Messe du 20e dimanche ordinaire

 

Abbé Joseph Allard, à l’église St-Vincent, Les Baux de Provence, le 18 août 2002.

Lectures bibliques : Isaïe 56, 1.6-7; Romains 11, 13-15. 29-32; Matthieu 15, 21-28

Jésus, nous dit l’évangéliste Matthieu, était passé dans la région de Tyr et de Sidon, l’actuel Sud-Liban. Jusque là Jésus avait limité ses déplacements au pays d’Israël. Tyr et Sidon c’est le Pays des païens : Jésus franchit donc une frontière.

Les Hébreux avaient dû se battre longtemps contre les habitants du pays de Canaan pour se faire une place sous le soleil de la Terre Promise. Pendant des siècles les escarmouches avaient continué. Les Cananéens étaient des étrangers qui adoraient les ‘Baals’, des païens qui risquaient de contaminer les enfants du peuple élu. Ils étaient méprisés par eux, ceux-ci les traitaient de ‘chiens’.

La démarche de cette cananéenne était donc vouée à l’échec, Matthieu nous transmet ce dialogue pathétique entre la femme et Jésus.
Tout d’abord un cri d’appel : Aie pitié de moi, Seigneur ! Ce cri nous le reprenons au début de chaque célébration dans la litanie grecque du ‘Kyrie eleison’. Puis elle appelle Jésus Fils de David”. Donner ce titre à Jésus c’est rappeler le souvenir de bonté, de tendresse, qu’avait laissé son ancêtre, c’est lui dire : “ montre-toi bon envers moi comme l’a été durant sa vie ton père David ! ”
Jésus commence par rappeler les limites de sa mission : Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël. Elle est une étrangère, elle ne fait pas partie de ce troupeau. Jésus n’a rien à voir avec elle. Est-ce de la part de Jésus une démarche pédagogique ou alors prend-il conscience à ce moment même, grâce à la Cananéenne, que sa mission est plus large ?
Toujours est-il que loin de décourager cette femme, cette rebuffade va déclencher chez elle une geste de vénération : elle se prosterne aux pieds de Jésus.

Second cri d’appel : Seigneur, viens à mon secours ! Là encore souvent cet S.O.S. de la Cananéenne devient notre prière: “ Dieu, viens à mon aide ! Seigneur à notre secours ! ” Jésus, lui aussi va la traiter de ‘chien’ l’insulte par excellence des Juifs vis à vis des païens.
La femme va entrer dans son jeu : “ Oui, c’est vrai, les enfants d’Israël sont le peuple choisi, oui, je le sais, le salut vient des Juifs,” mais elle, la païenne, ne demande que “quelques miettes qui tombent sous la table et que les chiens, dont elle est, peuvent manger ”.
Admirable répartie ! Cette foi exemplaire fait l’émerveillement de Jésus : “ Femme que c’est beau ce que tu dis ! Quel bel exemple de foi tu donnes à tous ! ”
Ce que les Juifs vont refuser, voilà que cette païenne l’accueille. Et c’est elle qui va faire franchir à Jésus une deuxième frontière : l’action de Jésus ne se limite plus désormais aux brebis d’Israël : la brèche est ouverte dans le mur de séparation entre Juifs et païens; sa fille, guérie, sera la première bénéficiaire de l’universalité du salut.

Cette attitude de Jésus qui, au départ, apparaît pourtant d’un particularisme choquant, va permettre aux premières communautés chrétiennes de justifier, sans restrictions, l’entrée des païens dans le peuple de Dieu. C’est Paul qui en sera l’apôtre par excellence. L’Eglise dont nous sommes les membres doit toujours se référer à cet épisode de l’Evangile. Elle ne doit jamais se replier égoïstement sur elle-même ou alors elle devient une secte; elle doit toujours, à la suite de Jésus, être ouverte à tous, surtout à ceux qui semblent les plus loin, les plus étrangers; elle doit toujours avoir le souci d’universaliser sa mission. Chacun de nous doit élargir son cœur aux dimensions du monde.

En accueillant la demande de cette Cananéenne, dont nous ne savons pas même le nom, Jésus fait voler en éclats le carcan de mort qui trop souvent nous fait rejeter ce qui nous est inconnu ou étranger. Jésus est un passeur de frontières…
Nous ne pouvons nous dire ses disciples que si nous acceptons, nous aussi, d’abattre ces murs de séparations, de préjugés, d’oppositions, qui séparent et opposent les personnes, les groupes, les races, les nations; ces frontières qui subsistent aussi dans nos communautés chrétiennes et quelquefois en nous-mêmes.

Dieu vient d’ailleurs ! Il élargit nos horizons ! Quelle Bonne Nouvelle en ce 18 août 2002 : l’amour de Dieu, manifesté en Jésus, dépasse toutes les frontières ! Il est pour tous, sans exception ! Même pour ceux qui n’entrent pas dans le cadre de la religion établie; même pour ceux qui n’ont pas le label de la morale !

Et voilà que c’est vous qui êtes chargés d’annoncer cette merveilleuse bonne nouvelle à vos frères et à vos sœurs : “ Dieu t’aime… qui que tu sois… quel que soit ton état, ta situation, ton péché. Dieu t’appelle toi aussi à partager le pain du royaume destiné à ses enfants”

Cette Bonne Nouvelle ne la gardez pas pour vous… Allez, par toute la terre, annoncer cette Bonne Nouvelle aux nations !

 

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