Messe du 3e dimanche de l’Avent

 

Chanoine Jean-Paul Amoos, à l’abbaye de Saint-Maurice, le 16 décembre 2001

Lectures bibliques : Isaïe 35, 1-10; Jacques 5, 7-10; Matthieu 11, 2-11

Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?

Mes frères, mes sœurs,
Quel contraste entre cette question de Jean-Baptiste posée à Jésus du fond de sa prison et les affirmations proclamées, peu de temps auparavant, dans le désert de Judée !
Devant les foules qui venaient à lui pour se faire baptiser : audace et sûreté… du fond de sa prison : inquiétude et questions…

Quel contraste entre le Jean-Baptiste, prophète du Très Haut, si sûr dans sa prédication et le Jean-Baptiste saisi par le doute sur la véritable identité de Celui qu’il vient d’annoncer.

Audace lorsqu’il peut, dans le désert, proclamer haut et fort l’arrivée du Messie…Angoisse et doute lorsque la réalité se refuse à entrer dans ses projets, dans ses idées. Jean-Baptiste a tout misé sur la personne du Christ, qu’il est chargé d’annoncer. Avec un certain nombre en Israël, il attend avec ferveur Celui qui doit venir, non plus seulement celui que les prophètes ont annoncé, mais celui qui est déjà en route, celui qui va surgir d’un moment à l’autre. Il y a en lui une espérance ardente. Il prend des risques énormes; il ne craint pas de s’opposer au roi Hérode, raison pour laquelle il est en prison; il sait que le Seigneur vient et qu’il vient avec la rétribution pour rendre à chacun selon sesœuvres.

Mais il est en prison et le temps passe. Au début peut-être a-t-il trouvé des explications à son incarcération, comme on trouve souvent des explications à nos souffrances et à nos échecs… Mais le temps passe et il ne voit pas la réalisation de sa prédication ! Le Seigneur tarde à se manifester.

Le temps passe et rien ne se passe. Dans le cœur et dans l’esprit de Jean-Baptiste s’insinue un doute terrible. « Et si je m’étais trompé ? Et si j’avais pris mes désirs pour des réalités ? Et si j’avais projeté sur ce Jésus mon attente, mon espérance, mon désir ? Et cet homme, qui est certainement un envoyé de Dieu, qui est certainement un prophète s’il n’était pas encore le vrai, celui que Dieu a promis ? Si je m’étais trompé ? »

Jean-Baptiste a parmi nous beaucoup de sœurs et te frères, beaucoup d’hommes et de femmes qui, de temps en temps dans leur vie, jusque dans leur vie spirituelle, se disent : « Et si je m’étais trompé dans mes choix ? »

Lorsque Jean-Baptiste pose cette question à Jésus « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Tout le débat porte sur les œuvres du Christ, sur ses manifestations. Et il faut le reconnaître les œuvres du Christ sont ambiguës : elles ont fait parler de lui certes, mais, du même coup, pour ceux qui attendaient depuis longtemps et qui attendaient beaucoup, il se trouve que les œuvres du Christ sont, en quelque sorte, insuffisantes. Pour Jean-Baptiste qui est dans sa prison, il y manque quelque chose : ce qu’il attend, et ce que nous attendons souvent, nous aussi, c’est que Dieu se manifeste en Jésus-Christ avec puissance, qu’il s’impose vraiment face à nos désordres, – et dans notre monde, il y en a – face à nos souffrances, face à nos révoltes, face à nos doutes face à nos questions; que le Christ enfin apparaisse. Apparaisse, oui, mais comment ? Nous savons combien cette attente de puissance, cette attente de manifestation est grande chez nous. Il suffit que quelqu’un se lève, prétendant détenir la puissance du Christ, prétendant opérer des miracles, pour qu’aussitôt on se précipite !

Jean-Baptiste qui attendait un Messie venant dans la gloire et la puissance, va apprendre tout autre chose. La réponse de Jésus est en quelque sorte décevante pour Jean-Baptiste… Cette réponse exprime que Jésus ne fera pas une œuvre exceptionnelle pour Jean. Il entendra de ses disciple : Allez dire à Jean ce que vous entendez et voyez, donc rien de nouveau. Mais pourtant, les œuvres, les actes, les manifestations du Christ que Jean-Baptiste estime insuffisantes, et qu’il voudrait voir renforcées, multipliées, ces actes, sont éclairés par des textes prophétiques. Pour qui sait lire la révélation des prophètes, ces œuvres sont déjà le signe qu’il vient, le Messie annoncé, le Fils de Dieu, le Christ.

Si, du fond de sa prison, Jean-Baptiste a posé à Jésus la question : Es-tu Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre, il serait judicieux que nous, chrétiens du 21ème siècle, qui laissons si facilement de côté la première partie de la question : Es-tu Celui qui doit venir, comblés que nous sommes par d’autres présences… et qui transformons si souvent la deuxième partie de la question : « devons-nous en attendre un autre » par « devons-nous attendre autre chose »… Il serait judicieux de profiter de ce temps de l’Avent pour nous ressaisir et remettre les « pendules à l’heure ».

La question fondamentale pour chacun de nous demeure : « Oui, qui es-tu Jésus, toi qui es venu et qui viens ». Plongés dans un monde d’objets à acheter, à posséder, où les lumières sont braquées sur le mot « cadeau », en ce temps où la société nous habitue et nous invite à attendre des choses, les mots de Jean-Baptiste reprennent toute leur force, ils devraient faire jaillir chez tout chrétien la vraie question : « Qui es-tu Jésus pour moi qui me suis habitué à me détourner de l’essentiel ? » « Es-tu vraiment Celui que j’attends, Toi le vrai Dieu, Lumière illuminant tout homme venant en ce monde ? »

Le Christ vient, celui que nous attendons est là. Ce qu’il veut, ce n’est pas s’imposer, ce n’est pas nous contraindre, ce n’est pas nous obliger à le suivre, mais c’est susciter en nous, au plus profond de nous, la foi qui discerne, qui reconnaît, qui se réjouit. A tous ceux qui attendent le Christ, dans une joyeuse impatience, il est dit : Voici qu’un enfant nous est donné… Oui, un enfant ! C’est-à-dire quelqu’un qui n’a rien à donner, car ses mains sont vides et c’est lui qui a besoin de nous… mais un enfant, qui en nous arrachant à nous-mêmes pour nous pencher vers lui, changera notre cœur et nous fera connaître le bonheur des bonheurs : le bonheur non plus d’acquérir, mais de donner.

Soyons donc les prophètes et les disciples de Celui qui est venu parmi nous au temps d’Hérode, de façon cachée et qui vient aujourd’hui parmi les hommes, afin que les humbles les petits, les faibles, les pauvres, à qui la bonne nouvelle est annoncée puissent le reconnaître et s’en réjouir.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *