Messe du 30ème dimanche ordinaire

 

Mgr Joseph Roduit, à l’abbaye de Saint-Maurice, le 24 octobre 2010
Lectures bibliques : Siracide 35, 2-18; 2 Timothée, 4, 6-8, 16-18; Luc 18, 9-14 – Année C

 

A l’écoute des si belles lectures de ce jour sur la prière et sur l’enseignement de saint Paul, il y aurait de nombreux commentaires à faire. Mais en ce dimanche  dédié à la mission universelle de l’Eglise, je  ne saurai éluder le

Message de la CONFERENCE DES EVEQUES SUISSES

Au début du 3ème  millénaire, le pape Jean Paul II avait écrit une lettre d’encouragement au peuple de Dieu. Parlant de la Mission universelle de l’Eglise, il en appelait à l’inventivité et  faisait le pari de la charité en disant :
« C’est l’heure d’une nouvelle imagination de la charité  qui se déploierait non seulement à travers les secours prodigués avec efficacité, mais aussi dans la capacité de se faire proche, d’être solidaire de ceux qui souffrent, de manière que le geste d’aide soit ressenti non comme une aumône humiliante, mais comme un partage fraternel».
 
Forte de cet encouragement, la Conférence des évêques suisses a organisé un voyage au Togo, en Afrique de l’Ouest, en automne 2009. Plutôt que d’accueillir, un après l’autre, des évêques venant en Europe, nous sommes allés les rencontrer, nous faire plus proches d’eux et vivre un partage fraternel. Le Togo a été choisi parce que sa grandeur est comparable à celle de la Suisse. Ainsi chacun des sept diocèses togolais a pu être visité par un délégué de la Conférence suisse.
 
Nous avons rencontré une Eglise vivante et dynamique, généreuse dans ses entreprises, fervente dans ses célébrations et engagée dans ses prises de position.

Une Eglise dynamique et généreuse dans ses entreprises
Les chrétiens d’Afrique nous donnent une image réconfortante de la pratique de la foi, à nous qui manquons parfois d’espérance. Le contexte culturel et social est marqué par l’animisme, l’expansion des sectes et l’Islam qui se veut omniprésent.
Malgré les situations difficiles, cette Eglise nous réapprend le sourire dans les difficultés, le courage dans l’effort et l’ingéniosité dans l’action. Elle construit des écoles, des collèges et des universités, bâtit des centres hospitaliers, lutte contre les maladies endémiques, développe l’agriculture, accueille les orphelins, forme la jeunesse.
  L’Eglise supplée à bien des déficiences et ne baisse pas les bras. Elle indique les routes à suivre vers un développement raisonnable et durable du pays.
Une Eglise fervente dans ses célébrations
En Europe, notre témoignage de chrétiens manque souvent d’enthousiasme et nos célébrations ne sont toujours très chaleureuses. Ce qui frappe le plus en Afrique, c’est l’expression joyeuse de la foi et le temps passé à prier, chanter et danser. C’est bien là une des manifestations fortes de l’Eglise vécue comme une grande famille.
Une Eglise engagée dans ses prises de position
Dans un pays où règne l’injustice politique et sociale à un degré élevé, l’Eglise ose interpeller et adresser des messages audacieux au nom de la justice, de la paix et de la réconciliation. Le gouvernement togolais a mis en place une commission de recherche de la paix et a demandé à un évêque catholique de présider cette commission composée de personnalités de diverses religions ou tendances politiques.
En écho avec le Synode sur l’Afrique
Tout le mois d’octobre 2009 s’est déroulé à Rome un synode d’évêques et d’experts, intitulé : « L’Eglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix ».
Des paroles très fortes y ont été prononcées, des constats ont été établis, une espérance grandiose a été soulevée.
Lors de la Messe d’ouverture, le pape Benoìt XVI a eu ces paroles : « L’Afrique représente un immense poumon spirituel, pour une humanité qui semble en crise de la foi et de l’espérance ».
Des appels ont été lancés par des évêques africains :
« Aux grandes puissances de ce monde, nous disons : traitez l’Afrique avec respect et égard pour sa dignité ».
Des leçons sont à tirer pour le monde entier, telles ces constatations : « Les récents désordres dans le monde financier attestent qu’il est temps d’opérer des changements radicaux dans les règles du jeu. Mais que ce ne soit pas pour l’intérêt des riches et au détriment des pauvres ».
Des évêques ont aussi eu des déclarations fortes, telle celle d’un évêque du Ghana :
« Nous avons l’impression que dans l’Eglise-famille, nous sommes des membres de seconde catégorie. Ou alors que nous appartenons à une autre Eglise. La théorie de la fraternité est forte, mais sa mise en pratique est faible ».
Ou encore des paroles encourageantes : « L’Eglise catholique est la seule institution qui n’ait pas peur de parler clairement aux gouvernements. Parfois les politiciens ne savent pas où ils peuvent trouver des réponses aux questions urgentes qui se posent ».
Des constats ont aussi permis de relever certains aspects de l’amour et du respect de la vie en Afrique, telle cette déclaration : « Les femmes ont démontré dans les différentes situations de conflits leur génie à préserver la vie au prix parfois de lourds sacrifices ».
Ou encore : « Les pères synodaux ont pris conscience d’être à une étape importante de l’histoire de l’Afrique : celle de la reconstruction de l’Afrique par les Africains en union avec la communauté internationale ».
 
