Messe du 3ème dimanche de Carême


Mais Dieu, qui es-tu ?

 

Abbé Léon Chatagny, à l’église Notre-Dame, Payerne, le 18 mars 2001.

Lectures bibliques : Exode 3, 1…15 ; Luc 13, 1-9

Un Dieu qui nous rejoint dans nos pauvretés et misères et qui chemine avec nous vers la vie.

A toute heure du jour ou de la nuit, les bonnes et mauvaises nouvelles sont diffusées par la radio ou par d’autres médias.
Les faits divers de la semaine : depuis quelques jours, on se bat à l’arme lourde en Macédoine; détournement d’un avion russe par des pirates tchétchènes : trois morts et plusieurs blessés; inondation dans la Broye due aux pluies diluviennes; crainte de l’extension de l’épidémie de fièvre aphteuse en Europe; la bourse déstabilisée et grandes pertes pour les boursicoteurs…

Les faits divers d’il y a 2000 ans, rapportés par l’Evangile : des Galiléens massacrés par Pilate pendant qu’ils offraient un sacrifice ; 18 personnes tuées par la chute de la tour de Siloé. La question : étaient-ils plus coupables que les autres ? Est-ce que Dieu punit ? Qui est responsable : Dieu ou l’homme ?

Il y a quelques semaines, un bébé est décédé subitement. Je garde l’image du papa effondré près du cercueil du bébé. Il mimait le geste des papas et des mamans qui bercent un enfant. Un geste de vie pour accompagner la mort. Au cimetière, près de la tombe, était plantée une croix. « Non, pas de croix, s’il vous plaît, Dieu est trop injuste, mon bébé ne devait pas mourir.» Ou encore, récemment dans un moment de recueillement dans un foyer pour personnes âgées, la discussion était ouverte sur le problème du mal, de la souffrance : Dieu aussi était accusé de tous les maux.
Mais qui est Dieu ? Celui qui guette l’homme et cherche le bon moment pour l’écraser ?

La souffrance existe dans le monde, on ne peut pas le nier ! Pourquoi ces dix-huit personnes tuées par la tour de Siloé ? Pourquoi la mort du petit bébé ? Bien malin qui pourra donner une réponse satisfaisante. Nous sommes en face d’un mystère qui nous dépasse et que nous rejoindrons dans l’au-delà, quand nous pourrons évaluer les choses avec le regard de Dieu.

Il y a la maladie qui s’abat sur nous à l’improviste, des êtres chers qui nous quittent. C’est le mystère de la fragile humaine.

Il y a le mal qui nous tombe dessus à cause des imperfections de la nature : séismes, avalanches, inondations… Mais, là, il y a parfois les lois de cette nature que l’homme croit maîtriser et ne connaît pas ou ne respecte pas suffisamment. On permet des constructions là où la sécurité n’est pas assurée, par complaisance ou par recherche de profit. Et quand les mauvais choix ont été fait, l’avenir est engagé, il y a un jour des sanctions à subir et qui font mal. La tragédie de Tchernobyl en est un bon exemple.

Il y a la souffrance dont l’homme est directement responsable. Si j’abuse de l’alcool, si je suis un casse-cou sur la route, je prends des risques et je m’expose un jour à devoir en assumer les effets. Dans ce cas, il ne faut pas chercher ailleurs un responsable aux suites de mes actes, c’est en moi qu’il y a misère et pauvreté.
Le mal est enfin conséquence du péché, du désordre que l’homme est capable de mettre en lui et autour de lui comme Pilate, dans l’évangile d’aujourd’hui, qui fait massacrer des juifs en plein office liturgique. La campagne de Carême « Civiliser l’argent » attire l’attention sur les ravages que font l’amour excessif de l’argent, la soif du pouvoir ou l’égoïsme des nantis. La richesse s’accumule d’un côté, la misère sévit de l’autre.
Et toujours on est tenté de trouver un ou des responsables, un bouc émissaire. Souvent, c’est Dieu qu’on accuse. Du coup, on prolonge une image défigurée de Dieu.

La bible dans son ensemble et les lectures d’aujourd’hui en particulier nous rapportent une toute autre image de Dieu, fruit d’une expérience de plusieurs siècles. Quand, après avoir goûté du fruit défendu, Adam et Eve se retrouvent dépaysés et nus au Jardin d’Eden, on a déjà l’idée d’un Dieu qui vient au secours : « Le Seigneur Dieu fit pour Adam et sa femme des tuniques de peau dont il les revêtit. » (Gn 3, 21)

Dans le livre de l’Exode, sur la montagne de l’Horeb, Dieu apparaît à Moïse dans le buisson ardent : « J’ai vu, oui j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Egypte. J’ai entendu ses cris, sous les coups des chefs de corvée. Je t’envoie, tu feras sortir d’Egypte mon peuple. » Dieu voit et entend, il n’est pas un Dieu absent et insensible à notre sort, il ne prend plaisir à voir souffrir son peuple. Au contraire, il veut le libérer et choisit un médiateur, Moïse, pour cette mission. Et pendant 40 ans à travers le désert, il aide son peuple à trouver son chemin de libération. Patience infinie de Dieu !

Une autre image dans l’Evangile : la parabole du figuier planté dans la vigne. C’est misère que ce figuier sans fruit depuis trois ans, se dit le propriétaire. Il épuise le sol pour rien, il faut le couper. Le vigneron lui répond : « Laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir ? »

Accompagner, libérer, prendre patience, voilà l’attitude de Dieu. Celui qui a foi en ce Dieu est aidé pour vivre et aussi, si j’ose le dire ici, pour se préparer à mourir.

J’ai accompagné un malade atteint d’une leucémie aiguë. Il a subi une greffe de moelle osseuse. Il était plein d’espérance pour une guérison. Subitement la maladie a repris, inexorable. Il fallait nous résoudre, lui à s’en aller, et nous ses proches à l’accompagner. Dans ces circonstances, j’ai osé lui demander : comment comprends-tu la maladie, que penses-tu de Dieu? Quelle est ta prière ? Il m’a répondu : « J’éprouve dans ma chair, au plus profond de moi la faiblesse de la nature humaine. Ce n’est pas Dieu qui m’a envoyé cette maladie ; je lui demande que son Esprit ne me fasse jamais défaut ou plutôt, que je sois toujours disponible à sa présence, que son Souffle ne m’abandonne jamais. Mais ma prière n’est plus faite de mots,… un simple regard intérieur, tourné vers Lui. »

L’image la plus révélatrice de Dieu c’est le Christ mourant sur la croix par amour et en pardonnant. Le temps du Carême est un temps favorable pour rétablir en nous et autour de nous la véritable image de Dieu.
Si nous chrétiens, laissons tomber les fausses images de Dieu, pour nous convertir au vrai Dieu de Jésus Christ, si nous chrétiens, redécouvrons le vrai visage de Dieu, celui que nous offre Jésus, qui est venu vivre, servir, et mourir par amour sur notre terre, si nous chrétiens, reflétons par notre manière de penser, de vivre et d’agir le vrai visage de Dieu, alors Dieu sera davantage pris au sérieux et aimé.

Pour « civiliser l’argent » et l’humanité – c’est l’invitation qui nous est adressée durant ce Carême – il est nécessaire de découvrir le vrai Dieu, le Dieu qui nous accompagne toujours et tous les jours, quand la vie est facile, mais surtout quand elle est trop difficile.

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *