Messe du 5e dimanche ordinaire

 

“ Avance au large ! ”

Père Albert Longchamp, à la chapelle des Rédemptoristes, Matran, FR, le 8 février 2004
Lectures bibliques :
Isaïe 6, 1-8; Luc 5, 1-11 – Année C

Frères et Sœurs,

Le XXe siècle fut un siècle de martyrs, sur presque tous les continents. Des chrétiens, par millions, ont payé de leur vie la fidélité à leur foi. Devant l’Europe matérialiste, sceptique ou imprégnée par l’idéologie marxiste, l’observateur superficiel pouvait conclure : Dieu se meurt, la foi se perd, l’Eglise ne s’en remettra pas.

Erreur.

Après la chute du communisme, dans l’un des pays les plus marqués par l’athéisme militant, la Russie, on vit en 1998 un bateau voguant sur les eaux généreuses du Don et de la Volga. Ce bateau avait ceci de particulier qu’il annonçait son passage avec des cloches. Ses occupants, des prêtres orthodoxes proposaient aux habitants des rives voisines de les rejoindre pour la divine liturgie, le baptême ou un moment de prière. Un bateau – pêcheur…d’hommes, en somme ! é Image bateau de la Volgaù

Ce bateau continue sa mission, desservant 150 communautés dont le lieu de culte est en ruines. La plupart des gens n’ont jamais vu de prêtres, ne savaient plus ce qu’était la prière. Ils découvrent que Dieu ne les a pas abandonnés. Il ne le pouvait pas.

Par son incarnation en Jésus-Christ, Dieu demeure à jamais solidaire de la destinée humaine. Et par Jésus-Christ, il nous presse d’adopter la même attitude. La foi est inséparable de la justice. L’espérance met en œuvre un avenir meilleur. L’amour s’engage pour le bien-être de la famille humaine. D’innombrables chrétiens ont ainsi rempli leur mission de baptisés. Parmi eux, citons aujourd’hui le père Werenfried van Straaten, fondateur de l’organisation “ Aide à l’Eglise en détresse ”, dont l’église flottante de la Volga est l’un des exemples les plus originaux et dont l’oeuvre, dans 140 pays, est en heureuse croissance chez nous également avec, désormais, une antenne pour Suisse romande et la Suisse italienne.


Décédé l’an dernier, ce religieux d’origine flamande s’était fait connaître au terme de la Seconde guerre mondiale pour le soutien qu’il apporta aux réfugiés allemands chassés d’Europe centrale. Il se rendit célèbre par les distributions de vivres organisées en même temps qu’il entreprenait de rebâtir les églises et d’aider les prêtres dans la reconstruction spirituelle de la société allemande. On donna au père van Straaten le surnom de “ Speckpater ”, traduit en français par l’expression savoureuse de “ Père au lard ”. Nourrir les corps et les âmes, animait en effet le zèle de cet apôtre des temps modernes, dont l’action s’inspirait directement de l’Evangile.

Le récit tiré ce dimanche de l’évangile selon saint Luc est à cet égard très éclairant. Au début il évoque une foule très vague, venue s’agglutiner sur les bords du lac de Tibériade en Galilée. Non loin de là, des pêcheurs nettoient leurs filets. Parmi ces hommes, Simon-Pierre, et les frères Jacques et Jean, fils de Zébédée, nos futurs apôtres.

La scène, d’abord, est très statique. Jésus, assis dans la barque de Pierre, enseigne. L’évangéliste ne semble pas s’intéresser au discours du Christ. Par contre il rapporte l’ordre formel donné à Pierre: “ Avance au large et jette tes filets ”. Les pêcheurs n’ayant rien pris de toute la nuit, Pierre obéit à contre-cœur. Or, voici que les filets se déchirent sous le poids de la pêche, les barques enfoncent. Pierre tombe des nues et se jette à genoux devant Jésus, Jacques et Jean sont muets de stupeur…

Tous ramènent leur barque. Le mouvement s’accélère. Que devient la pêche miraculeuse ? Cela n’a aucune importance : “ Désormais ce sont des hommes que vous prendrez. ” Laissant tout, Pierre, Jacques et Jean suivent Jésus. C’est l’Eglise qui se met en mouvement. Plus rien ne l’arrêtera.

Plus rien n’arrêtera la Parole de l’évangile, mais que d’obstacles dressés devant elle ! Combien de persécutions, combien d’hommes et de femmes, frappés par les calamités naturelles, tombés dans la misère, au milieu de l’indifférence des hommes et du silence de Dieu ! Que de familles, poussées par la peur, jetées sur les routes ! Werenfried van Straaten connaissait bien les pensées que nous entretenons à leur égard. Il écrivait un jour: “ Il est facile d’injurier les réfugiés et de débiter la longue liste de leurs fautes. Depuis des années, je travaille pour eux. J’ai peut-être plus que quiconque été déçu. ” Et d’ajouter, avec tristesse : “ Des millions de réfugiés ont échappé à la terreur des ennemis du Christ, mais ils risquent de périr par le manque d’amour des chrétiens. ”

Cette situation reste vraie. On peut citer ici le Soudan, où survivent cinq millions de personnes déplacées, où les chrétiens, dans le Sud du pays, manquent de tout, chassés de leurs villages, exclus de leur terre, victimes de la discrimination religieuse. L’Eglise est leur asile, ils ont besoin de savoir au moins qu’ils sont présents à notre mémoire. éimage Soudanù

Et comment se taire devant les murs de béton qui se dressent désormais en Terre Sainte pour séparer Israël de la Palestine ? N’avons-nous pas notre part de responsabilité dans cette tragédie? Que de fois, à Bethléem, à Jérusalem, tout récemment, j’ai entendu les chrétiens nous interpeller : “ Où étiez-vous depuis octobre 2000? On croyait que vous nous aviez oubliés ! ”


Le chrétien est missionnaire et solidaire. Il est chargé de gérer les richesses de la terre. Le miracle d’une humanité juste et paisible se fera avec nos bras. L’évangile nous transmet la mission reçue des apôtres. éimage Tibetù

Allez dire au monde entier que Dieu ne l’a pas déserté ! Allez dire qu’en nous constituant croyants, il nous faits aussi plus humains que quiconque. Allez dire aux Eglises en détresse – y compris nos propres communautés – que la foi germe, fleurit ou renaît dans toutes les nations, en toutes situations. Car, avec saint Paul, nous osons l’affirmer : “ La grâce de Dieu n’a pas été stérile en nous. Nous n’avons pas peiné en vain. A vrai dire, ce n’est pas nous, c’est la grâce de Dieu AVEC nous ! ”

Amen

L’homélie a été illustrée notamment par des extraits de documentaires suivants, avec l’aimable autorisation de Aide à l’Eglise en détresse :
Le bateau de Dieu (Russie)
Et vous ne pleurez pas ? (Soudan)
Dieu au Tibet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *