Célébration oecuménique pour l’unité des chrétiens

 

 

Pasteur Jean-Bernard Boissard, à l’église Notre-Dame de La Prévôté, Moutier, le 19 janvier 2003.

Lectures bibliques : 1 Samuel 3, 3-19; 2 Corinthiens 6, 13-20; Jean 1, 35-42

« Père, je ne prie pas seulement pour eux, je prie aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi: que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17 :20-21)

 

Chaque année, en méditant cette parole, cette prière du Christ, je me sens toujours un peu mal à l’aise. Oui, à l’occasion de la semaine de l’unité des chrétiens, la question de nos différences, de nos divisions même, resurgit avec toute son acuité, et je ne peux m’empêcher de penser que ce n’est pas encore demain la veille que cette prière de Jésus sera exaucée.

 

Et ce qui m’atteint le plus, ce n’est peut-être pas tant les différences et les divisions entre les différentes confessions chrétiennes que celles qui existent à l’intérieur même de chaque confession !

Alors, une fois de plus, en préparant cette célébration œcuménique, je me suis demandé mais que puis-je faire, que pouvons-nous faire pour que cesse le scandale de nos divisions, de nos exclusions, de nos mépris ? Oui, que pouvons-nous faire, que devons-nous faire pour qu’enfin, grâce à notre unité manifestée, le monde puisse être convaincu que le Père a bel et bien envoyé le Fils ?

Depuis tant d’années que nous essayons de construire l’unité dans les Eglises et entre nos Eglises, que tant d’hommes, de femmes, de couples, à la suite du Christ prient fidèlement pour l’unité et que si peu de choses se passent vraiment, n’y a-t-il pas de quoi douter et remettre fondamentalement en cause notre rêve d’unité ?

Je reconnais qu’il y a de quoi être déçu, découragé, désabusé. Mais est-ce que le problème ne serait pas ailleurs ? Oui, est-ce que nous ne chercherions pas à construire une unité différente que celle pour laquelle Jésus priait et prie encore ? Peut-être ne regardons-nous pas dans la bonne direction..

Peut-être ne sommes-nous pas dans la bonne attitude pour que l’unité de l’Eglise soit manifestée au monde…

Le texte de l’Evangile que nous avons lu ce matin donne un éclairage très intéressant à ce sujet, même s’il ne parle pas directement de l’unité. Alors, reprenons-le attentivement, en nous posant la question : Quelles sont les pistes qu’il suggère pour que l’unité puisse advenir dans l’Eglise ?

Dans ce texte, ce qui me frappe, c’est l’importance donner au regard : en 8 petits versets nous avons 3 fois le verbe voir et deux fois l’expression : Posant son regard. C’est comme s’il y avait là quelque chose d’essentiel. Voir le Christ et que celui-ci pose son regard sur nous.

Pour notre réflexion sur l’unité des chrétiens, il y a déjà là une 1ère indication qui peut être intéressante : Et si le plus important n’était pas l’unité en soi, mais simplement notre face à face avec le Christ ? Oui, est-ce que ce qui compte vraiment, ce n’est pas que chacun de nous, individuellement soit pleinement dans la présence du Christ, que nous apprenions à le contempler, à la suivre, et que lui aussi puisse nous regarder parce que nous nous tenons dans sa présence ?

En disant cela, je pose la question suivante par rapport à l’unité des chrétiens, à l’intérieur de chaque confession et entre les confessions elles-mêmes : Est-ce que l’unité est un but, un moyen, ou un don de Dieu ? -Pause

Ce qui est frappant dans tous les efforts œcuméniques, c’est que dès que l’unité est prise comme objectif en soi, et bien on s’enlise dans une multitude de difficultés, et même si par des artifices de langage on arrive à être presque d’accord sur les mots, et bien sur le fond, et en particulier au fond des cœurs, rien n’est vraiment résolu. Depuis Vatican II il y a eu plein d’efforts, plein d’avancées, mais nous sommes encore bien loin de l’unité de structure.

Par contre, je connais de nombreux endroits, j’ai vécu de nombreuses expériences, où, sans du tout se poser la question de l’unité, avec des croyants d’horizons très divers, nous avons pu vivre et recevoir une communion profonde, un merveilleux cadeau, malgré nos différences. C’était comme si le Christ lui-même nous avait entraînés les uns et les autres sur un nouveau terrain, au-delà de nos divisions.

Il y a là une piste qui me semble très prometteuse. Alors écoutons plus attentivement la parole que Jésus disait aux deux 1er disciples: « venez et vous verrez » Oui, écoutons-là et mettons-nous en chemin.

Se mettre en chemin, c’est le 2ème élément important de ce texte. Quand Jean-Baptiste dit : « Voici l’Agneau de Dieu » les deux disciples ont une réaction surprenante : Ils ne demandent aucune explication ni à Jean-Baptiste, ni à Jésus, mais ils se mettent en route, à la suite de Jésus. Et là, ce n’est pas qu’un déplacement géographique qui est désigné, mais bien un chemin intérieur.

Ils quittent leur maître, Jean-Baptiste, pour commencer un nouveau chemin avec Jésus. Ils quittent leurs habitudes, leurs certitudes, leurs sécurités intérieures pour partir vers l’inconnu, vers du nouveau, vers du neuf. Ils laissent Jésus prendre l’initiative dans leur vie.

