Messe du 5ème dimanche de Pâques

 

 

Abbé Marc Donzé, à la chapelle des Rédemptoristes, Matran, FR, le 9 mai 2004
Lectures bibliques : Actes 14, 21-27; Apocalypse 21, 1-5; Jean 13, 31-35 – Année C

“ Voici que je fais toutes choses nouvelles ”, dit Dieu.

Mais ce n’est pas n’importe quel Dieu qui le dit.

Ce n’est pas un Dieu à la mode de Voltaire, grand Horloger de l’univers, qui aurait lancé les mondes dans leur ronde cosmique et les regarderait tourner avec indifférence.

C’est encore moins un Dieu de la peur et de la soumission, qui écraserait les hommes de sa volonté toute-puissante et capricieuse.

Ce n’est pas non plus un Dieu vague et imprécis, puissance supérieure auprès de laquelle les hommes pourraient puiser ce qui leur convient.

Non ! C’est Dieu-avec-son-peuple. Le livre de l’Apocalypse nous le dit clairement : “ Il demeurera avec eux, et ils seront son peuple, Dieu lui-même sera avec eux ”.

Dieu-avec-son-peuple, qu’est-ce à dire ? Comment le penser ? Comment se le représenter ? Comment le vivre ?

Dieu est Dieu, c’est entendu ! Infiniment plus grand que nous. Au-delà de toute représentation. Mais, en même temps, il est avec nous. En termes d’aujourd’hui, c’est un Dieu en relation personnelle avec chacun des hommes et avec l’ensemble de l’humanité. Et pas n’importe quelle relation, mais une relation de vie, d’amour, de création et de recréation. Une relation qui passe par le cœur, par l’intime, comme toute relation vivifiante et aimante. Une relation qui accompagne notre histoire, nos histoires, en cherchant toujours à susciter la liberté, à faire grandir la vie, à donner l’amour.

C’est ce Dieu-là – puisqu’il s’est révélé ainsi – qui dit : “ Voici que je fais toutes choses nouvelles ”. Mais que peut-il bien y avoir de nouveau ?

Difficile question, car, contrairement aux apparences, ce n’est pas simple de faire réellement du neuf. Un grand psychologue, Paul Watzlawick, a pu dire, en parlant du comportement humain : “ plus ça change, plus c’est la même chose ”. Les vitrines changent; et les consommateurs consomment. L’insécurité change de visage; mais le cortège de la violence l’accompagne pareillement. Les petits traités de paix s’alignent; et l’injuste répartition des pouvoirs demeure. Les hommes changent de femmes (et réciproquement), mais reproduisent les mêmes comportements conjugaux, souvent…

Alors, la nouveauté promise par Dieu, où la chercher, où se profile-t-elle ? La nouveauté tient en un mot : c’est la résurrection… Et la résurrection tous ensemble. Une pleine entrée dans un monde de lumière, de consolation, de vie, de relation, d’amour.

Mais, me direz-vous, la résurrection, ça se conjugue au futur… Peut-être même au futur hypothétique ! “ Il demeurera, il essuiera… il fera… il sera avec nous et nous avec lui. ”

En apparence, oui, c’est au futur ! Mais le temps de Dieu a ses mystères, dans lesquels il faut entrer. Ce qui est promis pour l’avenir, en fait, est déjà présent dans le présent.

Les mères, les mamans, que nous fêtons particulièrement aujourd’hui, comprennent très bien ce petit mystère. Quand une femme est enceinte, l’enfant qui va naître est déjà présent. La naissance est future, mais, d’une certaine manière, elle est déjà là. Si tout se passe bien, elle aura lieu.

Dans le même sens, la résurrection se conjugue aussi au présent. Et justement, elle ressemble à une nouvelle naissance, personnelle et communautaire.

Quand l’enfant naît, il quitte le ventre de sa mère. Son ancien monde disparaît, en quelque sorte, même si le ventre de sa mère continue d’exister. L’enfant entre dans un nouveau monde, que jamais il n’aurait pu imaginer, même s’il en avait de fugitives perceptions au travers du corps de sa mère. C’est le même enfant avant et après, ouvert simplement à des dimensions beaucoup plus grandes.

De même aujourd’hui, nous sommes en enfantement d’un monde nouveau. Ce que nous faisons aujourd’hui le prépare. Car Dieu met en nous dès maintenant la nouveauté de la résurrection, si nous voulons bien l’accueillir. Il met en nous le germe de la lumière, de l’amour, de la vie en plénitude. Il le met au plus profond de nous, comme le levain dans la pâte, comme le sel dans notre existence.

Quand nous serons de l’autre côté, le monde de maintenant aura l’air d’avoir disparu, car le changement sera grand, plus grand encore que la première naissance. Mais il sera simplement dilaté, transfiguré, réconcilié, immensifié. “ J’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle ”, nous dit Jean, l’auteur de l’Apocalypse.

“ J’ai vu un ciel nouveau. ” Ne le voyez-vous pas, maintenant ? Ne le sentez-vous pas, maintenant ? A chaque fois – et c’est un miracle – que la confiance prend le pas sur le doute, que la joie triomphe de la tristesse, que l’amour efface la haine, que le pardon répare la faute, que l’espérance illumine le deuil, c’est un ciel nouveau qui s’annonce. Combien ne faut-il pas d’énergies nouvelles pour contrebalancer les pesanteurs de ce monde ! Mais elles sont là et nous essayons d’en vivre, de les accueillir, de les aspirer, de les communiquer.

Pour les vivre au mieux, Jésus nous a laissé un commandement nouveau. Le mot commandement sonnant un peu raide, je préfère dire une parole de vie nouvelle. Nous la connaissons par cœur : “ Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ”.

L’amour est de toujours ; il est déjà dans la loi de Moïse. En quoi la parole de Jésus est-elle nouvelle ? C’est tout simple, trop simple peut-être : Jésus donne sa vie par amour. C’est le geste le plus créatif qui soit : donner sa vie engendre la circulation de la vie ; donner l’amour gratuitement engendre la circulation de l’amour ; donner le pardon abat les murs de séparation. C’est un geste de nouveauté. Un geste tragique, car notre monde est horriblement tragique. Mais surtout un geste de résurrection… Il y a quelque chose de plus fort au-delà des pesanteurs du monde et c’est ce qui rend possible l’amour un peu fou de Jésus et le nôtre.

Voici donc qu’avec Dieu, tu peux faire des choses nouvelles, dans l’élan immense, souterrain, intérieur de la Résurrection qui soulève le monde.

Amen.

 

 

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