Messe du 6e dimanche du temps ordinaire

Abbé Philippe Baudet, à la basilique Notre-Dame à Neuchâtel, le 15 février 2009
Lectures bibliques : Lévites 13, 1-2.45-46 ; I Corinthiens 10, 31 – 11, 1 ; Marc 1, 40-45 – Année B

 

Le lépreux, est-il écrit dans la Loi de Moïse, impur tant qu’il est malade, … doit habiter à l’écart (Lévitique 13,46).
Chers frères et sœurs, faire une distinction entre pur et impur c’est mettre certains à part, les enfermer dans la catégorie des gens sales à ne pas fréquenter, les traiter comme des personnes atteintes d’un mal contagieux qu’il ne faut surtout pas toucher.
Qui de nous ne s’est pas senti impur, déconsidéré et mis à l’écart, rejeté et isolé ? Parce que différents ou vivant autrement, sans argent ou sans gloire, avec un corps abîmé ou une vie sans avenir, victime de violence ou sans liberté, sans travail ou dans la rue … une fois ou l’autre, nous nous sommes tous sentis traités comme des impurs.
Qui de nous alors ne s’est pas tourné vers le ciel pour demander à Dieu de le purifier, de le libérer de cette condamnation des autres qui est encore plus douloureuse que toutes les maladies du corps et de l’esprit ? Car l’être humain est toujours tenté de considérer l’impureté vécue comme un châtiment du ciel. Ecarté, je suis naturellement tenté de soupçonner Dieu de m’avoir rejeté.
Pourtant il n’en n’est rien ! C’est la grande nouvelle de Jésus : Je le veux, sois purifié, dit-il au lépreux. Je veux, sois pur ! dit-il à chacun de nous. Ces paroles nous annoncent que la volonté de Dieu est de purifier, de guérir de tout ce qui sépare. En Dieu il n’y a que dessein bienveillant, parole de bonté !
Et Jésus va réaliser cette parole libératrice, il va détruire l’impureté : à ses yeux personne n’est impur ! Le Christ met le feu à ces enclos que nous dressons pour enfermer à l’écart ceux que nous considérons comme dangereux. Il brûle tous ces bâtons avec lesquels nous rejetons ceux que nous jugeons infréquentables.
Ce qui ne va pas être sans conséquences pour Jésus : la guérison du lépreux lui amène une popularité telle qu’il ne lui est plus possible d’entrer ouvertement dans une ville. Alors que le lépreux retrouve sa place dans la cité et au temple, celui qui l’a guéri et libéré se trouve mis à l’écart. En détruisant l’exclusion, Jésus se trouve exclu. En tendant la main au condamné mis dehors, Jésus se retrouve lui-même hors de la ville.
Voilà qui annonce déjà la croix. Le prophète Isaïe avait annoncé que son serviteur serait traité comme un lépreux comme celui qui doit se cacher le visage et que personne ne veut regarder (Isaïe 53,3). Et Paul écrit que le Christ a été identifié au péché (2 Co 5,21). De même que les puissants n’aiment pas que l’on vienne relever les écrasés qui leur procurent richesse et confort, ainsi l’être humain résiste quand on lui offre de le sortir de ce réflexe facile et sécurisant qui consiste à déclarer l’autre impur. C’est pourquoi le Fils de Dieu venu libérer les impurs a été lui-même rejeté, condamné, crucifié.
Mais les puissances de l’exclusion ont été vaincues : Dieu a accueilli son Fils exclu et l’a ressuscité ! Et le feu d’amour divin capable de détruire les flèches qui jugent et les barrières qui enferment, ce feu qui a brillé dans la personne de Jésus, à présent il descend sur nous et vient illuminer nos cœurs. Comme à la Pentecôte, le Christ souffle sur nous le feu de son Esprit Amour.

À nous alors d’aller trouver Jésus, à l’exemple du lépreux de l’Evangile : tomber à genoux devant lui, c’est-à-dire manifester que je reconnais Jésus comme Fils de Dieu ; le prier en disant Si tu veux, non pas que je doute de sa volonté mais parce que j’attends qu’il exprime librement la seule volonté qui habite son cœur, celle de mon bonheur avec les autres ; me fier à lui et lui dire Tu peux me purifier, non pas pour lui forcer la main, mais pour lui dire ma certitude qu’en lui la parole divine de bienveillance se réalise.

Croyez-moi, chers frères et sœurs, quels que soient nos situations, nos problèmes et nos souffrances, nous serons alors en voie de guérison et de libération au cœur de nous-mêmes ; nous serons sur le chemin de l’unité avec les autres et de l’union avec Dieu.
Et cette guérison spirituelle va inévitablement se voir sur nous. Le feu purificateur que nous aurons accueilli en nous transparaîtra dans toute notre vie, comme dit l’abbé Zundel, à la manière de la lumière du soleil qui transparaît sur les vitraux d’une église. Ainsi comme pour le lépreux, notre guérison sera pour les gens un témoignage.
Guéris, nous serons amenés à agir comme Jésus. Je ne peux pas me présenter comme chrétien si j’accepte que certains soient considérés comme impurs et intouchables. Être disciples de Jésus signifie le suivre dans l’élimination de cette distinction entre les purs et les impurs, entre personnes fréquentables et gens tenus à l’écart. Vivre sa foi engage à tendre la main aux condamnés et à toucher ceux qui sont regardés comme salis et tachés.

Alors, au sein d’une Eglise qui doit sans cesse lutter contre la tentation permanente de revenir à des jugements et des exclusions, nous partirons comme le lépreux, nous irons partout proclamer le dessein bienveillant de Dieu et répandre la grande nouvelle d’un Christ qui libère et réconcilie.
Comme dans la communion que nous vivons dans cette messe, nous serons une communauté au cœur de laquelle se trouvent ceux qui avaient été mis à l’écart, nous serons des artisans de respect et d’unité au cœur du monde.
Amen !

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