Messe du 2e dimanche de Carême

 

Abbé Bernard de Chastonay, à la cathédrale Notre-Dame, Sion, le 20 mars 2011
Lectures bibliques : Genèse 12, 1-4; 2 Timothée 1, 8-10; Matthieu 17, 1-9 – Année A

Chers frères et sœurs dans le Christ, chers malades,

Après la solitude du désert, la beauté envoûtante  des sommets. Gravir une montagne, atteindre son faîte, seuls les alpinistes savent ce que l’on peut y ressentir une fois l’effort accompli. La tension se relâche, la joie vous submerge, la fatigue aussi pointe le bout de son nez… Au sommet de la montagne, le temps est à l’émotion.

Et puis, chacun le devine : au sommet d’une montagne, l’on est plus proche de Dieu, surtout s’il s’agit, comme nous le précise l’évangile, d’une haute montagne ! De son sommet le regard embrasse l’horizon et l’homme touche quelque chose de la transcendance divine. Ce n’est pas pour rien que Dieu a choisi de souvent s’y manifester.

Quelques brefs rappels. Le sacrifice d’Abraham : sur une montagne ; la rencontre de Moïse avec ce Dieu dont il voulait tant  connaître le Nom : sur une montagne ; la Transfiguration : sur une montagne. La croix ? Sur une colline, peut-être, mais le prophète Isaïe a désigné la colline de Jérusalem, pourtant peu élevée, comme le sommet des montagnes ; et c’est sur la montagne que souvent Jésus s’est retiré pour y rencontrer son Père dans la prière et la contemplation.

Nous voilà donc, en ce deuxième dimanche du carême, avec Pierre, Jacques et Jean sur la montagne. Trois apôtres – et leur chef de cordée, Jésus, quatre personnes reliées par les liens d’une amitié naissante et d’un amour déjà tout donné pour Jésus.

Et que de monde cette fois ! Dans le désert, seul le Christ et le malin dialoguaient. Duel de citations bibliques. Dont on connaît le vainqueur. Au jour de la Transfiguration, ils sont finalement six, tous habités d’Esprit-Saint, à des degrés divers bien sûr : Jésus, le maître et le guide, Pierre, Jacques et Jean, trois colonnes de l’Eglise à venir, et Moïse et Elie. La loi et les prophètes. Avec les apôtres ce sont les deux testaments qui se rassemblent, réunis par la grâce du Christ. Sur le mont de la Transfiguration, le peuple de la première Alliance contemple la réalisation des promesses faites autrefois à Abraham, Isaac et Jacob tandis que celui de la nouvelle Alliance a encore tout à apprendre. Dieu seul sait la profondeur des propos que Jésus, Moïse et Elie ont tenu dans leur entretien. Oui, sur le mont de la Transfiguration le peuple de la première alliance et celui de l’alliance nouvelle se rencontrent. Ensemble, grâce au Christ ! Que du bonheur, dont il serait bon que nous nous inspirions dans nos relations avec nos frères aînés dans la foi.

Que du bonheur ! Pierre s’en ressent et dans son enthousiasme habituel, il ne peut s’empêcher de l’exprimer : Seigneur, il est heureux que nous soyons ici. Le voilà déjà tout service : dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie. Bonheur que Pierre voudrait prolonger, spectacle étonnant qu’il désire « éterniser ». D’où l’évocation des tentes. Heureusement, Pierre, une fois n’est pas coutume, fait preuve de prudence ; il ajoute : si tu le veux.

Or ce que Jésus veut, nous l’avons relevé dimanche passé, c’est que la volonté du Père se fasse sur terre comme au ciel. Et le Père, son Père et notre Père, intervient, comme au jour de son baptême. Une voix à nouveau se fait entendre : celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le.

Moïse a connu le Nom divin : Je suis qui je suis ; Elie découvrira, lui,  la présence de Dieu dans le souffle ténu d’une brise légère. Et les apôtres apprendront à contempler en Jésus la parfaite image du Père, le Père prodigue de la parabole, Celui dont l’amour infini se manifeste dans un pardon sans limite, Père aux bras toujours ouverts, main féminine de la tendresse, main masculine de la protection, deux bras et deux mains qui offrent à ceux qui le cherchent un havre de paix et d’accueil.

Mais il doit en aller de Pierre, Jacques et Jean comme du Christ lui-même. Dans le désert, il a appris à patienter ; il n’a rien exigé pour lui tout de suite, Il attend tout du Père et le laisse libre de choisir les temps et les moments. Il n’est pas encore temps que les trois sachent tout du Christ. Ne parlez donc de cette vision à personne. La transfiguration à laquelle ils ont assisté leur servira plus tard. Ils s’en souviendront comme de la préfiguration d’une transfiguration plus grande encore : celle de la mort vaincue, celle de la vie qui surgit du tombeau pour l’éternité.

Et comme Abram fut convié en son temps, fort lointain, à quitter son pays, pour lui et tous les siens, pour son bonheur et le leur, les trois compagnons, couchés face contre terre tellement ils sont maintenant terrifiés – quelle grande vision ils ont vue ! sont invités à se relever : n’ayez pas peur ! Comment le pourrait-on d’ailleurs puisque Dieu n’est pas dans l’ouragan. La main qui les touche pour les relever, c’est celle de la brise légère qui murmure déjà à leurs oreilles une musique nouvelle dont ils n’ont pas encore la clé d’interprétation : la grande et bonne nouvelle du Christ ressuscité, le Messie dans sa gloire.

Jésus a souffert la faim dans le désert ; il nous faut, nous, sentir la sensation de la soif ; soif de la Bonne Nouvelle – il est heureux que nous soyons ici. Soif de la vie à jamais. Ecoutez-le. Dans cette eucharistie, laissons le Christ lui-même, et son Esprit, creuser en nous la source d’eau vive. Et toute soif sera apaisée. Amen

 

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