Messe du 2e dimanche du temps ordinaire

 

Chanoine François Roten, abbaye de Saint-Maurice, le 16 janvier 2011
Lectures bibliques : Isaïe 49, 3-6; 1 Corinthiens 1, 1-3; Jean 1, 29-34 – Année A

Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean-Baptiste.
C’est le titre que l’on pourrait donner à ce passage de l’Ecriture que nous venons d’entendre : l’annonce de la bonne nouvelle du salut selon le témoignage de Jean le Précurseur.
Car c’est un abrégé de la bonne nouvelle que nous donne Jean en disant : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » et il complète : «avant moi il était » et « j’ai vu l’Esprit descendre du ciel et demeurer sur lui. Oui, j’ai vu et je rends ce témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »
Ce sont des affirmations fortes dont Jean Baptiste lui-même ne devait pas et même ne pouvait pas mesurer la portée. Comme tous les prophètes, il est d’une certaine manière dépassé par le sens plénier de ce qu’il proclame, il ne le comprend pas totalement.

Le prophète n’est pas un homme qui sait tout, comprend tout ; nous en voyons une preuve dans l’évangile de ce jour : par deux fois Jean-Baptiste s’exclame au sujet de Jésus : « Je ne le connaissais pas »…. Car la connaissance que Jean le prophète a de son cousin Jésus n’a pas été soudaine et totale. Elle s’est développée peu à peu, l’esprit humain de Jean étant à l’écoute de l’Esprit Saint qui l’inspirait… Voilà ce qui fait le prophète : se mettre à l’écoute de Dieu, se mettre à sa disposition, prendre du temps pour lui, se laisser modeler par lui, pour entendre sa Parole…
Et donc être prophète, c’est la vocation de tout chrétien, appelé à vivre sous le regard de Dieu, en prenant du temps, dans la prière, pour se laisser inspirer par lui…

« Voici Jésus, l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ».
Pour les Juifs qui écoutent Jean, le message est clair : dans la Bible, l’agneau c’est l’animal du sacrifice, c’est l’agneau pascal que l’on égorge et dont le sang devient signe salvateur du peuple sauvé.
Et pour nous qui avons accès à la totalité de la révélation au travers des Evangiles et de la tradition de l’Eglise, cette affirmation prend un sens nouveau, plus fort encore que Jean Baptiste lui-même ne pouvait le penser : en désignant Jésus comme l’Agneau de Dieu, Jean annonce prophétiquement le destin tragique mais librement choisi de Jésus, qui, semblable à l’agneau que l’on mène à l’abattoir, offre sa vie, sa passion et sa croix pour le salut de l’humanité.
Cela Jean l’ignore, mais au-delà d’un acte conscient de sa part, prophétiquement, il annonce, dans son témoignage, le mystère de la Passion.

« Avant moi, il était ».
Toujours prophétiquement, Jean affirme l’existence éternelle de Jésus, le Verbe de Dieu, celui qui était auprès de Dieu déjà lors de la Création, le même qui s’est fait homme et vécu parmi les hommes, Dieu parmi nous.
Et, dans la suite de son témoignage, Jean affirme encore plus nettement cette intimité de Dieu avec Jésus : « j’ai vu l’Esprit descendre du ciel et demeurer sur lui ; c’est lui le fils de Dieu ».
Or dans la Bible, le titre de Fils de Dieu est souvent attribué au Messie de Dieu, à celui que l’on attendait et qui devait restaurer la royauté d’Israël. Et c’est Jésus que Jean Baptiste désigne comme le messie tant attendu.
Fort de la foi qui nous a été donnée, nous pouvons comprendre plus profondément les paroles et l’enseignement de Jean : Jésus est certes le Fils de Dieu, mais encore plus, il est le fils unique du Père, engendré non pas créé, de même nature que le Père.
Jean le prophète annonce donc le mystère de la sainte Trinité, de Dieu, Père, Fils et Esprit saint.

Et nous pouvons comprendre pourquoi Jésus lui-même définit Jean Baptiste comme le plus grand des enfants des hommes : sa vie d’intimité avec Dieu lui a permis de recevoir révélation de tous ces mystères, alors même qu’il ne pouvait pas les comprendre.
A première vue, cela peut paraître contradictoire, mais c’est bien ce qui s’est passé.
Pour preuve. Quelques mois après l’évènement relaté dans cet évangile, de la prison où il attend le bon vouloir d’un prince et d’une courtisane qui exigera sa tête, Jean est perplexe et ne comprend pas : celui dont la puissance lui a été révélée lors du baptême au Jourdain, celui sur qui il a vu  descendre l’Esprit, pourquoi ne se manifeste-t-il pas pour libérer le peuple en rétablissant le royaume d’Israël ?
Alors Jean envoie ses disciples vers Jésus, lui demander : « es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?
Jean, le plus grand des enfants des hommes, a douté ; il n’avait pas compris le message de grâce qui sortait de ses propres lèvres ; par révélation il savait qui était le Messie, mais il ignorait le projet de Dieu sur son Messie. Jean chemine – comme nous –  dans la foi.

Ce n’est pas pour rien que nos liturgies eucharistiques ont retenu le témoignage de Jean Baptiste : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».
Ces paroles nous invitent à approfondir lors de chacune de nos communions, ce mystère de la présence de Dieu dans le pain consacré. Et cela malgré nos doutes, même si nous ne comprenons pas.
Et la liturgie nous invite à répondre : Seigneur, je ne suis pas digne, je ne serai jamais digne de te recevoir, mais j’ai confiance et je viens te recevoir, car tu m’invites à venir vers toi, malgré mon péché, malgré mes pauvretés, malgré mes manques de foi ; c’est de toi que je reçois la vie et le pardon ; dis seulement une parole, et je serai guéri. 

A la suite de Jean-Baptiste, nous sommes invités à être d’humbles serviteurs d’une présence à nous offerte, mais qui nous dépasse infiniment. Nous sommes invités à faire le pas de la foi, dans la confiance, toujours renouvelée.
Car la parole de guérison que nous demandons à Dieu avant la communion, il nous l’a déjà adressée : c’est son Fils, Parole faite chair sur notre terre, l’agneau de Dieu qui efface nos péchés, celui-là même auquel Jean Baptiste rend témoignage.
Aussi nous osons dire : Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais tu as dit une parole et je suis guéri.

 

 

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