Messe du dimanche de la Mission

Mgr Benjamin Ndiaye, évêque de Kaoloack au Sénégal, à la basilique Notre-Dame à Neuchâtel, le 18 octobre 2009
Lectures bibliques : Isaïe 53, 10-11; Hébreux 4, 14-16; Marc 10, 35-45 – Année B

 

 » Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude ».

Chers frères et sœurs dans la foi, cette déclaration de Jésus, alors qu’il est en route vers Jérusalem où il va vivre sa Passion, avant de ressusciter d’entre les morts, nous situe au cœur de la mission chrétienne.
En effet, la venue de Jésus parmi les hommes traduit la mission qu’il a reçue du Père. Et, dans cette mission, lui, l’Envoyé, s’identifie à la fois à l’esclave, qui assume sa tâche sans prétention, et au martyr, qui offre sa vie pour le salut de la multitude.

A l’inverse, ses disciples, avec Jacques et Jean en tête, rêvent de positionnements avantageux et de bonnes places, dans la gloire du Maître !
Leur ambition déplacée leur vaut ce questionnement qui sonne comme une mise au point critique de la part de Jésus : « Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire, recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ? »
En d’autres termes : « Etes-vous prêts à partager ma destinée de Serviteur souffrant, et à vous impliquer pleinement dans la démarche que j’entreprends pour sauver les hommes par le don de ma vie ? »

Telle est l’urgence de l’heure qui dicte de marcher avec le Maître vers Jérusalem, en faisant corps avec lui, dans la dynamique de son offrande. Ainsi : « La coupe que je vais boire, vous y boirez ; et le baptême dans lequel je vais être plongé, vous le recevrez ».
Engagés avec le Christ dans son itinéraire vers le sacrifice, les disciples devront prendre leur croix, à la suite de leur Maître, pour vivre avec lui son mystère pascal de mort et de résurrection.
Ne sommes-nous pas directement interpellés, après eux, à clarifier et à assainir nos conceptions et nos motivations dans le vécu de la mission chrétienne aujourd’hui ?…
Alors, reconnaissons-le clairement :
• cette mission ne relève pas de stratégies humaines pour gagner des places, dans une concurrence malsaine, ou pour appâter des hommes ;
• cette mission ne s’improvise pas non plus, au gré de sensations personnelles ou de calculs pour des avantages égoïstes ;
• cette mission n’est pas davantage de la propagande, avec force tapage publicitaire ;
• elle ne relève d’aucun chantage à la conversion ni d’aucun prosélytisme déguisé…
La mission chrétienne se reçoit de Jésus Christ. Elle se nourrit de la rencontre vivifiante avec lui et de l’adhésion libre et structurante à sa personne.
C’est à l’écoute de Jésus Christ que retentit l’appel à l’accueillir pour vivre. C’est à son école qu’advient la parole qui investit du mandat missionnaire celui qui a été appelé pour qu’il aille, à son tour, annoncer l’Evangile, à la suite de son Maître : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20,21)…
Plus la rencontre avec le Christ est profonde et l’adhésion libre à sa personne réellement intime, plus se fait alors sentir le besoin viscéral de l’annoncer par la parole et le témoignage, sachant que son Evangile élève l’homme et l’accomplit pleinement. « Je n’ai pas honte de l’Evangile, disait l’Apôtre Paul, car il est puissance de Dieu pour le salut de tout homme qui croit » (Rm 1,16).

C’est à la source de cet Evangile que des générations de vaillants missionnaires ont puisé le souffle nécessaire, au long des siècles, depuis le temps des Apôtres, pour arpenter les chemins des hommes. Ils étaient habités par une sorte d’impératif catégorique que l’Apôtre des nations résume en ces termes : « Annoncer l’Evangile n’est pas un motif d’orgueil pour moi, c’est une nécessité qui s’impose à moi : malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile ! » (1Co 9,16).

En pensant au cheminement spirituel des missionnaires d’hier et d’aujourd’hui, à leur ancrage en Christ, à leur engagement et à leur travail apostolique, j’ai envie de m’exclamer, en action de grâce, « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » (cf. Mt 21,9). Oui, « qu’ils sont beaux sur les montagnes les pieds de celui qui apporte la bonne nouvelle, qui annonce le salut et la paix… ! » (Is 52,7).
Avec vous, chers fidèles du Christ, je voudrais aussi prier pour que cette action de grâce, inspirée par l’Esprit Saint, renforce notre conscience missionnaire, afin que nous sachions faire droit à l’attente de l’Evangile par nos contemporains. Même lorsque cette attente n’est ni apparente, ni explicite, même lorsqu’elle semble inexistante, sachons nous rendre disponibles pour la rencontre qui ouvre au dialogue et à l’échange, dans le respect de l’autre assurément, mais aussi sans complexe aucun quant à l’empreinte que Jésus Christ a imprimée en nous par sa Parole de lumière !
En faisant l’effort de nous mettre à l’écoute de l’autre, nous découvrons son histoire et nous partageons sa richesse, ainsi que sa recherche de plénitude et d’accomplissement, sa quête de sens.
Le chemin parcouru ensemble, comme ce fut autrefois le cas sur la route d’Emmaüs, lorsqu’un Inconnu y avait rattrapé deux voyageurs attristés et découragés, peut déboucher sur l’émerveillement et susciter un nouveau départ, un élan fervent vers l’Evangile.
Puisqu’en Jésus Christ, Dieu vient à la rencontre de l’homme, entrons pleinement dans le sens de l’événement qui nous vaut un tel partenaire dans la nouvelle Alliance scellée en son sang.
Avec lui, assumons la double fonction que nous a rappelée la première lecture tirée du livre d’Isaïe. D’une part, en effet, le Christ Jésus est l’Elu du Père et, d’autre part, il est la lumière des nations, celui qui sauve la multitude par le don de sa vie.
En lui, nous aussi, nous avons été appelés et choisis pour vivre et agir en témoins de sa venue. En lui, le Serviteur docile et dévoué, à l’image du patriarche Jacob dont le nom est inséparable de celui de son peuple, nous sommes solidaires de tous les hommes que Dieu appelle à la vraie vie.
Puissions-nous trouver notre bonheur au service de l’Evangile de la vie, à la suite de Jésus Christ, le Témoin fidèle. Amen !

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