Messe du 1er dimanche de l’Avent

 

Père Jean-René Fracheboud, le 28 novembre 2004, au Foyer Dents du Midi, Bex
Lectures bibliques : Isaïe 2, 1-5: Romains 13, 11-14; Matthieu 24, 37-44

Chers Frères et Sœurs,
Chers Amis,

On raconte qu’au commencement
Dieu ne créa que trois saisons : le printemps, l’été et l’hiver.
Mais Dieu s’aperçut qu’il y avait un problème !
Il frappa un jour d’hiver à une porte, mais l’homme lui répondit :
« la neige bloque la porte, je ne peux t’ouvrir ! »
Dieu revint au printemps, mais l’homme lui répondit :
« pas le temps, il fait beau, je pars en week-end ! »
Dieu ne se découragea pas.
Il vint un jour d’été et ne trouva personne, l’homme était parti en vacances.
Dieu se dit alors : « Créons une autre saison » et Dieu fit l’automne…
Et il trouva l’homme dans son jardin en train de balayer toutes les feuilles mortes.
« Ce n’est pas trop tôt, dit Dieu, on va enfin pouvoir parler ! »

 

Du chœur de notre chapelle ici, au Foyer « Dents du Midi », chacune, chacun peut voir, à travers la grande baie vitrée une nature dépouillée et, au sol, un tapis de feuilles mortes colorées. C’est l’automne. Mais du chœur de notre chapelle, chacune, chacun peut entrevoir une humanité à la fois tourbillonnante d’activités et inquiète devant un avenir incertain : des peuples en guerre, une économie déséquilibrée, une violence omniprésente, des cœurs désemparés.

N’est-ce pas aussi l’automne dans nos vies personnelles, familiales, communautaires. Beaucoup de feuilles tombent, toutes celles des désillusions, des déceptions, des souffrances multiples et diverses.

Et Dieu fit l’automne. Et Dieu fit l’AVENT. Et il trouva l’homme dans son jardin en train de balayer toutes les feuilles mortes. « Ce n’est pas trop tôt, dit Dieu, on va enfin pouvoir parler ! »

Dieu parle, Dieu nous parle, Dieu lance sa Parole aujourd’hui, maintenant comme une semence de printemps. Cette Parole est un Evénement. « C’est le moment, nous dit St Paul, l’heure est venue de sortir de notre sommeil. Car le salut est plus près de nous maintenant qu’à l’époque où nous sommes devenus croyants. La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. »

Comme nous le chantions, au début de cette célébration, comme nous le chanterons les 4 dimanches de l’Avent, comme un refrain de bonheur :

Parle-nous, Seigneur, convoque notre terre
Parle-nous, Seigneur, dissipe les ténèbres
Parle-nous, Seigneur, enlève toute haine
Parle-nous, Seigneur, rassemble tous les hommes
Parle à notre peur, parle à notre nuit,
parle à notre cœur, parle à notre temps.

Mais pour que cette Parole de Dieu puisse prendre chair dans nos vies, pour qu’elle devienne naissance, il est urgent et fondamental que quelque chose se taise en nous. Et c’est toute l’invitation de l’Evangile de ce jour : devenir des veilleurs, des guetteurs de l’aube, des célébrants de l’attention. Il serait tellement dommage de passer à côté de la venue de Dieu, à côté du cadeau de Dieu. Il continue de travailler nos libertés pour conduire l’humanité à un plus haut degré d’achèvement dans l’amour, envers et contre tout.

Dieu demande à parler, mais il demande surtout à naître au cœur de chacune, de chacun de nous. Se préparer à Noël, se situer dans la logique de l’incarnation, c’est prendre conscience que chaque vie humaine, si ballottée soit-elle, si abîmée soit-elle, peut devenir le berceau de la présence de Dieu et donc l’espace de son rayonnement de lumière et de paix.

L’Avent, cette belle saison de notre foi, nous invite à veiller. c’est-à-dire, à raviver le désir d’être quelqu’un, de faire quelque chose de beau et de grand de notre vie, le désir d’aller de l’avant, de relever les défis. Nous pouvons être autre chose que des somnambules de l’existence.

Nous sommes toujours menacés par une vie qui n’est plus qu’un fonctionnement au lieu d’être une respiration profonde. C’est ce que l’Evangile décrit pour le temps de Noé mais qui est la tentation de tous les temps « On mangeait, on buvait, on se mariait ». On a assuré ainsi à la vie : la nourriture et la reproduction. On permettait à l’existence de continuer et de se répéter. On prolongeait la vie, mais il lui manquait quelque chose d’essentiel, une dimension « source », un dynamisme vivant qui ne peut venir que d’un « ailleurs ».

« Veillez, tenez-vous prêts »…

Dieu ne peut être que celui qui vient !
Il est l’inattendu, le surprenant, celui qui vient habiter l’espace qui aura été libéré pour lui, pour son avènement.
Il vient comme un voleur percer les murs de nos maisons qui ressemblent trop à des tombeaux.
Il vient en faire des berceaux…des lieux d’éveil, des sanctuaires de présence.

 

Je me souviens, avec émotion, des paroles étonnantes du chanteur Claude Nougaro, venu en Suisse romande, donner un concert, le jour même où éclatait la guerre en Irak.

Au journaliste qui le rendait sensible au contraste entre la légèreté d’un spectacle de variétés et le tragique de l’événement, Claude Nougaro répondit : « Je continue de sculpter la figurine de cristal qui est au plus intime de moi-même et j’ai envie, par mes chants, de donner envie aux autres de faire de même. »

N’est-ce pas la merveilleuse audace du VEILLEUR qui croit envers et contre tout à un enfantement de lumière et qui se dispose à accueillir au plus intime de lui-même Celui qui le rend possible : l’Avènement du Fils de l’Homme.

Chers Frères et Sœurs, en cet Avent qui commence,
Il est exaltant et enivrant de pouvoir marcher vers la lumière à la suite de tous les pèlerins de l’impossible.

En veilleurs attentifs, il nous est bon de démasquer les impostures, de rafraîchir nos raisons de vivre, de croire et d’espérer.

Nos pas nous rapprocheront de la montagne du Seigneur, telle que la présentait Isaïe, ce lieu où afflueront toutes les nations et où les épées deviendront des socs de charrue et les lances des faucilles.

Ce pôle d’attraction, ce cœur de la vie, s’est déplacé du côté de Bethléem, du côté de la crèche
où à la fois un Dieu et l’homme demandent à naître,
où la décomposition des feuilles mortes forme un humus prometteur,
où l’automne des désillusions prépare un printemps enthousiaste.

C’est le moment favorable,
ce n’est pas trop tôt, dit Dieu, on va enfin pouvoir parler !
Ne l’oubliez pas : vous êtes les tout aimés du tout AMOUR !

On surveille au nom de la loi.
Mais on veille au nom de l’AMOUR.

 

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