Messe du 3e dimanche de Pâques

Abbé Paul Frochaux, église Notre-Dame, Vevey, le 22 avril 2012
Lectures bibliques : Actes 3, 13-19; 1 Jean 2, 1-5; Luc 24, 35-48 – Année B


Un ami qui avait passablement peur de la mort m’avait confié un jour ce qu’il rêvait face à cette question. Il imaginait qu’un beau matin il se lève en pleine forme après une excellente nuit. Il ouvre les volets et, surprise, le ciel, le paysage sont magnifiques, d’or, irradiés de lumière, la nature chante, on entend les cloches dans le lointain ainsi que des chants de joie et des alléluias ! A ce moment là, il se rendrait compte qu’on est passé dans le monde nouveau, la terre nouvelle, le paradis que nous espérons. Mais,  sans avoir dû passer par la mort. Un tel rêve, nous serions sans doute nombreux à le partager, on passerait tout en douceur d’un monde souvent dur et difficile à un monde idyllique et définitif en faisant l’économie de cette fameuse mort qui nous fait problème !

Jésus est passé de ce monde, de notre monde à l’autre. Sa présence de ressuscité  l’atteste. Il vient de rencontrer deux disciples qui retournaient tout tristes à Emmaüs. Sans se faire reconnaître, il leur avait expliqué les Ecritures et leur cœur était devenu tout brûlant. Après avoir reconnu Jésus lors de la fraction du pain dans l’auberge, ils étaient revenus à Jérusalem pour raconter cette rencontre aux apôtres. Les surprises ne sont pas terminées pour ces deux disciples puisque à quelques heures d’intervalle, il leur est donné de revivre le privilège de rencontrer le Ressuscité. Le témoignage donné jusque là n’empêche toutefois pas la crainte, même l’effroi des Onze. Serait-ce un fantôme ? Jésus se montre, parle, désigne ses mains et ses pieds portant les marques des clous, il mange même. Ces blessures que Thomas a pu voir de près, toucher peut-être, souvenez-vous de l’Evangile de dimanche dernier, sont les marques de la croix, des souffrances que Jésus a endurées. Les signes de la Passion marquent à jamais le corps du Ressuscité. Elles ne seront jamais effacées, elles sont, je vous le disais dimanche dernier, les plus belles blessures de l’Amour. Il y a donc désormais en Jésus et les marques de la Passion et de la vie nouvelle. Mort et Résurrection sont indissociables. Vendredi saint et Pâques sont aussi nécessaires l’un que l’autre à notre salut. Le tombeau vide n’efface pas la croix. Nous ne pouvons pas choisir. Nous ne pouvons pas faire l’économie de la croix, de la mort comme l’aurait souhaité mon ami dans son rêve éveillé.

Notre société occidentale cherche à dissimuler la mort. A faire un peu comme si elle n’existait pas ou le moins possible. On ne porte presque plus le deuil. Les corps de nos défunts sont bien vite emportés dans les chambres mortuaires, dans presque tous les cantons de notre diocèse, il n’y a plus de veillées mortuaires. Après quelques jours de deuil, il faut vite passer à autre chose. Les nouvelles générations se rendent peu dans les cimetières. On dissimule la mort mais on ne l’enlève pas on ne peut pas en faire l’économie. Elle est là, quoiqu’il en soit. Dans une perspective de foi, éclairée par la Résurrection, la mort devient, comme les blessures du Christ, signe, elle est la clé qui nous ouvre les portes du royaume des cieux. Elle devient même, comme le dit saint François d’Assise : « notre sœur » « Loué sois-tu mon Seigneur pour notre sœur la mort corporelle à qui nul homme vivant ne peut échapper ». La liturgie des funérailles va jusqu’à dire : Depuis les jours où Jésus a reposé dans un tombeau, la tombe des hommes est devenue pour les croyants un signe d’espérance en la résurrection. Y avons-nous déjà pensé en visitant nos cimetières ? Quant aux croix, nous en avons tous. Elles sont parfois très lourdes, trop lourdes. Notre société cherche à les atténuer, les progrès constants de la médecine, les aides psychologiques, les progrès dans tant de domaines en sont des signes encourageants. Il ne faut pas chercher les croix, elles viennent toujours assez vite, d’une manière ou d’une autre, perturber, assombrir notre existence. Comme on ne peut faire l’économie de la mort, on ne peut faire l’économie de la croix. En Eglise aussi, nous voudrions le succès, la belle image, des églises pleines et si possible pleines de jeunes, de même pour nos couvents, nos communautés religieuses et toutes nos institutions ecclésiales. L’actuel non-renouvellement de nos institutions religieuses est une des croix de l’Eglise en Occident.  Mais la croix, nous rappelle encore saint François, est le lieu où la mort a été prise et piégée par le Fils de Dieu. Dès lors, la mort revisitée ouvre à la vie.

Le chemin vers Dieu n’est pas compatible avec l’éclat du succès, avec la pleine réussite. Le chemin vers Dieu est celui des Béatitudes « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés ». Et si Dieu donne à tel ou tel du succès, dans sa parole, dans ses réalisations, c’est pour le bien des autres. Il suffit de penser au bienheureux Jean-Paul II dont les magnifiques succès au long de son pontificat n’ont été que pour les autres et l’Eglise.

En conclusion, faire la rencontre du Ressuscité, comme l’ont faite les disciples d’Emmaüs et les Onze c’est accepter et les signes de vie et les signes de mort, et les signes de la croix et les signes de la victoire. Car c’est par sa mort et sa Résurrection que Jésus nous sauve. Il faut donc accepter tout Jésus et pas seulement le Jésus qui nous arrange. Suivre le Ressuscité c’est encore accepter pour nous-mêmes les croix qui nous sont proposées en même temps que le passage de la mort. Nous ne pouvons pas en faire l’économie, mais Dieu peut, Lui, en faire des instruments de salut et les associer à la croix et à la mort de son Fils pour nous conduire à la vie et à la lumière. A nous d’en être les témoins. AMEN

 

 

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