Messe du 14ème dimanche ordinaire

 


Frère Philippe Lefèbvre, le 6 juillet 2008, au Centre d’accueil La Pelouse, Bex
Lectures bibliques : Zacharie 9 ,9-10; Romains 8, 9.11-13;
Matthieu 11, 25-30 – Année A

Le Père des vivants

Les mots de cet évangile (« ce que tu as caché aux sages, tu l’as révélé aux tout-petits »), on ne peut les recevoir que s’ils sont transfigurés par le Christ qui les prononce. C’est sa personne qui en renouvelle le sens. Sinon, on risque de les entendre, non dans la résonance vivifiante du Royaume, mais dans la tristesse d’un monde limité. La vérité cachée aux sages pourrait ainsi être comprise comme une tirade anti-intellectuelle : Jésus prônerait de rester nigaud pour devenir croyant. Quant à la douceur et au repos qu’il promet, ils dessineraient l’image d’un grand garçon bien gentil qui propose des vacances.

Mais non ! Le Fils de Dieu n’est pas venu pour dire des banalités ni des mièvreries. Ses paroles font au contraire trembler le ciel et la terre quand il s’adresse à son Père qui en est le Seigneur. Tout vient du Père. Le Père a des mystères si essentiels à dévoiler qu’il faut être en situation d’entière écoute, d’apprentissage total, pour les recevoir. Ceux qui prétendent tout savoir d’avance sur tout ne se laissent pas atteindre. Seuls les « enfants » ouvrent l’oreille avidement. Le mot traduit par enfant désigne le tout petit qui, de manière permanente et parce que cela est vital pour sa croissance, apprend sans cesse, absorbe tous les sons, les gestes, les visages qui l’entourent. Le Père donne tout à ceux qui, de cette manière, sont partants pour tout recevoir de lui.

Le premier de ces enfants, leur prototype, est le Fils, Jésus lui-même. Tout ce qu’il est, a et sait, il l’a reçu du Père. Il est le premier accueillant, qui assimile tout ce dont le Père le gratifie. Parlant des petits enfants qui incorporent ce qu’ils perçoivent, Jésus se désigne lui-même : il est celui à qui « le Père a tout remis ». Et, selon le même mouvement de don, il transmet à son tour tout ce qu’il a reçu. Encore lui faut-il trouver des êtres qui, comme lui, sont assoiffés de ce qui vient du Père.

Jésus ne combat donc pas l’intelligence. Lui qu’on appelle maître et qui forme des disciples, il expose au contraire quel genre de compréhension il attend d’eux. Pas, en tout cas, une raison qui aurait déjà statué sur tout et s’enorgueillirait de ses performances. Il s’agit au contraire de comprendre charnellement par le Christ que, comme Lui, avec Lui et en Lui, nous recevons tout du Père en permanence.

Mais dans cette compréhension, nous n’y entrons pas seuls. Le Christ se propose comme compagnon d’apprentissage. Lui qui a tout appris du Père, lui qui est l’apprenti modèle, il s’attelle avec chacun de nous à la tâche. Et le joug qu’il offre n’est pas un poids supplémentaire, au contraire. Et nous le savons bien, un joug est fait pour être porté par deux êtres de même nature qui vont marcher d’un même pas et avancer ensemble. La parole du Père nous la recevons avec le Christ, uni à lui par le même joug.

Jésus emploie ailleurs l’image du joug. C’est quand il parle des noces évoquant un homme et une femme, il affirme que nul ne doit séparer ce que Dieu a placé sous le même joug, ce que l’on traduit souvent par « ce que Dieu a uni ». Ce joug donc qui nous unit intimement au Christ, il me semble qu’il désigne aujourd’hui le Saint Esprit. L’Esprit est celui par excellence qui unit, qui conjoint, qui conjugue au Christ. Il fait la relation et à vrai dire il est la relation lui-même.

Frères et sœurs, il nous faut cette union intime avec le Christ pour apprendre avec lui et comme lui. Sinon la vie est fatigante. Ce qui épuise ce ne sont pas les difficultés de l’existence, pas seulement, c’est aussi tout ce que nous entendons ici et là et qui n’est pas à la hauteur de ce que nous vivons. Il n’y a pas tant de paroles que cela dans le monde qui éduquent vraiment, qui fassent vraiment vivre; par contre il existe beaucoup de baratin creux, de propos accusateurs, de théories compliquées et prétentieuses, et ça fatigue. Et si vous êtes fatigués par ces fardeaux, alors venez à Jésus, apprenez de lui comment vivre avec lui, apprenez avec lui à entendre la voix du Père. Soyez conjoints, conjugués à lui par l’Esprit-Saint. Et c’est alors que vous trouverez le repos et ce repos n’est pas une absence de travail, ni une démission devant les épreuves.

Ce repos vient quand nous apprenons que nous venons du Père, quand ce Père se déclare pour nous, pour notre vie et donne tout. Et savoir cela, vivre cela, rend stable, donne une autorité, cela repose. On n’est plus agité, parcouru par cette tension de devoir soi-même sauver sa peau. Le Père s’en charge. On entre alors dans ce que Jésus appelle la douceur.

On est parmi les tout-petits qui reçoivent tout du Père, humblement et souverainement. Oui, frères et sœurs, être parmi les petits, c’est une aventure très grande.

 

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