Messe du 29e dimanche du temps ordinaire

André Flury, Dr. theol., à l’église de la Trinité, Berne, le 19 septembre 2010
Lectures bibliques : 2 Timothée 3,14-4,2; Luc 18,1-8 – Année C

 

Thème : Engagement pour plus de justice sociale

„Mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il encore la foi sur terre ? »
C’est avec cette question provocante que prend fin la parabole racontée par Jésus.
Au fond la parabole détient la réponse en elle-même : elle ne pose pas seulement des questions explosives du point de vue religieux, mais aussi du point de vue social.
Ce n’est pas étonnant que Jésus nous parle d’un juge injust – et en passant c’est tout le système de justice de son temps qu’il met en cause.
Ce n’est pas étonnant non plus qu’il évoque une veuve. Les veuves au temps de la Bible sont tout comme les orphelins et les étrangers les plus faibles qui sont mis au ban de la société. Leur donner des droits, c’est déjà le souci des prophétesses et des prophètes de l’ancien testament.
Dans la parabole de Jésus, la veuve est cependant décrite comme une femme forte. Elle réclame elle-même justice. Elle ne reste pas dans un rôle de victime. Elle fait valoir son droit avec ténacité. Et… ça… marche!
Cette femme pourtant marginalisée, très tenace, représente un modèle pour tous les croyants : il faudrait que tous les croyants soient aussi tenaces pour crier vers Dieu. „Et Dieu, nous dit Jésus, il leur fera justice sans tarder.“
Cette déclaration n’est pas à comprendre dans un sens fondamentaliste : Dieu ne rend pas justice de l’extérieur. Dieu rend justice de l’intérieur : la loi et la justice de Dieu deviennent réalité, là où des hommes, des femmes tiennent à leurs convictions pour un monde juste et agissent en conséquence.
Dieu n’a pas d’autres mains que nos mains. Et Dieu n’a pas d’autres voix que notre voix.
Le message de Jésus n’a cependant pas qu’une portée individuelle, mais également une dimension collective du point de vue éthique, social et politique.
Ainsi donc la foi chrétienne n’a pas seulement pour objectif „le salut de mon âme“, mais s’engage pour une société plus juste et pour la protection de la création, ici et maintenant.
Donc reprenons cette question de Jésus : le Fils de l’homme, lorsqu’il viendra, trouvera-t-il encore la foi sur terre ? » et imaginons une parabole moderne, une parabole de notre temps qui prendrait cette question à bras le corps.
Elle commence par une annonce étonnante venant du ciel : Jésus lui-même annonce sa venue sur la terre. Il reviendra à Noël 2010!
Tous les chrétiens sont alors dans une attente joyeuse et même un peu nerveuse. Toutes les préparations qu’on peut imaginer ont lieu : les synodes, les conseils évoquent les moyens disponibles et ceci sans longues discussions usantes. Les choeurs d’église répètent une fois par semaine sans que des absences soient relevées.
Le Vatican publie une douzaine de nouvelles encycliques (dans un beau latin qui se comprend) – et réfléchit sérieusement s’il ne serait pas temps d’ouvrir les archives afin de pouvoir discuter, avec ce grand invité, de certains pans de l’histoire de l’Eglise.
Même les théologiennes et les théologiens sortent de leur léthargie et discutent âprement de ce que pourrait être maintenant leur engagement pour Dieu et pour sa justice.
Le grand jour est enfin arrivé : les flûtes et les chansons de Noël résonnent plus pures que jamais, de belles lumières et le son des cloches remplissent la nuit des nuits – mais le grand invité, tant attendu, n’apparaît pas.
Même au petit matin on n’aperçoit, de loin comme de près, aucune trace de Jésus.

Vers midi, on se demande à voix basse : où est-il ? Peut-être a-t-il eu des problèmes de visa ? A propos, est-ce que Jésus possède un passeport valable ?
Et qu’en est-il de son permis de travail ?
Très tard le soir, la déception est très grande. Pourquoi n’est-il pas venu ? Qu’est-ce qui n’a pas marché ?
C’est alors qu’une dépêche arrive du ciel : Jésus remercie vivement pour le bel accueil. Oui, il est bel et bien arrivé la veille au soir et les sans-abris dans les lieux d’hébergement d’urgence l’ont accueilli chaleureusement à leurs côtés.
Le lendemain, il a d’abord joué avec les enfants des rues au Nicaragua.
Puis il a trouvé particulièrement pénible la toilette des personnes âgées dans un home, à cause du manque de personnel.
L’atmosphère du repas de midi dans un resto du cœur était ma foi très bruyante et en même temps très sympathique et pleine de sincérité.
La marche de protestation avec les ouvriers, qui doivent travailler dans des conditions indignes dans une fabrique d’ordinateurs, a été pour Jésus très encourageante. Dans la nuit sainte, les discussions dans un quartier chaud l’ont profondément touché.
Naturellement il a été quelque peu étonné dans certains pays, lorsque par exemple il a été renvoyé comme „sans-papier“ ou lorsqu’on l’a chassé avec quelques Roms à cause de sa pratique de prédicateur itinérant. Pourtant partout où il est allé, il a toujours rencontré des hommes et des femmes qui luttent pour la dignité humaine et la justice sociale et non pour les apparences.
A la fin de la dépêche, qui fait plusieurs pages, on pouvait lire, écrit à la main : Merci pour tout. Je reviens volontiers l’année prochaine. Signé : Jésus

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