Messe du 29ème dimanche ordinaire

 

Abbé Jean-Marc Dominé, à l’église St-Vincent, Cornol, JU, le 17 octobre 2010
Lectures bibliques : Exode 17, 8-13; 2 Timothée 3, 14 – 4,2; Luc 18, 1-8 – Année C

 

C’est une veuve, mes frères et sœurs, qui est au centre de la parabole d’aujourd’hui. A première vue, on ne sait rien d’elle, mais en explorant la Bible, on découvre que la veuve est chargée d’un sens symbolique qui devient révélateur de notre propre situation de croyants.
Dans le monde culturel de Jésus, en effet, la veuve est le sommet du dénuement. Sur le plan juridique, la veuve était la femme qui n’avait ni mari, ni beau-frère tenu légalement de la marier, ni beau-fils obligé par la loi de s’occuper d’elle. Dans cet univers, la veuve est donc celle qui est dépouillée de toute ressource et privée de tout réseau social et familial. Elle n’a plus rien qui puisse lui donner joie et sécurité, plus personne sur qui compter. Sinon Dieu !
Et justement à cause de cette situation désespérée, l’état de veuve est devenu un symbole très parlant du peuple de Dieu, au moment où il a tout perdu : son pays, son armée, son temple, son roi. Il ne lui restait plus que son Dieu.

Nous sommes donc invités à nous reconnaître dans ce personnage. Comme chrétiens, nous sommes en effet radicalement pauvres, pauvres de celui qui devrait être le coeur de notre joie : pauvres de Dieu !
Bien sûr, Dieu nous est présent par sa parole, par ses sacrements, par la communauté. Mais il est aussi l’Absent. Celui vers qui nous avançons péniblement, celui que toute l’Église appelle en criant : «Viens Seigneur Jésus !»
Oui, nous sommes tous les veufs et les veuves de Dieu !

Mais revenons à la veuve de la parabole. Elle est dépouillée de tout, mais elle possède une richesse que personne ne peut lui arracher : c’est la certitude d’être dans son droit. À cause de cela, elle est plus forte que tous les refus qu’elle essuie. Cette certitude lui donne le courage de revenir, jour après jour, «casser la tête» du juge. Et à cause de cette certitude et de la persévérance qui en découle, elle est finalement exaucée.

Mes frères et sœurs, comme la veuve, dans notre pauvreté, nous avons une grande richesse dont personne ne peut nous dépouiller. Cette richesse, c’est la certitude que Dieu nous écoute. Déjà l’Ancien Testament affirmait que Dieu écoute toujours la prière du pauvre : «Jamais il ne dédaigne la prière de l’orphelin, ni la veuve quand elle répand sa plainte». Et combien de psaumes sont remplis de cette confiance. À plusieurs reprises, Jésus affirme que la prière n’est jamais stérile parce que Dieu est toujours à l’écoute. «Eh bien, moi je vous dis : demandez, vous recevrez ; cherchez, vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira…».
Lui-même d’ailleurs n’a jamais refusé d’exaucer la prière de ceux et celles qui se tournaient vers lui : l’aveugle, le paralysé, le possédé, la Samaritaine…

Mais alors, me direz-vous, si Dieu écoute toujours, pourquoi ne répond-il pas toujours ? Pourquoi tant de prières, pour obtenir une guérison, un emploi ou toute autre chose, restent sans réponse ?
À cela, j’ai une réponse qui risque d’en décevoir plusieurs. Voyons d’abord quel est le dénominateur commun de nos prières. C’est de demander la vie ! Que l’on prie pour une guérison, pour un emploi, pour le succès d’un examen, pour une réconciliation familiale,…, finalement on prie toujours pour que Dieu nous fasse vivre le plus pleinement possible.
Or, cette prière fondamentale, Dieu l’a déjà exaucée dans le don de son Fils : en lui il nous donne la vie, il nous donne sa vie. Avec Jésus, mort et ressuscité, nous sommes «entrés chez Dieu», nous sommes «entrés dans la vie» pour ne plus jamais en sortir.
Mes frères et sœurs, cette vérité nous permet de découvrir un autre sens à la prière. Réfléchissons d’abord à l’usage que nous faisons du langage. Parfois, nous parlons pour commander. Le plus souvent, nous parlons pour informer…
Nous informons les autres de nos avis et de nos besoins, ou encore, nous transmettons une information reçue de quelqu’un d’autre. Mais la parole n’est pas qu’un véhicule d’information. C’est aussi, et peut-être même avant tout, un outil de communion.

Prenons quelques exemples. Regardez une maman qui parle à son bébé de trois mois. Pourquoi lui parle-t-elle? Ni pour lui commander, ni pour l’informer. Elle lui parle pour nourrir la communion entre elle et lui.

Prenons un groupe d’amis réunis autour d’une bonne table. Ils discutent, se racontent des blagues, se taquinent. Le lendemain, ils se souviendront bien peu du contenu de leur conversation. Mais ils auront grandi dans leur amitié.

Ainsi en est-il avec Dieu. Quand nous lui parlons, l’important n’est pas de l’informer de nos besoins. «Votre Père sait bien ce qu’il vous faut, avant que vous le lui demandiez» dit Jésus. L’important, c’est qu’on lui parle! Que ce soit en criant ou en chantant, que ce soit dans la révolte ou dans l’action de grâce, l’important, c’est que le contact se fasse entre Dieu et nous, qu’on s’adresse à lui comme à l’époux qui n’est pas mort et devrait s’occuper de nous !

Dans la mentalité moderne, l’être humain prend toute la place. Il se fait le centre de tout. Dans ce contexte, la prière joue un rôle essentiel. Elle vient arracher l’être humain à son égocentrisme. Elle affirme, en effet, qu’il y a un Autre en face de lui. Un Autre qui veut entrer en relation avec lui. Un Autre qui est la source de son existence et l’accomplissement de son être. Prier c’est donc affirmer cet «Au-delà de l’homme».

Chers frères et sœurs, dans cette eucharistie, osons remercier Dieu pour le don de la prière. Qu’elle soit longue ou brève, qu’elle soit cri ou chant, la prière nous ouvre à Dieu qui vient vers nous, ici et maintenant, pour nous nourrir de sa présence.

 

 

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