Messe de la fête de la Transfiguration

 

Chanoine José Mittaz, à l’hospice du Grand-Saint-Bernard, VS, le 6 août 2006
Lectures bibliques : Daniel 7, 9-14; 2 Pierre 1, 16-19; Marc 9, 2-10 – Année B

Chers frères et sœurs,

C’était six jours après que Pierre, Jacques et Jean ont été emmenés à l’écart par Jésus sur une montagne pour vivre l’expérience d’une transfiguration. Il y a un goût d’inachevé dans ce « six jours après ». En effet, au sixième jour de création, tout n’est pas accompli, il y a un manque, car c’est au septième jour que la création est couronnée dans le repos du Seigneur qui laisse la place à l’homme; ce septième jour qui devient notre premier jour de la semaine, celui qui nous donne l’impulsion, le jour de la vie, le jour de la résurrection.

Oui, Pierre, Jacques et Jean avaient besoin de vivre une démarche avec Jésus. En effet, six jours avant la situation étaient tendue entre les disciples et Jésus. Et nous le savons, les conflits les plus exigeants se vivent toujours avec les personnes les plus proches. « Pour vous, qui suis-je ? », telle était la question que Jésus avait laissé résonner dans le coeur des disciples et à laquelle Pierre avait répondu très abruptement : « Tu es le Messie ! » Dans la narration de saint Marc, Jésus ne reconnaît pas l’oeuvre du Père ou de l’Esprit dans l’affirmation de Pierre, au contraire, il lui demande sévèrement de ne pas le dire plus loin. Et Pierre se fâche avec Jésus au moment où celui-ci explicite sa mission de messie : Jésus ne veut pas fuir la part la plus obscure de l’homme, car il aime l’humain tout entier, c’est pourquoi le messie traversera l’expérience du rejet et de la haine afin que tout soit visité par sa présence d’amour. Car la vie ne peut être donnée que là où une présence consent à se livrer.

Lorsque Pierre veut protéger Jésus de vivre sa mission, il se fait réprimander devant les autres disciples par Jésus qui ajoute : « Celui qui veut me suivre doit porter sa croix. » Oui, il y a un goût d’inachevé et un manque au moment où les disciples s’apprêtent à vivre l’expérience du Thabor. Dans nos expériences de manques et de tensions, le chemin à prendre est celui de ses disciples qui vont à l’écart, osant se confronter à une solitude en prenant de la distance par rapport à l’immédiateté de leur quotidien difficile. Il ne s’agit pas d’un isolement qui enferme, car les disciples ne sont pas en train de fuir leur réalité, il s’agit d’une solitude qui permet de voir clair en soi : consentir à être seul, tout en étant accompagné par Jésus.

Parfois la solitude nous donne le vertige, elle est redoutable car elle nous fait rejoindre notre identité profonde. Au moment où Jésus rejoint sa solitude, le ciel s’ouvre, il est revêtu de lumière ou autrement dit : rejaillit sur son extérieur la lumière qui habite en son coeur, la présence du Père. En nous aussi existe ce puits de lumière, qu’il nous soit donné de le rejoindre en osant nous risquer au pays de la solitude avec Jésus.

Les trois disciples sont les contemplateurs d’une icône : Jésus transfiguré devant eux. Comme dans la vie, il ne suffit pas de rester là à regarder, il faut s’engager, pour devenir soi-même icône, c’est-à-dire présence emplie de la présence de Dieu. Pierre, qui avait répondu trop abruptement à la question de Jésus avec qui il s’était fâché, garde néanmoins cette audace de s’engager, de ne pas rester spectateur devant l’icône. Pierre ne se laisse pas décourager par ses initiatives parfois maladroites. C’est peut-être cela : oser la vie !

Pierre ne savait que dire face Jésus transfiguré, mais il prend le risque d’exprimer son désir alors qu’il est tenaillé par la peur : « Dressons trois tentes. » C’est un instant d’éternité qui est vécu, Pierre en a conscience. Quand je rejoins ma solitude, je m’ouvre à une communion universelle représentée par Moïse et Elie, je peux me faire proche de ceux qui sont loin.

Dieu n’attend pas de nous la perfection, la parole de Pierre était le balbutiement d’un désir, il ne savait que dire ! Et Dieu l’exauce au-delà de son désir : ce ne sont pas trois tentes qui seront plantées, mais une nuée lumineuse – présence de l’Esprit-Saint – qui recouvre les disciples. Et voilà Pierre, Jacques et Jean à l’intérieur de l’icône, au coeur de la présence de Dieu. Enveloppés par l’Esprit et aux côtés de Jésus, les trois disciples entendent la voix du Père s’adresser directement à eux : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » Pierre apprend qu’il vaut la peine de ne pas répondre trop rapidement à la question posée par Jésus. Sur le mont Thabor, Pierre continue de découvrir qui est vraiment Jésus.

La parole du Père est pour les disciples l’occasion d’un déplacement intérieur : apprendre à écouter et à suivre non pas ce qui crie en nous comme la peur ou la colère, mais ce qui murmure en notre sanctuaire le plus intime. Voilà pourquoi il est si nécessaire d’oser descendre en nous dans cette solitude où nous pouvons rejoindre Dieu qui nous donne la vie.

Encore faut-il croire à ce que l’on a vécu : après ce moment d’éternité pourtant si fugace, les disciples se retrouvent seuls avec Jésus. Et là la tentation consiste à se dire : l’expérience de transfiguration n’était qu’un rêve ou une parenthèse dans la vie. La grisaille du quotidien voilà ma réalité.

De nouveau, nous sommes invités à écouter le murmure lumineux, car c’est lui notre guide qui nous appelle à choisir la vie !

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *