Messe du 8e dimanche ordinaire

Monseigneur Pierre BÜRCHER, à l’église St-Maurice, Pully (VD)

Lectures bibliques : Os 2, 16b. 17b. 21-22; 2 Co 3, 1b-6; Mc 2, 18-22

Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous (Jn 1,14). Pourquoi, chers frères et sœurs présents ici à Pully et vous qui êtes maintenant à l’écoute de la radio ? Pourquoi ?

En tant que jeune, j’avais de la peine à me faire à cette expression : Le Verbe s’est fait chair (Jn 1,14). De quoi s’agit-il ?

Il y a quinze ans, le pape Jean-Paul II confiait une grande Croix de bois aux jeunes. Il les invitait à la porter dans le monde comme signe de l’amour du Seigneur Jésus pour l’humanité. Et en même temps, il s’agissait d’une annonce qui est bien plus qu’un flash publicitaire : tous, nous ne sommes profondément sauvés que par le Christ mort et ressuscité.

Les jeunes l’ont bien compris : ils ont parcouru pendant ces quinze dernières années un long pèlerinage à travers les continents. Ce pèlerinage va aboutir au mois d’août à Rome dans le cadre de la JMJ 2000. Cette année célèbre, en effet, les deux mille ans de la naissance du Christ, le Verbe fait chair. La Croix marche avec les jeunes et les jeunes marchent avec la Croix du Sauveur.

Le cadeau le plus grand que Dieu ait fait à l’humanité c’est Jésus-Christ, Verbe, Parole du Père, fait homme : Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, ainsi quiconque croit en lui ne périra pas mais il obtiendra la vie éternelle (Jn 3,16).

En réalité, qu’est-ce qui s’est passé pour devoir en arriver là de la part de Dieu ? Au fond, c’est que l’humanité a été une épouse infidèle. Et, du reste, elle l’est toujours d’une certaine façon : par son refus fréquent d’aimer Dieu et l’autre. C’est son péché originel. Mon épouse infidèle, dit Dieu, je vais la séduire, je vais l’entraîner jusqu’au désert, et je lui parlerai cœur à cœur (Os 2,16). Oui, le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour (Ps 102).

Mais où se trouve ce désert ? Où se trouve ce lieu de cœur à cœur et de l’intimité ? Il se trouve sur la Croix au moment même où Jésus, le Verbe de Dieu, se sent seul et abandonné, comme dans un désert, et qu’il s’écrie : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? C’est là qu’il rejoint, au plus profond possible, le cœur aimant de Dieu et le cœur infidèle et pécheur de l’homme abandonné. Et c’est là qu’il recrée le pont entre le ciel et la terre. Pour cela il a accepté de donner amoureusement sa vie pour chacune et chacun de nous.

Depuis qu’il a habité parmi nous, depuis son Incarnation, jusqu’à son offrande totale de lui-même au Père sur la Croix, le Christ est la réponse la plus fidèle de l’homme à Dieu. Voici, dit-il, je viens… pour faire, ô Dieu, ta volonté (He 10, 5-7). De là jaillit l’invitation universelle à vivre dans ce même Esprit. Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie, et il nous donne son Esprit pour une vie nouvelle, libérée du péché et du mal (Jn 20, 21-22). Personne n’est exclu.

Récemment, une petite fille de sept ans faisant partie d’un groupement devait se rendre à un Congrès international à Rome. La mère divorcée vit seule avec l’enfant. Avant de partir, cette petite fille est tourmentée : « Je suis triste; laisser ma maman toute seule; comment je dois faire ? » Et elle se dit, en se rappelant la spiritualité que vit son groupement : « Mais c’est Jésus crucifié et abandonné, j’y vais, j’embrasse cette douleur ! » Puis, avant de franchir la porte, elle dit : « Je veux téléphoner à papa ». Alors, elle téléphone à son père et lui dit : « Papa, je pars à Rome; tu sais, je suis contente, mais maman reste toute seule ici ! ». Le père est revenu à la maison, il a recomposé la famille, il a renvoyé l’autre femme, et la petite fille, à son retour, a trouvé la famille unie. Qui l’a accompli ? Elle.

Même les enfants, déjà – comme les jeunes et les adultes – peuvent vivre l’évangile et le vivre au quotidien. J’ai mieux compris pourquoi Jésus aime les petits enfants.

Pour la XVe Journée mondiale de la Jeunesse, au mois d’août de cette année 2000, Jean-Paul II a choisi précisément comme thème la phrase incisive avec laquelle l’Apôtre Jean exprime le Mystère très haut du Dieu fait homme : Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. Jésus de Nazareth est Dieu – avec – nous, l’Emmanuel : « qui le connaît », écrit le pape dans son merveilleux message, « connaît Dieu, qui le voit voit Dieu, qui le suit suit Dieu, qui s’unit à lui est uni à Dieu (cf Jn 12,44)… Nous sommes tous invités de manière pressante à ouvrir grand les portes au Christ » : A ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu (Jn 1,12). Ouvrir les portes au Christ signifie vivre dans l’amour pour lui et les frères, se sentir avec lui solidaire de tous les hommes, sans discrimination aucune. Dans l’histoire humaine tellement marquée par le mal et la souffrance, le dernier mot appartient à la vie et à l’amour, parce que Dieu est venu habiter au milieu de nous, afin que nous puissions habiter en lui.

Malgré nos doutes répétés et nos fatigues occasionnelles, nous pouvons être convaincus que l’Esprit-Saint entraîne aujourd’hui encore toute l’humanité et la fait bouger : le Père donne son Fils au monde, le Fils répond généreusement au Père en se donnant entièrement à lui pour nous. Aujourd’hui encore et tous les jours, les disciples portent l’évangile de la Croix et de la Résurrection à tous les peuples, sûrs de sa présence à leurs côtés jusqu’à la fin du monde. C’est le dynamisme de ce troisième millénaire, j’en suis convaincu, et j’espère vous aussi : Ce qui était au commencement, ce que nous avons entendu, vu, contemplé, ce que nos mains ont touché…, c’est-à-dire le Verbe de Vie, nous vous l’annonçons à vous aussi, écrit St-Jean, et nous vous écrivons cela pour que votre joie soit complète (1)n 1,1…4).
Enfants, jeunes et adultes, saurons-nous être les témoins courageux et heureux de Jésus-Christ dans notre monde ? Le Christ est notre route vers la maison du Père et il est aussi la route vers tout homme. Oui, le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous (Jn 1,14).
Amen

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