Messe du 3e dimanche de l’Avent


Abbé Jean-Marie Pasquier, à l’église du Saint-Rédempteur, Lausanne, le 15 décembre 2002.

Lectures bibliques : Isaïe 61, 1-2a 10-11; Jean 1, 6-28

Le Dieu de ma joie

Comment Dieu aurait-il un avenir si ceux dont on dit volontiers qu’ils sont l’avenir du monde, et l’avenir de l’Eglise, les jeunes, s’en désintéressent. Ce qui est d’ailleurs à vérifier. L’évidence, c’est qu’on les voit très peu dans nos églises. Pourquoi ? Ils nous donnent parfois eux-mêmes la réponse : « Votre religion est ennuyeuse, vos messes sont tristounettes; comment voulez-vous qu’on s’y intéresse ? » J’aimerais leur dire que Dieu, lui aussi, l’éternellement jeune, s’ennuierait peut-être dans nos églises et trouverait nos sermons peu joyeux.

Car Lui-même – c’est le message central de ce dimanche – est le Dieu de la joie. Et celui qu’il nous envoie, Jésus, est en personne la Bonne Nouvelle. Ayant reçu le premier le baptême de l’Esprit et prenant la parole dans la synagogue de Nazareth, il s’applique à lui-même l’annonce du prophète Isaïe : « L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi, il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle. »

Une bonne nouvelle ! Sus donc aux prophètes de malheur qui ne voient que ce qui va mal dans le monde et dans l’Eglise, et annoncent sans cesse de nouvelles catastrophes. L’Evangile de Jésus est bonne nouvelle parce que Lui-même est le messager d’un Dieu bon, qui n’est que bonté. Un Dieu qui, ayant créé le monde, vit que cela était bon, un Dieu bienveillant ; un Dieu qui fait ce qui est bon pour l’homme, un Dieu bienfaisant ; un Dieu qui dit du bien sur l’homme, un Dieu bénissant. On l’a dit souvent, on n’évangélise pas un monde que l’on n’aime pas, auquel on ne trouve que des défauts. Nous-mêmes, comment regardons-nous ce monde où nous vivons, avec quelle bienveillance ? comment en parlons-nous, pour en dire surtout du mal, ou aussi du bien ?

Cela ne veut pas dire que Dieu est aveugle ou qu’il est un optimiste naïf, une sorte de béni-oui-oui pour qui « tout le monde il est beau tout le monde il est gentil. » Dieu voit et aime le monde tel qu’il est, avec ses blessures, ses déchirures, ses cruautés, ses misères. Regardez à qui s’adresse en priorité la Bonne Nouvelle. A ceux qui ont tout, à ceux qui sont satisfaits, à ceux qui crient victoire ? Non. « Je viens porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, aux cœurs brisés, aux prisonniers. »

Des pauvres démunis de moyens d’existence matériels, il y en a toujours plus dans notre monde, même près de chez nous. Et parmi ceux que nous appelons des riches, combien de pauvres en relations humaines, en affection, en partage.

Des cœurs brisés, combien y en a-t-il aussi, brisés par toutes sortes de chagrins, de déceptions, de trahisons peut-être.

Et de captifs aussi, les prisons en sont pleines : des criminels qui ont, si l’on peut dire, mérité la prison, mais aussi des justes, des innocents, détenus en raison de leurs convictions, de leurs engagements pour la justice, de leur religion. Il y a aussi cette sorte de prisonniers, dont nous sommes parfois qui, sous des airs de joyeuse liberté, sont captifs des murs qu’ils construisent eux-mêmes. Un enfermement intérieur dans cette prison subtile qui s’appelle ego moi-je, une prison qui ne retentira jamais des chants qui montaient de la cellule de saint Jean de la Croix à Tolède – c’est sa fête aujourd’hui – ou des chants qui s’élevaient du bunker de la faim où mouraient Maximilien Kolbe et ses compagnons.

Le serviteur de Dieu dont parle Isaïe, une figure annonçant Jésus, a connu, lui aussi, la détention, la torture, la persécution. Pourtant il proclame sa joie. Non par autosatisfaction, mais parce qu’il la trouve dans le Seigneur. « Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en Dieu. » C’est aussi l’exclamation de Marie de Nazareth : « J’exulte de joie en Dieu mon Sauveur. » Être sauvé, n’est-ce pas justement sortir, être libéré de son ego, de sa prison intérieure pour s’ouvrir à la venue d’un Dieu qui libère, qui dilate le cœur ? Voilà à quoi nous sommes appelés, nous dit saint Paul : « Soyez dans la joie, rendez grâce, c’est ce que Dieu attend de vous, dans le Christ Jésus. »

Dans le Christ. C’est encore Jean-Baptiste qui nous entraîne dans ce mouvement de décentration de nous-mêmes pour nous recentrer sur le Christ. Lui-même, alors qu’on le somme de déclarer son identité et que certains le prennent pour le Messie, proteste : « Non, ce n’est pas moi. » Alors qui es-tu ? « Je suis la voix, la voix qui en annonce un autre, celui qui vient derrière moi mais qui est déjà au milieu de vous. » Un peu plus tard, il dira : « Non, ce n’est pas moi l’Époux, je ne suis que son ami et toute ma joie, c’est d’être à ses côtés. Il faut que Lui grandisse, qu’il prenne toute la place et que moi je diminue. Comme la lampe qui brûle et qui éclaire jusqu’au lever du jour. Non, je ne suis pas la lumière, la vraie lumière, c’est Lui. C’est Lui qui est toute ma joie. »

Jean-Baptiste, Marie, Jésus, étaient des jeunes de leur temps, des êtres totalement ouverts aux autres parce que habités d’une Présence qui était toute leur raison de vivre, toute leur joie. Dieu a encore un avenir dans ce monde, s’il trouve sur son chemin des êtres, jeunes ou vieux, capables de se réjouir de la joie de Dieu, de chanter « Jésus ma joie ». Heureux de partager avec les autres ces fruits de l’Esprit qui sont : amour, paix et joie. Comme disait l’abbé Zundel : « La plus belle prière, c’est la joie des autres. » Amen.
Prière

Seigneur,
tu es le Dieu de notre joie.
Tu nous envoies ton Fils
pour porter la bonne nouvelle
aux pauvres et aux cœurs brisés.
Fais mûrir en nous les fruits de ton Esprit :
amour, paix et joie et bienveillance.
Donne-nous de partager avec les autres
cette joie que nous avons trouvée
en Jésus ton Fils unique,
en qui tu as mis tout ton amour. Amen.

 

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