Messe du 28ème dimanche ordinaire

 

Père Bernard Rey-Mermet, à la chapelle des Rédemptoristes, Matran, FR, le 10 octobre 2004
Lectures bibliques : 2 Rois 5, 14-17; 2 Timothée 2, 8-13; Luc 17, 11-19 – Année C

Frères et Sœurs,

« Ta foi t’a sauvé », dit Jésus au lépreux reconnaissant.
« Ta foi t’a sauvé » peut-on dire au Père Isele, qui est présent parmi nous.

  Lui qui au début de cette messe évoquait ce moment unique où, il y a 60 ans, il a eu la vie sauve face à un peloton d’exécution russe.

Etre sauvé, quand la mort menace, quand la maladie guette, quand l’exclusion est programmée comme c’était le cas pour les lépreux : être sauvé ne peut que faire naître la reconnaissance. Elle était évidente chez le général syrien Naaman. Dans l’Evangile, reconnaissance aussi, mais manifestée par un seul, qui vient reconnaître le don gratuit qui lui est fait.

Etre reconnaissant ! Finalement n’est-ce pas cela l’attitude fondamentale qui nous fait croyant, chrétien ! Lorsque Jean-Claude Barreau, né d’une famille incroyante, découvre la foi en Jésus-Christ, il résume son expérience dans une livre poignant intitulé La foi ou la reconnaissance. Pour ce brillant intellectuel au parcours un peu chaotique, la foi est inséparable de la reconnaissance.

La foi, c’est reconnaître, émerveillé, de façon concrète, existentielle, que Dieu est cette personne extraordinaire qui veut tisser avec nous – avec chacun de nous – un lien d’amour qui bouleverse et guide dorénavant toute notre existence.

Certes, combien souvent, les religions insistent sur la soumission, sur une croyance qui nous déclare dépendant de ce Dieu tout-puissant qu’il faut se rendre favorable : “ Il y a quelqu’un au-dessus de nous ! ” Même des chrétiens le disent. Certes le Credo proclame : Je crois en un Dieu Tout puissant, créateur du ciel et de la terre. Dieu est ce Père tout-puissant. Mais voilà qu’un jour Abraham, le Père des croyants découvre une autre, une nouvelle relation à Dieu : Dieu est quelqu’un, Quelqu’un pour qui je compte. “ Tu as du prix à mes yeux ”, a dit le prophète Isaïe. Quelqu’un qui veut établir une relation, un lien, un partenariat avec nous.

Dieu est celui qui vient vers nous, démuni, pauvre, pour rencontrer l’homme “ Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique ” Et il vient vers nous pour que nous puissions remonter vers Lui, atteindre notre taille, réaliser notre vocation.

Saint Alphonse, le grand théologien moraliste, fondateur des Rédemptoristes disait : Est-ce que Dieu ne mérite pas tout notre amour ? Il nous a aimés dès l’éternité. “ Considère, nous dit Dieu, que j’ai été le premier à t’aimer. Tu n’avais pas encore vu le jour, le monde lui-même n’existait pas et moi je t’aimais déjà. Je t’aime du fait même que je suis. ”

Alphonse cite encore saint Paul : “ Celui qui n’a pas refusé même son propre fils mais qui l’a livré pour nous tous, comment pourrait-il ne pas nous donner tout ? ”

Et ce Dieu là n’attend que la réponse. : que je le reconnaisse. Croire, c’est aussi reconnaître cet amour et vivre de cette communion avec lui, comme lui, et avec les autres.

Les dix lépreux étaient tous aimés du Christ. Il les a accueillis, eux que tous rejettent et il leur a dit la parole qui les sauve. Mais un seul lépreux revient – seul- dire à Jésus sa reconnaissance. Il va donc jusqu’au bout de la rencontre avec Jésus, lui le samaritain, l’étranger. Il ne connaissait sans doute pas les mots du psaume 118, mais il les vit : « Je chanterai éternellement les merveilles du Seigneur ».

Les mots de ce psaume, le jeune Josef Isele les portait sur lui lorsqu’il a été arrêté et incroyablement sauvé à la fin de la dernière guerre. En disant à l’époque, et en redisant aujourd’hui ces mots : « Je chanterai éternellement les merveilles du Seigneur. Je ne connaîtrai pas la mort », le Père Isele ne peut que s’émerveiller, dire sa reconnaissance pour le don qui lui a été fait.

Dans notre monde aussi, dans notre vie, Dieu continue d’être à l’œuvre. Il est source de vie, d’amour de partage. Il est au cœur de notre quotidien, aux côtés de tous les exclus, de tous les lépreux de notre monde. Il l’est par tous ceux qui luttent pour l’entente entre les hommes, pour la justice sociale, pour la dignité des plus pauvres. Il guérit de tant de lèpres qui rongent notre monde. Et il le fait par tant de mains qui sans cesse relèvent l’homme, contribuent à le sauver.

Dieu est au cœur de ces rencontres, de tout ce qui libère, sauve, régénère l’homme. Le croyant est celui qui sait reconnaître, qui rend grâce par toute sa vie. Et l’Eucharistie que nous célébrons signifie précisément « Action de grâce ».

Avec le lépreux, avec tous ceux que Dieu aime, par les mots du psaume, chantons tout au long de notre vie les louanges du Seigneur.

 

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