Messe du dimanche de la Mission universelle

 

Père Bernard Maillard, chapelle des Soeurs de St-Paul, Fribourg, le 22 octobre 2006
Lectures bibliques : Isaïe 53, 10-11; Hébreux 4, 14-16; Marc 10, 35-45 – Année B

« Viens et partageons », tel est le message de ce dimanche de la mission universelle. Un proverbe malgache va aussi dans ce sens :
« S’aimer, cela va jusqu’à partager une sauterelle ».

Jean-Paul II nous lançait il y a quelques années cet appel : « Il n’y a pas de pauvre qui n’ait rien à partager et il n’y a pas de riche qui n’ait rien à recevoir ». La mission, c’est l’échange et le partage, le dialogue et la communion fraternelle entre les êtres humains, entre les communautés et les Eglises chrétiennes.

A Madagascar, on dit qu’il vaut mieux manger un plat de riz très modeste préparé par amour que de participer à un grand festin offert sans amour! Aujourd’hui, c’est bien à un geste d’amour que nous sommes appelés : votre offrande, tout à l’heure, sera l’expression de notre attachement à des frères et des sœurs qui nous reconnaissent comme faisant partie de cette grande famille que nous formons avec eux, en Eglise, autour de Jésus-Christ. La souffrance de certains chrétiens dans le monde, c’est de sentir abandonnés par des baptisés qui restent indifférents à leur situation!

Benoît XVI nous dit dans son message pour ce huitantième dimanche de la solidarité au plan universel : la charité, c’est l’âme de la mission. La mission, c’est une affaire d’amour, une grande histoire d’amour qui a connu des moments difficiles. La mission, c’est avant tout l’œuvre de l’Esprit qui souffle sur le monde et sur nous et qui oriente tout engagement, ici et au loin.

Je vais vous parler de trois personnes qui m’ont profondément marqué lors de ma visite à l’Eglise qui est à Madagascar, dans le diocèse d’Yhosy. Il s’agit de Rebory, catéchiste, de Frère Tiana, Mariste dont la deuxième lecture vous a donné un aperçu de sa démarche et finalement de Paul, un converti, de la stature de celui de Tarse.

« Viens et partageons », c’est l’appel de Rebory, ce jeune catéchiste, qui ne craint pas de faire des kilomètres à pied pour partager la Parole de Dieu et travailler à la réconciliation et à la justice sociale jusqu’au fond de la brousse semi-désertique du Plateau de l’Horombe. Son visage est rayonnant et témoigne de la paix que le Christ lui donne. Rien ne semble l’arrêter !

« Viens et partageons », c’est aussi ce que veut vivre Tiana, frère mariste malgache, qui ne craint pas de planter sa tente près d’un village bara. Il est habité par un désir profond de communion avec ces Bara que vous connaissez bien, vous les Malgaches. Il y a des étiquettes qui leur collent à la peau ! Ne passent-ils pas pour des non-civilisés, des voleurs et des brigands ? Bref, une réputation qui les casse socialement.

Tiana nous dit, quant à lui, qu’il les aime. Il les aime tout simplement de cet amour que Dieu lui porte et leur porte. Il tient à entrer en dialogue, à prendre en compte leurs aspirations et à les comprendre dans ce qui fait leur vie de chaque jour.

Il tient à comprendre leurs rites, comme le rite de purification au bord de la rivière qui leur permet de réintégrer la communauté, le cœur pacifié et réconcilié. Il a compris aussi que le sacrifice du zébu, repas de communion avec l’Etre suprême et les ancêtres, comme aussi entre eux, peut être le point de départ d’un échange sur la personne de Jésus qui va donner sa vie sur la croix.

Tiana a d’abord planté sa tente pour être le plus proche possible des gens. Il a reçu par la suite une case dans le village, signe de son intégration. De plus, il est reconnu comme leur « guide ». Un peu à la ressemblance de Moïse et même de Jésus.

Ce que veut Tiana, c’est favoriser la scolarisation des enfants de manière à ce que les Bara soient reconnus et non continuellement méprisés. Des enfants et des jeunes, comme aussi des adultes se mettent sur les bancs de l’école. Apprenant à lire, ils apprendront tôt ou tard à découvrir aussi leurs droits et leurs devoirs. Ils découvrent aussi peu à peu Celui qui fait la force de Tiana et ils veulent vivre de son Esprit. Des enfants, des jeunes et des adultes ont rejoint la communauté chrétienne naissante…

Et je voudrais vous parler enfin de Paul qui était un brigand de grand chemin, selon ses propres termes. Il a vu vivre Tiana ; cela l’interpelle. Fauteur de troubles, il change radicalement de vie.

Un jour, il se décide à faire le pied de grue, des jours durant, devant la porte de Tiana pour obtenir sans délai la construction d’une école pour les enfants de la région, dans son village d’Ambavalato. Une fois son vœu exaucé par l’évêque, ancien disciple de l’Ecole de la Foi, il s’engage , corps et âme, à soutenir Tiana dans sa tâche de guide et d’éducateur des consciences. Il s’investit à fond pour créer des écoles et soutenir les comités de parents qui, dans les villages, s’organisent pour payer le maître d’école, avec du riz !

Il ne s’économise pas dans son travail de négociateur auprès des éleveurs Bara qui ont de la peine à libérer leurs enfants, gardiens de bœufs, pour fréquenter l’école.
L’école devient alors le tremplin pour la reconnaissance de la dignité humaine !
L’école devient aussi le tremplin de l’évangélisation, de la Bonne Nouvelle dans ces villages !

« Viens et partageons », c’est aussi ce que nous sommes appelés à vivre chez nous, au sein de nos communautés humaines, de nos paroisses et de nos unités pastorales. L’autre, souvent bien proche : un voisin, un collègue de travail, parfois même un membre de la famille, reste un étranger.

Et que dire de celui qui me devient proche, par le simple fait qu’il tient à s’intégrer chez nous pour y faire sa vie et jouir de conditions combien meilleures pour lui et les siens ? Il se tourne vers nous et nous dit aussi « Viens et partageons » ! Il a aussi quelque chose à nous donner !

Nous sommes invités par Jésus à être levain dans la pâte, ferment qui soulève notre monde pour être serviteurs les uns des autres.
N’ayons pas de grandes prétentions. Ne ressemblons pas trop à Jacques et Jean de cet Evangile ! Finalement, le serviteur n’est pas plus grand que son maître. Celui qui finit comme un criminel sur la Croix est aussi pour nous le Ressuscité du matin de Pâques qui ne cesse de nous rejoindre sur nos routes.
Notre mission de baptisés, c’est de faire comprendre à chacun que Dieu l’aime ! Et Dieu compte sur nous pour le traduire en actes d’amour, à la suite de son Fils.

Saint Vincent de Paul le rappelle à ses Sœurs et à chacun d’entre nous, aujourd’hui : « La vraie charité ouvre les bras et ferme les yeux » !
Alors, sœur, frère, ici ou au loin, je te dis en toute simplicité de cœur « Viens et partageons » ! C’est ainsi que le Christ ne cesse de faire irruption dans nos vies et nous aide à l’échange et au partage, une vraie richesse.

 

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