 12-14; Romains 8, 8-11; Jean 11, 1-45 – Année A

Les hommes, dit-on, ne pleurent pas. Ou peut-être se cachent-ils  pour pleurer. N’entend-on pas dire parfois aux petits garçons : « Arrête de pleurer, tu n’es pas une fillette ! » Eh bien ! Jésus, lui, a pleuré. Il n’a pas pu s’en empêcher. Tout le monde l’a vu. Et qu’est-ce qu’on a dit ? « Voyez comme il l’aimait ! » Jésus a pleuré sur son ami Lazare … ou plus précisément il a craqué  en voyant pleurer  Marie et les autres … Lui qui deux jours plus tôt paraissait si fort, presque insensible… Il a pleuré parce qu’il aimait, il a partagé  la douleur, il a compati, comme Marie bientôt au pied de la croix, elle qu’on invoque dans cette chapelle comme Notre Dame de Compassion.

Mais aussitôt viennent les questions des deux sœurs : pourquoi avoir attendu si longtemps ?  « Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ! » Oui, pourquoi ? Si Dieu nous aime, et s’il est aussi puissant qu’on le dit, pourquoi laisse-t-il faire, pourquoi n’intervient-il pas, pour empêcher les enfants de mourir de faim, pourquoi permet-il ce déferlement de violence sur Jérusalem, sur Gaza, sur l’Irak, et dans les forêts  de Colombie où se meurent Ingrid Betancourt et tant d’autres otages innocents ?

Pourquoi ?  La question a été posée, comme une provocation, à Jésus lui-même : « Si tu es le Fils de Dieu, pourquoi ne descends-tu pas de la croix ? » Quel coup d’éclat c’eût été ! Jésus ne l’a pas fait. Il n’est pas venu épater le monde par des hauts-faits spectaculaires, il est venu pour le sauver, par la puissance de son amour. Non en supprimant la mort, et tout ce qui la précède, la maladie, la souffrance, et tout ce qui la suit, la séparation, les larmes, le deuil, mais en étant solidaire jusqu’au bout  de la détresse humaine face au silence de Dieu : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »  Avant de remettre sa vie  entre les mains de son Père, dans un total abandon.  C’est ainsi qu’il a vaincu la mort, en la traversant pour entrer dans la Résurrection, dans la vie de Dieu.

En ramenant Lazare à la vie, Jésus donne un signe de sa propre Résurrection… et de la nôtre avec Lui.  Pas seulement à la fin des temps, comme le croyait  Marthe, mais dès maintenant. « Moi, je suis la Résurrection et la Vie.  Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. » La Résurrection, ce n’est pas seulement pour plus tard, elle existe déjà maintenant dans la personne de Jésus, et pour nous dans la foi en Lui.  « Si tu crois… » Ne pleure pas sur le passé ou les chances perdues de ta vie, ne rêve pas d’un avenir radieux. Vis et crois au présent, à l’aujourd’hui de Dieu, à sa vie qui est déjà en toi… Si tu acceptes d’être libéré, comme Lazare, des bandelettes qui te retiennent encore et t’empêchent de marcher librement.

Ce n’est pas facile, et on n’y arrive pas tout seul. Avez-vous remarqué tous ces gens  qui entourent  Marthe et Marie, partagent leur chagrin, les a accompagnent  sur le chemin à la rencontre de Jésus. C’est devant eux que Jésus prie son Père : « Père, je te rends grâces…  je t’ai parlé pour cette foule qui est autour de moi, afin qu’ils croient que tu m’as envoyé. » C’est à ceux que Jésus dit : « Enlevez la pierre » et encore « Déliez-le… laissez-le aller ! »

Comment ne pas penser à tous ces chrétiens  qui aujourd’hui, au nom de la communauté paroissiale,  s’engagent dans  la pastorale des funérailles  pour aller visiter les familles en deuil et les accompagner  dans leur épreuve, les aider à  la traverser comme une Pâque, un passage de la mort à la vie.  Y en a-t-il  des pierres à soulever qui pèsent encore lourd sur les cœurs endeuillés, et des liens à défaire pour laisser l’être aimé  partir, et  soi-même  lâcher prise pour repartir à nouveau dans la vie. Ceux qui accompagnent ces personnes savent bien qu’il faut leur donner du temps  et montrer beaucoup de délicatesse pour passer de la Marie qui pleure encore – et Jésus pleure avec elle – à Marthe  qui trouve la force de confesser sa foi au Christ notre Résurrection : « Oui, je crois que tu es le Fils de Dieu qui vient dans le monde. » Qui vient pour moi, pour toi, pour chacun de nous, maintenant… Amen.

 

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