Messe du 18ème dimanche ordinaire

 

 

Père Louis Crausaz, à l’abbaye Notre-Dame de la Fille-Dieu, Romont, le 5 août 2001

Lectures bibliques : Ecclésiaste 1,2; 2, 21-23; Colossiens 3, 1-11; Luc 12, 13-21

Mes sœurs, mes frères,

En écoutant ce jeune homme demander à Jésus de venir faire le partage, vous vous êtes peut-être dit : « en quoi est-ce que cette histoire me touche ? « . Je vous réponds : chaque fois que vous demandez à Dieu d’arranger les choses; chaque fois que vous attendez que Dieu nous serve sur un plateau une situation où vous pourrez développer votre programme de vie.

Comme Dieu nous paraît lointain, nous attendons parfois ce service de ses représentants : le pape, l’évêque, les supérieurs, les autorités en général.

Quand la situation nous scandalise, comme le dit l’Ecclésiaste, nous restons passifs et nous disons : »puisque c’est comme ça, ne comptez pas sur moi ! ».

Jésus ne rentre pas dans cette logique. Il répond : qui m’a établi pour être votre juge et faire vos partages ? Il ne veut pas que nous restions des gamins devant la vie. Que nous devenions des assistés! Il nous donne sa confiance, il nous croit capables d’affronter les personnes dans des démarches concrètes. Il sait que c’est ainsi, et ainsi seulement, que nous grandirons dans la foi, dans l’amour, dans la liberté intérieure. Nous ne devenons libres qu’en faisant des actes où nous nous rendons libres par rapport à ce qui nous impressionne, nous fascine ou nous disperse.

Jésus ajoute : gardez-vous de toute âpreté au gain, car la vie d’un homme ne dépend pas de ses richesses ! On peut croire qu’il s’agit d’une recommandation pieuse ! Or, c’est quelque chose de vital. Pour que ce jeune homme puisse s’asseoir à la même table que son frère et négocier un partage équitable, il faut que son cœur se détache de l’âpreté du gain. Tant qu’il s’identifie à ses biens, tant qu’il ne voit que son point de vue, il n’y a pas de négociation valable possible.

L’évangile nous parle d’un partage d’héritage. En fait, nous sommes continuellement affrontées à des situations semblables. Notre joie intérieure et la qualité de nos relations dépendent de la manière dont nous cherchons une solution dans ces situations concrètes.

Ce que la foi nous offre dans cette recherche de solution, c’est d’abord un regard nouveau sur les personnes et sur les choses, une sagesse pour distinguer ce qui est important et ce qui l’est moins. Vaut-il mieux gagner davantage, s’instruire davantage, être admiré pour sa ligne, pour sa voiture, pour ses titres, ou bien vaut-il mieux être de bonne humeur et rencontrer les autres avec chaleur ? Au lieu de vouloir toujours gagner du temps, ne vaut-il pas mieux prendre du temps, et partager au lieu de vouloir impressionner ! La foi nous révèle qu’à travers les gestes les plus simples nous pouvons aimer et travailler à la venue du règne de Dieu. La foi nous conduit à attacher notre cœur à Dieu, la lumière, la vie, l’amour. L’amour concret des personnes qui sont autour de nous.

Ce que nous offre la foi, ensuite, c’est de nous faire prendre de la distance par rapport à ce qui fait pression sur nous. La vie d’un homme ne dépend pas de ses richesses. Tu es fou, cette nuit même, on te redemandera ta vie. Que reste-t-il à l’homme de toute la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ? Ces affirmations que nous venons de lire ne sont que quelques exemples de la distance que nous pouvons prendre par rapport à ce qui fait pression sur nous. Nous sommes comme les enfants qui croient leur vie gagnée ou perdue pour un carré de chocolat. Cela nous demande un grand travail de sortir du monde des habitudes, des désirs et des peurs irraisonnées, pour discerner ce qui fait vivre et ce qui favorise la communion et pour le choisir de fait.

Ce que nous offre la foi, enfin, c’est la force d’affronter une personne ou un groupe, d’agir librement par rapport à ce que les gens pensent de nous. Trop souvent, au nom de la piété ou de l’humilité, on a cultivé la peur ! Au nom de l’obéissance on a cultivé la conformité ! St Paul écrit aux Corinthiens : Là où il y a l’esprit saint, là il y a la liberté. C’est une affirmation que nous avons à méditer.

Une tentation serait de dire : Jésus ne répond pas à la demande du jeune homme parce qu’il s’agit d’une affaire matérielle. Ce serait une grave erreur. L’Evangile, et toute la Bible, insistent sur le droit et la justice, sur le partage du pain et du temps, parce que c’est à travers ces réalités matérielles que le cœur se forme ou se déforme. C’est à travers nos choix concrets que nos relations humaines deviennent libérantes ou empoisonnantes, que Dieu devient notre Père ou qu’il reste un maître étranger.

Pour tirer du fruit de cette scène d’évangile, demandez-vous: quelle est la situation où je suis en difficulté avec des personnes et où j’attends une solution miracle. Essayez d’ouvrir les yeux sur ce qui est en jeu et mettez-vous à l’œuvre pour entreprendre les démarches qui s’imposent, même si la situation vous dépasse. Ce sera peut-être une nouvelle manière de vivre votre foi, un nouveau chemin d’amour. Vous ferez l’expérience que le seigneur est proche et qu’il fait vivre.

 

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