Des leçons à tirer pour nous en Suisse.
Toutes ces attentes ou ces interpellations resteront lettres mortes si nous ne nous investissons pas pour en tirer des leçons pour nous-mêmes et les mettre en pratique. Cet effort consiste à reconsidérer notre conception de la mission universelle et de notre esprit missionnaire. Il ne s’agit pas seulement d’aider financièrement tel ou tel missionnaire, mais bien d’établir plus de justice à tous les niveaux. Il s’agit surtout :
– de se faire proche et de manifester un amour fraternel planétaire et solidaire;
  bien de nos jeunes y sont déjà sensibilisés et bien d’autres doivent l’être.
– de mettre en pratique l’évangile qui nous interpelle sur notre mode de vie, nos
  exigences démesurées et notre commerce injuste;
– d’annoncer l’évangile non seulement en paroles, mais par le témoignage d’une vie
  plus simple;
– de nous laisser interpeller par des chrétiens d’autres continents et de changer
  certaines manières de vivre, de croire, d’aimer et d’espérer;
– de manifester notre joie de croire et de célébrer : le Seigneur est notre joie et notre force.

Conclusion
Le voyage des Evêques suisses au Togo les a profondément touchés et a changé leur regard. Cela devrait nous aider tous à mieux vivre chez nous la mission de chrétien.
Une Eglise au service de la réconciliation, de la justice et de la paix  –  comme celle d’Afrique  –  est lumière du monde  et sel de la terre ».
Puisse le témoignage personnel des évêques engager les catholiques suisses à oser davantage exprimer le partage dans la charité, le témoignage de l’espérance et leur joie dans la foi.
La réflexion sur une nouvelle imagination de la charité et les actions concrètes d’entraide s’enracinent dans une prière confiante en celui qui a envoyé ses disciples dans le monde entier pour annoncer la Bonne Nouvelle du salut. La prière précède, accompagne et prolonge l’action missionnaire de l’Eglise.
                                                        
P.S. La collecte du Dimanche de la mission universelle revient intégralement à MISSIO-OPM. Cet organisme mondial est  un instrument privilégié pour assurer un partage équitable entre toutes les églises. Nous la recommandons à votre générosité missionnaire car elle est un geste  de solidarité. Pour des millions de gens, « justice » pourrait être le premier élément constitutif de la « Bonne Nouvelle ».

 

 

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