Messe du 4e dimanche de Carême

 

Abbé Bernard de Chastonay, à la cathédrale Notre-Dame, Sion, le 3 avril 2011
Lectures bibliques : 1 Samuel 16, 1-13; Ephésiens 5, 8-14; Jean 9, 1-41 – Année A

Chers amis, chers malades, frères et sœurs dans le Christ,

Le désert, la montagne, un puits, autant de lieux symboliques que nous avons parcourus avec le Christ. La soif et la faim, dans le désert ; le combat spirituel. L’effort pour atteindre le sommet de la montagne, et la Transfiguration. Le puits, pour apaiser la soif, et l’évocation de la source jaillissant pour la vie éternelle. Et nous l’avons déjà relevé lors des trois premiers dimanches de carême, une autre soif, une autre faim, soif et faim de la volonté de Dieu, volonté d’amour et de salut offerts à toute l’humanité. C’est pour cela que je suis sorti.

Jésus est monté à Jérusalem pour la fête des Tentes, l’une des plus grandes du calendrier religieux juif. A l’origine, il s’agissait d’une fête d’action de grâce pour la récolte des fruits. Plus tard, à ce caractère rural, s’est ajoutée la commémoration de la protection accordée par Dieu à son peuple durant tout l’Exode. Célébrée en automne, la fête avait un caractère joyeux. Au temps du Christ, on illuminait le parvis du Temple le premier jour et même les rabbins les plus vénérables exécutaient une danse aux flambeaux.

Comme tout Juif pieux, Jésus veut se rendre au Temple pour la fête. Pourtant le danger d’une arrestation le guette déjà. Ses adversaires cherchent une occasion de le tuer (Jn 7, 1). Malgré tout, il s’y rend, mais cette fois-ci en secret. Pourtant, une fois dans le Temple, plus question pour lui de se cacher. Il enseigne à plusieurs reprises et provoque nombre d’interrogations : Comment connaît-il les lettres sans avoir étudié ? Comme les autorités, dans un premier temps, le laissent faire, surgissent d’autres questions : Est-ce que vraiment les autorités auraient reconnu qu’il est le Christ ? Mais lui, nous savons d’où il est, tandis que le Christ, à sa venue, personne ne saura d’où il est. Et juste avant de sortir du Temple, Jésus vient d’affirmer : En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham existât, JE SUIS. Réactions violentes de ses auditeurs qui, à cette prétention du Christ à un mode divin d’existence (JE SUIS), cherchent à le lapider ! Il s’enfuit.

Un contexte donc de tensions très vives. Et puis cette rencontre. Un aveugle de naissance. Les apôtres en profitent pour interroger le Maître. Pourquoi un tel handicap ?. Une question qui traverse les siècles. POURQUOI ? Pourquoi ce malheur ? Pourquoi un tremblement de terre ? et un tsunami ? pourquoi toutes ces guerres ? pourquoi ce cancer ? pourquoi la mort de cet enfant ? Et la question induit souvent un soupçon de culpabilité : est-ce lui qui a péché ou ses parents ?

Si Jésus n’entre pas en matière sur le sujet de la culpabilité éventuelle de l’infirme, il propose cependant une réponse énigmatique ; elle mérite qu’on la décode. Il fallait que l’action de Dieu se manifeste en lui. L’aveugle est donc un signe. Qu’il s’agit d’interpréter. Car la cécité rencontre la lumière. L’aveugle de naissance rencontre le Christ Messie. Je suis la lumière du monde. Mais il faut du temps pour s’habituer à son éclat.

D’où cette guérison en plusieurs étapes. Jésus prend l’initiative (première étape). Il imite le geste créateur évoqué au livre de la Genèse. Il crache sur le sol, fabrique de la boue et en couvre les yeux de l’aveugle. Il réclame ensuite sa coopération (deuxième étape) : va te laver à la piscine de Siloé. L’aveugle obtempère, s’y rend et s’y lave : le voilà guéri, et heureux. Mais cela ne suffit pas. Il vient de passer de l’obscurité à la lumière. Il devra encore passer de la simple capacité de voir, voir les gens, ses amis, sa famille, à la claire vision au sujet du Christ (troisième étape).

Cet infirme maintenant guéri est pour nous un modèle de vie spirituelle, il nous apprend la patience, et la progressivité. D’abord, il se laisse faire ; Jésus lui couvre les yeux de boue. Ensuite il obéit ; il se rend à la piscine de Siloé pour s’y laver. Parce qu’il a entendu la Parole de vie, le Christ, parce qu’il l’a accueillie avec confiance, parce qu’il a obéi avec promptitude, le voilà maintenant guéri. Et prêt pour l’étape suivante. Mais auparavant, il lui faut affronter les interrogations de tous ceux qui ne comprennent pas ce qui vient de se dérouler : ses connaissances, les membres de sa propre famille, les pharisiens aussi.

Il devient dès lors aussi un modèle de persévérance. Aux nombreuses questions qu’on lui pose, il ne cesse de répondre la seule chose qu’il sait : celui qui l’a guéri, c’est Jésus. Avant il ne voyait pas, maintenant il voit. Et ce nouveau « voyant » fait preuve de beaucoup de bon sens : Jésus est-il un pêcheur (comme vous le prétendez), je n’en sait rien ; mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et maintenant je vois. Et il ajoute avec intelligence et une pointe d’étonnement : Comme chacun sait, Dieu n’exauce pas les pêcheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce…Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire.

C’est peut-être dans cette persévérance, proche de l’obstination, que le nouveau voyant deviendra clairvoyant (clair-voyant). Jésus apprend que les pharisiens l’ont expulsé du Temple. Il vient le trouver et reprend l’initiative : crois-tu au Fils de l’homme ?- Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie. – Tu le vois, c’est lui qui te parle. – Seigneur, je crois.

Quelle simplicité dans ce dialogue. Tout y est. La lumière du monde qui se propose à l’homme, et la réponse de l’homme qui se laisse éclairer.

D’autres n’ont rien compris. A l’inverse de l’aveugle guéri – il ne voyait pas, maintenant il voit, eux ont toujours vu, mais aveuglés par leurs propres certitudes, ils sont incapables de voir en le Christ le Fils de l’homme, l’Envoyé de Dieu, la source du salut.

Ô Dieu, toi qui as réconcilié toute l’humanité en lui donnant ton Fils, lumière des hommes, augmente la foi de tes fidèles pour qu’ils se hâtent avec amour au-devant de celui qui est la Vie, ton Envoyé, dont nous avons à découvrir le visage dans tous les frères et sœurs que tu nous donnes à aimer, en Jésus, le Christ, notre Seigneur. AMEN.

 

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