Abbé Martial Python, à l’église Saint-Pierre, Yverdon, 22 avril 2001. Lectures bibliques : Actes 5, 12-16; Apocalypse 1, 9-19; Jean 20, 19-31 |
Bien chers auditeurs et auditrices, musiciens et musiciennes, choristes, paroissiens et paroissiennes,
Il est vraiment merveilleux d’accueillir ce message évangélique sur la foi de Thomas, en ce jour où à Strasbourg, protestants orthodoxes et catholiques partagent dans un esprit d’unité leur expérience de foi.
Et pour nous ce matin, c’est une occasion de prendre un peu de temps pour nous demander : « Où en sommes-nous dans notre vie de foi ? »
Et concrètement posons-nous la question : « Est-il possible de croire sans douter ou de douter sans croire nécessairement ? Qu’est-ce que la foi ? »
Dans cette démarche, je voudrais partir de cet apologue sur la Foi de Kierkegard, un penseur protestant du siècle passé. C’est l’histoire d’un clown qui crie au feu. Le feu s’était déclaré dans un cirque ambulant. Aussitôt le directeur envoie le clown, déjà costumé pour le spectacle, au village voisin où le feu menaçait de se communiquer au travers des chaumes. Le clown se rendit en hâte au village pour appeler les gens au secours du cirque en détresse. Les villageois accoururent au cri du clown et crurent à un stratagème habile pour attirer la foule au spectacle. Ils se mirent à rire en applaudissant. Le clown, lui avait plutôt envie de pleurer, il s’efforça de dire qu’il ne s’agissait pas d’une plaisanterie mais que le cirque était bel et bien en train de brûler. Et plus il criait, plus les gens applaudissaient, jusqu’au moment où le feu gagna le village et où il était trop tard pour intervenir.
Pour Kierkegard, ce clown est le symbole du prédicateur théologien, qu’il soit pasteur ou curé.
Il est affublé de ses habits du Moyen-Âge et notre langage chrétien est en grande partie médiéval. Alors on ne le prend pas au sérieux puisque son rôle le classe, et de plus, on connaît à l’avance son boniment. On sait qu’il donne une représentation qui n’a pas de rapport avec le réel.
Par contre, soyons aussi clair, ce ne sera pas parce que le clown enlèvera ses phares et changera de costume qu’il sera nécessairement écouté. Il serait naïf de dire : « Habillons le christianisme à la moderne ! Tenons compte de la vie moderne, de la mentalité moderne et l’incroyance sera vaincue ! » Oui esprit naïf, car le croyant sera toujours concerné par la menace du doute et de son côté l’incroyant peut aussi être concerné par la menace du doute dans son incroyance : « Et si s’était quand même vrai tout cela … »
En d’autres termes, il y aura toujours des « peut-être cela est-il vrai, peut-être cela n’est-il pas vrai. » Ste Thérèse de Lisieux, une femme toute pétrie de la vie divine, sera confrontée elle aussi au doute dans sa foi, surtout vers la fin de vie. Elle parta-gera disant : « Des pensées m’assaillent telles que les pires matérialistes peuvent en avoir et j’ai parfois l’impression que ma foi est morte. »
Cela dit : croire en Dieu n’est pas dépourvu du doute, mais le doute ne rejette pas la foi. Bien au contraire, si nous sommes d’honnêtes chercheurs du sens de la vie et non des indifférents, les doutes peuvent nous faire croître. Ce qui est important, c’est cette quête d’absolu et d’infini, et vous les artistes, vous en savez quelque chose lorsque vous jouez ou chantez une œuvre. Que ce soit dans l’interprétation ou la composition, l’œuvre doit passer au chef-d’œuvre. Et cette quête d’infini, d’invisible ne peut que provoquer en nous une ouverture. Si Dieu existe, et bien il fera le reste, nous emplissant de sa présence. C’est pourquoi saint François d’Assise dira : « La foi c’est un vide que l’on se crée et que Dieu vient tout remplir ».
Et maintenant, ce sont les choristes et les musiciens qui vont nous aider à provo-quer cette ouverture de cœur et d’âme où à travers la matière des mots et du son, ils vont nous infuser de l’espace immortel pour que Dieu l’emplisse de sa présence. Oui, chantons Dieu avec ce magnifique Credo de Franz Schubert où selon les paroles de l’évangile : Tout est joie et paix.