Messe du 2ème dimanche de Pâques



Chanoine François ROTEN, Abbaye de Saint-Maurice, le 27 avril 2003.

Lectures bibliques : Actes des Apôtres 4, 32-35; Jean 20, 19-31

Le corps glorieux

Quel corps étrange, frères et sœurs, que celui du Seigneur au lendemain de sa résurrection ! Un corps qui n’est plus comme celui que nous avons vous et moi ; c’est un corps comme transfiguré, glorifié ; un corps glorieux.

Arrêtons-nous un instant sur ce corps glorieux du Seigneur ressuscité. Pourquoi ? parce que nous proclamons chaque dimanche notre foi en la résurrection de la chair et la vie éternelle et parce que c’est un tel corps, glorieux, que nous recevrons après notre mort.

Relisons les évangiles :

· « Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient… Jésus vint et il était là au milieu d’eux. » Le corps du Seigneur, après la Résurrection, possède des capacités extraordinaires : il peut apparaître où il veut, il n’est pas arrêté par les murs et les portes closes.

· « Il leur montra ses mains et son côté. » Bien que doué de facultés nouvelles, le corps de Jésus garde pourtant les marques de la vie terrestre du Christ : les marques des clous et de la lance…

C’est un corps qui permet aussi à Jésus d’agir comme un homme normal : il mange, il boit, il parle; et au bord du lac de Tibériade, il prépare lui-même du poisson sur un feu pour ses disciples qui sont en train de pêcher.

· Dans son Evangile, Luc nous rapporte encore que les disciples furent frappés de stupeur et de crainte en voyant le ressuscité : ils croient voir un esprit ! Et Jésus de leur faire remarquer et constater qu’il est bien fait de chair et d’os, qu’il est un homme et non un esprit.

· Jésus, dans son corps glorieux, a été vu par de nombreux disciples : les saintes femmes, Marie Madeleine, Jeanne et Marie mère de Jacques, Simon Pierre, les deux disciples en route vers Emmaüs, puis, c’est notre texte d’aujourd’hui, les onze apôtres réunis ensemble au premier jour de la semaine.

Tous ils ont vu le Seigneur, non pas comme on voit un esprit, un fantôme, mais un être bien réel, de chair et d’os.

Le corps glorieux semble donc reprendre les facultés du corps humain tel que nous le connaissons (un corps biologique qui mange, boit, parle), mais augmenté de facultés nouvelles qui lui permettent un autre rapport avec les contingences de l’espace-temps dans lequel nous sommes.

Pourrait-il en être autrement ? Comme notre corps humain est adapté à la vie que nous menons sur notre terre, ainsi le corps glorieux est adapté aux conditions nouvelles de la vie après la mort, la vie éternelle.

Et si Jésus peut manger, boire et agir avec son corps glorieux, cela manifeste que la vie qui nous attend est en continuité directe avec cette vie terrestre. Elle est différente, certes, mais non tout autre.

Tout en étant en quelque sorte similaire au corps humain qui est le nôtre, le corps glorieux n’appartient plus au monde terrestre : quelque chose en lui dépasse notre entendement de la même manière que l’idée de la vie éternelle dépasse tout ce que nous pouvons imaginer.

Cela est manifesté par le fait que ceux qui ont vu Jésus ressuscité ont eu de la peine à le reconnaître dans son corps glorieux :

· Marie-Madeleine prend Jésus pour le jardinier ; ce n’est que lorsque Jésus l’appelle par son nom « Marie » que ses yeux s’ouvrent et qu’elle le reconnaît.

· Les disciples d’Emmaüs retiennent l’homme qui, sur la route, leur a expliqué si magnifiquement les Ecritures, mais ils ignorent qu’il s’agit du Seigneur. Ce n’est qu’au partage du pain que, tout à coup, ils le reconnaissent.

· Les disciples qui sont à la pêche sur le lac de Tibériade entendent et voient bien cet homme qui, depuis la rive, leur demande s’ils ont du poisson. Mais ils ne l’ont pas reconnu. Ce n’est que lorsque, à son injonction ils jettent les filets et que se réitère le signe de la pêche miraculeuse qu’ils comprennent que cet homme est Jésus ressuscité.

Le corps glorieux : un corps vrai parce qu’il est dans la nature des humains que nous sommes d’être incarnés ; mais un corps nouveau, car adapté à une vie nouvelle qui bien que certaine reste encore pour nous enveloppée de mystère.

Le corps glorieux semble avoir de tout temps posé des questions aux chrétiens.

Dans sa première lettre aux Corinthiens (1Co 15,35-57), saint Paul traite du sujet.

Après avoir affirmé que si l’on proclame la résurrection du Christ, on doit aussi croire en celle des morts – puisque le Christ nous a apporté la Vie – saint Paul compare le corps glorieux, le corps que reçoivent ceux qui sont passés par la mort, à l’épi de blé.

Comme on sème en terre un grain, qui meure pour donner vie à l’épi de blé, ainsi notre corps humain meure pour donner le corps glorieux du chrétien ressuscité.

Comme il y a un lien manifeste et visible entre le grain semé en terre et l’épi qu’il donnera naturellement, ainsi il y a un lien direct entre le corps terrestre et le corps glorieux qui nous attend.

Et saint Paul commente: « semé corruptible, le corps ressuscite incorruptible ; semé méprisable, il ressuscite éclatant de gloire ; semé dans la faiblesse, il ressuscite plein de force ; semé corps animal (corps physique), il ressuscite corps spirituel ».

Ainsi si le corps humain que nous connaissons est terrestre, tiré de la terre, le corps que nous recevrons à notre mort, lui, est céleste et spirituel.

Mais comment cela va-t-il se faire ? Comment « entrer » dans un autre corps fut-il céleste ? Il y a là un mystère, nous dit Paul, que nous pouvons approcher sans le comprendre totalement. Au son de la trompette finale, c’est à dire lorsque ce monde que nous connaissons cessera, lorsque nous mourrons, nous serons transformés en un instant, ressuscitant revêtus de ce corps glorieux.

Ce sera la fin de cette vie mortelle et le début d’une vie nouvelle dans le Christ.

Frères et sœurs, réjouissons-nous : ce corps glorieux du Christ, il sera nôtre pour la vie éternelle. C’est là la joie de Pâques : la mort et la résurrection du Christ nous ouvrent les portes de la Vie.

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