Et même quand Jésus leur demande : « que cherchez-vous ? » ils ne répondent pas comme on pourrait s’y attendre : « Es-tu bien le Christ ? », ou « Quel est l’essentiel de ton message ? »

Non, ils lui demandent simplement « Où demeures-tu ? » Et là encore, je ne crois pas que c’est l’adresse de Jésus qui les intéresse, mais quelque chose de beaucoup plus profond, de beaucoup plus intérieur. Je crois que l’on peut transcrire cette question ainsi : « Où demeure ton cœur ? Où demeure ton esprit ? »

Jésus ne donne aucune explication, aucune théorie, aucun enseignement. Il leur dit simplement : « Venez et voyez ! », c’est-à-dire, venez avec moi, vivez avec moi toute l’aventure que va être mon ministère.

Les disciples se laissent entraîner par le Christ là où ils ne pensaient pas aller. Et ils vont vivre des choses étonnantes, inouïes, totalement nouvelles, pour eux et pour le monde.

Pause

L’unité pour laquelle Jésus priait et prie encore le Père, je crois qu’elle est un peu de cet ordre-là. Ce n’est pas quelque chose à construire, à la force du poignet. Ce n’est pas quelque chose qui dépend de nous, ni de nos institutions ecclésiales. Ce n’est pas quelque chose qui s’appuie sur des dogmes ou des décisions, même conciliaires. Non ! Bien au contraire même.

L’unité à laquelle nous sommes toutes et tous appelés, individuellement et en Eglise, c’est un cadeau qui nous est offert par surcroît, quand nous nous laissons réellement entraîner par le Christ. Et ce n’est pas qu’un cadeau futur. C’est déjà un cadeau pour aujourd’hui, si nous acceptons de le voir, de le reconnaître.

Je me rappelle par exemple des réactions que j’ai entendues, il y a un peu plus de 3 ans, lorsque nous avions proposé de faire pour la 1ère fois ici à Moutier une crèche œcuménique le soir de Noël, et de nous retrouver les 2 communautés, catholique et réformée, après la célébration de la nuit de Noël. Les plus gentils me disaient, Oh ! tu peux essayer, mais il n’y aura pas grand monde, car tu sais, ici, catholiques et protestants ensemble, c’est pas facile ! D’autres, plus courageux, me disaient carrément : « Tu es complètement fou, il n’y aura personne, et ceux qui seront là se regarderont en chien de faïence, chacun dans son coin ! »

Mais cette année, alors que les conseils de paroisse n’avaient pas prévu de faire cette crèche commune, et bien c’est des paroissiens des deux communautés qui ont fait le forcing en dernières minutes pour que nous nous retrouvions ! Pour eux, ce moment ensemble, le soir de Noël, est devenu quelque chose d’important. Quel chemin parcouru dans nos têtes et dans nos cœurs ! Et quel témoignage, pour tant de gens, que cette crèche œcuménique au centre de la ville ! Je crois que c’est pace que nous avons laissé le Seigneur travailler nos cœurs, nous entraîner là où nous ne pensions pas aller, que quelque chose de très profond s’est passé pour beaucoup de Prévôtois.

Encore hier soir, quelqu’un m’interpellait sur l’hospitalité eucharistique et il me disait : Finalement, on pourra communier ensemble quand on aura construit une plus grande unité entre nous, ou au contraire devons-nous communier ensemble pour que le Seigneur lui-même puisse construire l’unité, qu’il puisse nous la donner ?

La question de l’inter-communion n’est pas simple, et je ne prétends pas la résoudre si facilement, mais je crois que c’est seulement en se laissant unir personnellement de manière plus étroite à Christ que nous verrons l’unité grandir entre nous. Si parfois, de manière exceptionnelle l’inter-communion peut nous aider à nous unir plus étroitement à Christ, alors oui, faisons-la de temps en temps, mais pas dans le but de dire : vous voyez, nous on est unis.

Et il y a tant d’autres occasions, d’autres possibilités de s’aider les uns les autres à s’attacher encore plus à Christ, qu’il vaut mieux ne pas se focaliser trop sur cette question.

Profitons des moments de prières, des études bibliques, des moments de partages, des actions de soutiens et d’entraides qui nous sont déjà proposés pour découvrir comment l’autre s’attache à Christ et comment cela peut m’aider personnellement. Et ainsi, sans l’avoir recherché directement, nous verrons une unité profonde, bien différente d’une uniformité structurelle, s’établir entre nous, par la grâce de Dieu.

Alors, frères et sœurs, si nous tenons à vivre cette véritable unité, en profondeur, qui n’empêche en rien les différences, mais qui les dépassent, et bien cherchons premièrement à suivre le Christ de notre mieux, à être le plus intime possible avec lui, et tout le reste, nous sera donné par surcroît. Amen


Prière

Dieu notre Père, toi qui nous connais jusqu’au plus profond de notre être et qui nous aime d’un amour infini, conduis-nous sur le chemin de l’Unité.

Oui, Toi qui avec le Fils et l’Esprit-Saint es un tout en étant trois, rends-nous toujours plus semblable à ton Fils, afin que nous devenions un avec toi, et un entre nous en toi.

Que ta grâce et ton Esprit soutiennent tous ceux qui cherchent une relation plus profonde, plus vivante avec toi.

Que ta compassion et ta miséricorde réconfortent ceux qui souffrent de se sentir rejetés, jugés, exclus par nos divisions, nos règlements humains et nos traditions.

Donne ta persévérance à ceux qui prient fidèlement pour les autres, sans distinction de leur appartenance ecclésiale.

Éclaire nos autorités, donne leur le courage de s’engager à ta suite sur des chemins nouveaux où toi tu nous précèdes et nous attends pour nous accorder la grâce de demeurez avec toi, dans l’unité du Père, du Fils, de l’Esprit et de l’Eglise. Amen

 

 

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