Messe du 4e dimanche du temps ordinaire

 

 

Chanoine Roland Jaquenoud, abbaye de Saint-Maurice, le 29 janvier 2012
Lectures bibliques : Deutéronome 18, 15-20; 1 Corinthiens 7, 32-35; Marc 1, 21-28 – Année B

« Je ne veux plus entendre la voix du Seigneur mon Dieu, je ne veux plus voir cette grande flamme, je ne veux pas mourir! » (Dt 18, 16)

Mes frères, mes sœurs,

Ces paroles du peuple d’Israël que nous avons entendues dans le Deutéronome, ces paroles qui expriment la crainte devant Dieu, devant Sa Parole, crainte devant la transcendance du Dieu trois fois Saint qui se révèle, ces paroles nous semblent un peu dépassées. La crainte du Seigneur, la terreur devant le sacré, c’est quelque chose qui appartient aux temps anciens, c’est quelque chose qui ne nous appartient plus. Et pourtant… Et pourtant face à ces paroles Dieu a répondu « Ils ont raison. Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi; je mettrai dans sa bouche mes paroles et il leur dira tout ce que je lui prescrirai » (Dt 18, 18).

Nous, chrétiens, nous savons que ce prophète est bien plus qu’un prophète. C’est le Fils de Dieu fait homme, la Parole faite chair, Dieu qui est devenu homme afin de nous dire Son amour par Son Corps et par Son Sang, afin de nous offrir complètement Son amour en montant sur la Croix. Et nous n’avons plus peur. Et nous avons bien raison.
Pourtant… pourtant j’ai quelque crainte, pour ma part, qu’à force d’avoir l’habitude de contempler un Dieu proche, nous oubliions que ce Jésus, homme de Palestine, c’est le Dieu trois fois Saint, c’est le Dieu Créateur, c’est le Dieu tout puissant. A force de faire de Jésus le compagnon habituel de nos routes, nous pouvons parfois oublier que, s’il est devenu notre compagnon, c’est justement pour nous dire cette Parole éternelle du Père, c’est pour nous révéler ce Dieu trois fois Saint et transcendant qui nous aime d’un amour absolu.

En ce jour du Sabbat, dans la synagogue de Capharnaüm, ceux qui entendaient Jésus ne s’y sont pas trompés. Ils étaient, nous dit l’Evangile « frappés par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes » (Mc 1, 22). Et cette autorité s’est manifestée de manière très concrète : Jésus a chassé un esprit mauvais, Jésus a libéré un homme des puissances de mal et de ténèbres qui le tenaient attaché.

Mes frères, mes sœurs, ce texte est là pour nous rappeler que la Parole du Seigneur, que nous entendons chaque dimanche, que nous lisons chaque jour dans la Sainte Ecriture, cette parole n’est pas là d’abord pour nous informer, cette parole est là pour nous libérer, pour nous libérer de tout ce qu’il y a en nous de ténèbre, d’attache au mal. Cette Parole est là pour nous transfigurer, cette Parole est là pour faire de nous des hommes nouveaux. Si nous oublions que cette Parole est celle du Dieu trois fois Saint, nous oublions qu’elle est là pour faire de nous quelqu’un de neuf. Nous l’écoutons comme une série d’informations que la plupart du temps nous connaissons déjà,  nous l’écoutons pour nourrir une sorte de méditation intérieure qui nous fait du bien, et nous oublions qu’elle est là pour nous libérer du mal, pour nous libérer du péché, pour nous libérer de la mort. Nous oublions qu’elle est là pour nous faire vivre, mais d’une vie qui n’est pas cette vie d’ici bas, d’une vie qui est une vie parfaite, la vie divine, dont nous avons reçu les germes le jour de notre baptême, et qui s’accomplira pleinement le jour où nous verrons Dieu face à face.

L’enseignement du Peuple d’Israël au désert est là pour nous rappeler que ce que nous entendons, ce que nous contemplons, ce que nous recevons à l’Eucharistie, même si nous le recevons chaque jour, n’est pas quelque chose d’habituel. C’est Dieu Lui-même qui est venu nous transformer. Bien souvent, lorsque cette Parole résonne, nous avons tendance à la prendre et à l’adapter à nos besoins, à nos désirs du moment. Que de scandales lorsque l’Eglise, corps du Christ, annonce sans fard la Parole de Dieu, annonce sans compromis Sa volonté, pour faire de l’homme un homme nouveau. Nous sommes bien prêts à l’écouter, cette Parole, mais nous sommes souvent peu prêts à la laisser agir, à la laisser nous interroger, à la laisser nos transformer. Justement parce que nous oublions trop souvent, qu’elle est la révélation de Celui qui est venu faire de nous, ni plus, ni moins, des saints.

Mes frères, mes sœurs, notre présence à cette eucharistie aura du sens si, en sortant de cette église ou éteignant le poste de radio, nous nous mettons très sérieusement à réfléchir. Au regard de la volonté du Christ, au regard de Sa parole révélée, qu’est-ce que je dois changer dans ma vie pour le laisser me transformer, pour faire de moi un chrétien véritable, c’est-à-dire quelqu’un qui s’engage résolument sur le chemin de la sainteté. Que le Christ nous aide par sa grâce, afin que ce que nous entendons chaque dimanche, ce que nous recevons à chaque eucharistie soir pour nous source d’une conversion véritable, d’un retour véritable vers lui, qui est source de toute vie et de toute vraie joie. Amen

 

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