Messe du 2e dimanche ordinaire

 

 

Père Johann Roten, sm, cathédrale de Sion, le 15 janvier 2012
Lectures bibliques : 1 Samuel 3, 3-19; 1 Corinthiens 6, 13-20; Jean 1, 35-42 – Année B

Chers frères et sœurs dans le Christ, chers auditeurs,

 

Noël est passé. Les rois sont repartis. La présence de Dieu parmi les hommes – l’Incarnation – entre dans une phase nouvelle. C’est le temps de l’appel, de la rencontre et de la mission.

Il y a des temps quand Dieu est obligé de réveiller l’homme. L’appel de Samuel est un réveil. Si Dieu réveille, c’est qu’il cherche la rencontre avec l’homme. “Viens et vois“, dira Jésus à André et à son compagnon. Les deux restent le temps d’une rencontre qui durera toute la vie. A certains, Dieu donne un nom nouveau et leur confie une mission. Simon devient Pierre. Il sera le rocher de l’Eglise du Christ.

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En plus des douze apôtres, l’appel du Christ est allé à 72 disciples. Dans la mentalité juive, le nombre 72 désignait l’ensemble des régions du monde. C’est ainsi que le nombre 72 s’applique aux disciples du Christ de tous les temps et de tous les lieux. Guillaume-Joseph Chaminade (1761-1850) fut un de ces disciples appelé, visité et envoyé par Dieu.

La Famille marianiste, des laïcs, des religieuses et des religieux répandus et actifs dans le monde entier a célébré cette année le 250e anniversaire de la naissance de Guillaume-Joseph Chaminade. L’existence de Chaminade est à cheval sur la révolution et la restauration. Chaminade fait partie de ces grands individus, indépendants et forts, à qui il sera demandé au lendemain de la révolution de reconstruire l’Eglise en France et ailleurs. Ce sont des hommes et des femmes d’action. Leur théologie est un carnet de route, leur philosophie un esprit de vie et leur figure de proue la Vierge, femme forte parce que Immaculée Conception.

Chaminade garde de la révolution un sens aigu des réalités sociales nouvelles. Il y a parmi ces réalités la liberté de l’individu, la solidarité de tous et le bonheur pour tout le monde. Chaminade fera de ces valeurs la liberté pour Dieu, la solidarité de tous à son service et la recherche d’un bonheur qui ne s’arrête pas devant l’autel de la déesse Raison.

Chaminade sera amené à faire face à l’indifférence religieuse de sa culture, à l’apathie cynique des intelligences et à la torpeur des cœurs. Il puisera pour le faire dans la grande tradition de l’Eglise. Avec saint Paul, il partage le défi et le zèle apostolique en toutes circonstances; avec saint Augustin, il se remet à l’absolu de Dieu en toutes choses. Avec saint François, il cherche la foi du cœur simple et l’intimité du Christ. Il trouve dans saint Ignace le sens de la méthode spirituelle et de l’organisation apostolique.

Chaminade n’est pas un de ces chefs de fil aigris qui va organiser une phalange de conservateurs nostalgiques ou d’intégristes butés, mais il conserve dans son cœur et dans son action l’intégralité de l’espérance annoncée par le Christ. Il y a chez lui l’appel, la rencontre et la mission. L’appel sera Saragosse, la rencontre Bordeaux et la mission Rome.

En effet, c’est pendant l’exil à Saragosse, au pied du Pilier de la Vierge qu’il trouve l’inspiration de sa vie. Saragosse est la racine de ses fondations apostoliques, l’ouverture à tous les moyens d’évangélisation et la couleur mariale de sa spiritualité.
Si Saragosse est l’endroit où tout a commencé, c’est à Bordeaux que la véritable rencontre avec le Christ se fera. Un Christ rencontré dans l’épuisement, dans les déceptions et les recommencements. Bordeaux est pour Chaminade et pour un chacun d’entre nous, le lieu des mains sales et des pieds fatigués, mais c’est aussi l’endroit où la grâce et la fécondité de Dieu deviennent visibles. Bordeaux est partout. C’est Sion ou Tokyo, c’est l’ici et le maintenant de notre engagement de chrétiens et d’apôtres.

La géographie chaminadienne ne serait pas complète sans Rome, beauté visible de la catholicité, mais vase d’argile toujours fragile de l’amour de Dieu. Chaminade y rencontre et la mère et la croix. Chaminade offre à l’Eglise le service de ses fondations. Il va léguer à ses disciples une âme ecclésiale mûrie dans une foi aimante et patiente.

Or, une âme ecclésiale est une âme mariale. En effet, la géographie spirituelle de Chaminade s’ébauche et s’inscrit sur fonds bleu, sur fonds marial. Marie est pour Chaminade le rappel constant que le Dieu chrétien est un Dieu fait chair, concret et présent au monde. Marie fera de Chaminade et de ses disciples des hommes et des femmes à la recherche des traces de Dieu dans le monde et toujours à l’affût de l’étincelle de grâce qui éclaire les nuits humaines. Pour Chaminade, Marie incarne la joie du OUI libre et généreux, la promotion humaine active et persévérante, mais également la compassion tendre et sans faille. Chaminade voit en Marie le refus de toute séparation facile entre culture et religion, entre morale et spiritualité, entre prière et action. Pour parler avec la liturgie, Marie est l’appel reçu par le cœur, la rencontre de Dieu vécue dans la chair et la mission du Christ qui résonne dans son invitation pressante: “Faites tout ce que [Jésus] vous dira“!

*

Revenons donc pour conclure à la liturgie de ce jour. Permettez-moi un brin d’effronterie en affirmant qu’il y a Samuel parmi nous. Pourquoi ne pas l’admettre! Nous sommes tous Samuel. Nous avons tous besoin, à nos heures, d’être réveillés par la voix de Dieu.
Et nous sommes tous André, au masculin comme au féminin, à qui le Christ lance l’invitation: Viens et vois, viens et goûte à mon amour pour toi.
Avec Pierre, nous sommes porteurs d’un nom nouveau, un nom de promesse et d’espérance, un nom de défi et d’engagement. C’est là le sens de notre nom de chrétien, un nom né du sang du Christ, un nom au service de la justice et de la paix, un nom devenu culture, un nom chanté par les arts.

Une philosophie du jour nous propose aujourd’hui un art de vivre qui est à la recherche de la vraie vie et d’une intensité existentielle à tous les niveaux. Le chrétien ne cherche guère autre chose. Il cherche la vraie vie et l’intensité existentielle.

Avons-nous le courage et la simplicité du cœur d’un Chaminade et de tant d’autres hommes et femmes, pour miser notre existence sur le Christ, source de vraie vie et promesse d’intensité existentielle sans relâche et surtout sans fin ?

 

 

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