Messe en eurovision de la Nuit de Noël

 

Père Christian Delorme, église de St-Laurent de Cavalaire-sur-Mer, le 25 décembre 2003.

Lectures bibliques :Isaïe 9, 1-6; Tite 2, 11-14; Luc 2, 1-14 – Année C

Prenons Dieu dans nos bras !

 

Joyeux Noël, Chers Amis ! Joyeux Noël à vous tous ici rassemblés cette nuit à Cavalaire, et à tous ceux qui sont en lien avec nous grâce à la télévision. Joyeux Noël, voudrais-je pouvoir dire aussi, à tous les hommes de la terre, car Noël se veut une « grande joie pour tout le peuple ! » comme le proclame le texte d’Évangile que nous venons d’entendre.

 

Nous avons beaucoup de chance de pouvoir vivre cette messe de la nuit de Noël dans la pure tradition des noëls provençaux, au son des tambourinaires et galoubets. Cela, en effet, nous permet de vivre Noël dans un véritable esprit de fête. Grâce à la Pastorale des santons et à la crèche vivante, nous pouvons nous réjouir profondément ensemble, mais nous réjouir dans une simplicité qui seule convient à cette fête. Le génie des santons de Provence, depuis qu’ils ont été créés, semble-t-il à l’époque de la Révolution française, c’est qu’ils mettent en valeur tout un petit peuple venu s’émerveiller devant la crèche : poissonniers, ramasseurs d’olives ou de lavande, tenanciers de débits de boissons, bergers, simplet du village, maire… et même le curé !

Oui, ce soir, nous sommes ce petit peuple des « gens ordinaires » qui venons honorer l’enfant venu de Dieu.

 

Au début de notre célébration, une conteuse nous a gentiment raconté que « le petit Jésus, il est né en Provence ». Nous avons certainement souri en entendant cela, parce que nous savons bien que Jésus est né il y a un peu plus de deux mille ans à Bethléem, en Judée, alors que César-Auguste pontifiait à Rome et que Quirinius était gouverneur de Syrie, comme nous l’a rappelé l’Évangile. Mais la Nativité de Jésus, elle se produit aussi partout où des hommes ouvrent leur cœur à la venue du Seigneur. Le Christ naît dans chaque cœur, dans chaque famille, dans chaque maison où il est accueilli ! Cette nuit, Bethléem est aussi en Provence. Cette nuit, chacun peut faire de sa maison ou de son cœur une crèche pour le Sauveur du monde.

 

Noël, c’est d’abord un enfant : « Voici le signe qui vous est donné, annoncent les anges aux bergers : vous trouverez un nouveau-né ». Noël, c’est la fête de la naissance. Et une naissance à peine imaginable : celle du Dieu éternel venant habiter notre humanité. Celle de Dieu se faisant chair. Celle du Messie tant attendu qui a choisi d’apparaître dans la faiblesse d’une existence humaine. Une naissance, parce que les hommes ont besoin de naissances, besoin de commencements. Besoin surtout de re-naissances et de re-commencements ! Dieu n’a jamais achevé « son histoire ». Il a toujours du neuf à accomplir en nous. Il a toujours du neuf à accomplir par nous ! Cette nuit, mes amis, nous venons tous chercher le sourire d’un enfant. Nous venons tous à la crèche, décidés à scruter le mystère de notre Dieu qui s’offre à nous dans la fragilité. Tous nous sommes là, désireux de nous laisser habiter par la tranquille innocence d’un bébé posé dans une mangeoire.

 

Car cette descente de Dieu qui se présente à nous comme un enfant fragile et démuni, doit nous réconforter au-delà de toutes nos espérances. Si Dieu, maître souverain de tout – Lui auquel nous devons la vie et qui a pouvoir de nous la reprendre – s’offre à nous comme un bébé, de qui et de quoi pourrions-nous avoir peur ? Cette nuit Dieu nous dit : « Prends-moi dans tes bras, J’ai besoin de toi ! »

 

« Un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ». Quelque trente ans plus tard, ce sera un crucifié pendu au bois d’une croix. Le Dieu connu des chrétiens est un dieu qui a renoncé à toute puissance écrasante. Il est le Dieu ami des hommes qui préfère nos cœurs à tout autre temple. Il est le Dieu solidaire, dont la présence est visible dans tout enfant du monde, enfant joyeux et souriant, enfant maltraité et souffrant. Le signe de Noël n’est pas à chercher ailleurs : il est tout entier dans cette enfance de Dieu, dans cette naissance divine au milieu des hommes, dans cette audace de Dieu qui a pris le risque de toute naissance humaine. « Il faut vivre, nous dit Dieu dans cet événement de la crèche. Avec Moi, ne renoncez pas à naître et à renaître ! »

 

Dieu vient naître au milieu de nous, avec nous. Il nous rejoint dans nos pauvretés, nos désespoirs, nos obscurités. Il est « Bonne Nouvelle » justement parce qu’Il a du respect pour toutes les « mauvaises nouvelles » au milieu desquelles nous nous débattons ! Il aurait pu naître dans un berceau royal, mais comment nous serions-nous alors sentis rejoints par Lui ? Non ! Il est né parmi les plus pauvres, parmi les plus méprisés de la Judée de son temps : chez les bergers considérés comme étant des gens sales, puants et voleurs ! Et ses parents l’ont posé dans la mangeoire des bêtes ! Ainsi, avant même que Jésus ait pu ouvrir la bouche, il signifiait au monde qu’il était Bonne Nouvelle pour les pauvres ! Et les bergers, nous dit l’Évangile, ne se sont pas trompés : ils sont accourus jusqu’à la crèche, venant honorer celui qui se révèlera être le Bon Berger, celui qui connaît par son nom chacune de ses brebis et ne veut en perdre aucune.

 

Avec l’enfant-Jésus et ses parents, les bergers sont d’ailleurs les personnages centraux de la Nativité. Premiers adorateurs, ils seront aussi les premiers missionnaires, les premiers apôtres ! Premiers concernés par la naissance de celui qui a eu pour mère une humiliée, les bergers, ces méprisés du bas de l’échelle sociale, ont été ceux à qui Dieu a voulu faire confiance avant n’importe qui d’autre. Et ces bergers peuvent être regardés cette nuit comme nos maîtres ! En effet, nous sommes appelés à réagir comme eux. Appelés à reconnaître avec eux le Sauveur dans l’enfant de la crèche. Appelés à proclamer à notre tour les louanges de Dieu et l’Évangile du Salut.

 

Cette nuit, mes Amis, je suis heureux d’être avec vous. Mais je pense aussi à une foule de gens qui sont dans le malheur. Je pense aux habitants de la Bethléem d’aujourd’hui, qui voudraient tant que la bénédiction des anges : « Paix aux hommes que Dieu aime » se concrétise enfin pour eux. Je pense aux populations de l’Irak dont le pays a tant besoin de connaître une « nouvelle naissance ». Je pense aussi à ces familles de Roms (presque cinq cents personnes) parties de l’ex-Yougoslavie et de la Roumanie, et qui sont venues s’échouer sur le territoire de ma paroisse à Lyon, où elles ont érigé un incroyable bidonville. A l’égard de tous ceux-là et de tant d’autres, comment pouvons-nous devenir les messagers de Noël ? Car Dieu se donne à nous pour que nous Le portions de bras en bras. « Me voici, nous dit-il encore. Que vas-tu faire de moi ? »

 

Joyeux Noël, mes Amis ! Mais prenons bien soin de Celui qui est venu chez nous !

 

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