Messe du 28ème dimanche ordinaire


Abbé Jean-Marc Dominé, à l’église St-Vincent, Cornol, JU, le 10 octobre 2010
Lectures bibliques : 2 Rois 5, 14-17; 2 Timothée 2, 8-13; Luc 17, 11-19 – Année C

 

En visite chez des connaissances, un ami a l’occasion de remettre un jouet à l’enfant de la maison. Le petit accepte sans rien dire.

Aussitôt, le père le reprend en disant: « Dis merci au monsieur. Quand on est jeune et qu’on n’a pas d’argent, il faut dire merci. Plus tard, quand tu auras de l’argent, tu pourras faire comme tu voudras. »

Chers frères et soeurs, pour ce père, on le sent bien, dire merci est un geste d’infériorité. C’est s’abaisser devant quelqu’un, s’est s’humilier.
Mais le plus souvent, le mot « merci » est un mot automatique, comme vide de sens à première vue.
L’enfant confond merci, s’il te plaît, pardon, encore… et bien d’autres mots. S’il demande quelque chose ou si on lui donne quelque chose, il est souvent plus préoccupé par l’objet reçu que soucieux de signifier sa joie au donateur. Disons plutôt qu’il n’y pense pas.  C’est différent de nous.
Lui, il est centré sur sa propre joie, son propre plaisir, et semble ignorer tout le reste, même celui qui fait le don. D’où l’effort répété des éducateurs pour lui faire prendre conscience de l’existence d’autrui, parce que dire merci ou s’il te plaît, c’est d’abord se centrer sur la personne, avant de se centrer sur l’objet qui, bien souvent, n’est qu’un prétexte à la rencontre.
Si l’enfant oublie de dire merci, il faut bien avouer que l’adulte a surtout des réticences à dire merci.

Certains ne disent jamais merci de bon coeur, car cela les humilie. Ils veulent n’être redevables de rien à personne. D’autres disent merci par calcul, pour obtenir de nouvelles faveurs.
Dans le monde des affaires et des relations sociales, il y a plein de gens dont les civilités ne sont que des techniques et qui ont appris tous les trucs pour se faire des amis et pour en tirer parti ! Et le merci est un de ces trucs. C’est le merci commercial !

Chers amis, pour dire merci, il me semble qu’il faut d’abord avoir la simplicité, la vérité et l’humilité de recevoir quelque chose d’autrui, d’être redevable. Nous avons souvent la prétention de n’avoir besoin de personne.
Dire merci du fond du coeur, c’est briser cette suffisance. Plus encore, dire merci, c’est signifier à l’autre notre appréciation, c’est lui dire, par un simple petit mot : « Tu m’as fait plaisir. Je te dis ma joie. Tu as une place dans ma vie. Bravo à toi de penser à moi. »
Remarquez que les gens qui savent dire merci sont rarement agressifs parce qu’ils ont appris à établir une relation fondée sur la gratuité.
Regardons l’Evangile d’aujourd’hui. Dix personnes sont guéries par Jésus de la lèpre, une maladie affligeante au plan social comme au plan personnel.
Et sur les dix, une seule personne juge bon de revenir vers Jésus pour le remercier et reconnaître en lui la puissance de Dieu.

Alors, l’appréciation de Jésus est catégorique: « Va, ta foi t’a sauvé ! » Les autres ont été guéris, mais ne sont pas parvenus à la foi. En effet, que voulait dire le merci de ce lépreux guéri ? Ce qu’il signifiait, c’est : je reconnais en toi, Jésus, l’amour de Dieu pour moi et je remercie Dieu qui m’a guéri à travers toi.
Réfléchissons à tout cela et à ce que nous disons quand nous remercions Dieu. On pourrait dire qu’il existe deux représentations des relations entre l’homme et Dieu. Une première représentation est celle de la loi. C’est le donnant-donnant. L’homme se soumet à la loi strictement, avec minutie, et en retour Dieu le récompense. Alors, cet homme peut dire merci, c’est-à-dire : c’est juste, c’est en ordre !
C’est ce que saint Paul appelle la justice de la loi, qui n’est pas sans grandeur morale, mais qui, souvent hélas, est sans amour et sans tendresse.
Mais une chose est sûre, c’est que la relation que Dieu établit avec nous s’exprime d’abord et avant tout dans l’amour, donc dans la gratuité. Dieu offre l’amour le premier, sans raison. Et celui ou celle qui ouvre son coeur à cet amour doit répondre à l’amour par l’amour.
Dire merci à Dieu devient alors un acte d’amour, c’est montrer qu’on a compris le don gratuit qu’il nous fait, le don de la foi.
A quelqu’un qui nous fait un cadeau, la vrai réponse n’est pas d’abord de lui offrir un autre cadeau, mais elle est d’abord de dire merci sincèrement, sans calcul, sans honte et sans peur.

Chers frères et soeurs, la peur ou l’intérêt, même par rapport à Dieu, commande souvent nos actes, nos gestes et nos paroles. Nous demandons du secours, nous prions pour un emploi, pour la santé, pour la paix à la maison, et pour tout ce qui nous a amené aujourd’hui à la messe ou à écouter la messe à la radio et nous prenons tout de même soin de dire merci pour ne pas indisposer Dieu, mais plutôt se le rendre favorable. C’est un peu un marché qu’on fait avec lui. Rares sont les moments où nous disons simplement et du fond du coeur merci à Dieu.
Dire « merci », c’est comme dire « je t’aime »: c’est se rendre vulnérable, c’est mettre sa propre vie dans la balance. La foi est une relation entre Dieu et l’homme : Dieu offre l’amour et le salut alors que l’homme demande et acquiesce. Mais la réciprocité véritable, c’est dire merci. L’action de grâce est en effet le sommet de la foi et c’est la seule réponse que Dieu attend.
Or, quelle est, pour les chrétiens, l’action de grâce par excellence ? C’est l’Eucharistie, qui est un mot grec qui se traduit par « action de grâce », « merci ».

Alors, commençons par dire « merci » à Dieu, pour pouvoir dire « merci » aux autres demain, des « merci » qui veulent dire « je t’aime » !

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *