Messe du 27e dimanche du temps ordinaire

Abbé Joël Pralong, église St-François de Sales, Salins, VS, le 2 octobre 2011
Lectures bibliques : Isaïe 5, 1-7 ; Philippiens 4, 6-9 ; Matthieu 21, 33-43 – Année A

 

Comment comprendre toutes ces violences dans l’évangile de ce dimanche ?
On se croirait dans un film où tout commence bien, puis au milieu, ça dérape et c’est la bagarre, et à la fin, c’est le plus faible qui devient le sauveur de tous, notre super héros, notre point d’appui… Lui, la pierre angulaire, le Christ !                                       

Plutôt que rester scotchés aux images, centrons-nous sur la musique du film, en arrière-fond, fredonnée par Isaïe, du début à la fin : « Je chanterai pour mon ami le chant du bien-aimé pour sa vigne ! »  Ce chant raconte l’histoire d’un Amour à la fois passionné et blessé, celle d’un Père au cœur immense qui voudrait tellement que tous ses enfants soient heureux. C’est le ton de tout le récit.
Saint Jean dans son évangile confirme cette intuition : « Le vigneron, le propriétaire de la vigne, c’est mon Père, Jésus la vigne et nous, les sarments ! » (Jn 15) Un Père qui entoure ses enfants de tellement d’amour comme le vigneron prend soin de sa vigne.

Tout au long de notre histoire sainte, celle d’hier et d’aujourd’hui, le Père envoie des messagers, des serviteurs, des prophètes, des saints pour consoler, encourager, et aussi mettre en garde son peuple afin que ses enfants bien-aimés demeurent toujours en alliance de cœur avec lui.
Mais les vignerons à qui est confiée la vigne ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux, le propriétaire n’est  qu’un maître cruel, un patron sans cœur qui profite d’eux, qui vient les épier et leur demander des compte. Ils se méfient de lui, ils le soupçonnent, ils en ont peur… Ah ! Cette vieille peur d’Adam, sournoisement à l’affût, guettant la moindre faiblesse, pour nous paralyser : « Adam, où es-tu ?…J’ai eu peur et je me suis caché… » (Gn 3) A l’inverse, la peur attaque : on juge, on accuse, on agresse, on fonce dans le tas. Lorsqu’on se sent jugé par qui que ce soit, à commencer par sa propre conscience (c’est le juge le plus cruel), par son collègue de travail, son conjoint, ses enfants, son chef, enfin Dieu…, un climat de méfiance, de jugement, de jalousie, d’esprit de comparaison, de concurrence, s’installe autour de nous, et ça devient invivable. 

Dans ce climat de méfiance, les envoyés sont éliminés un à un, ils sont de trop ! La logique quasi maladive du soupçon ! Alors, le Père se dit : « Je vais envoyer ce que j’ai de plus cher au monde : mon Fils ! » Et, avec une naïveté désarmante : «  Ils respecteront mon Fils ! » Oui, Dieu est naïf, car l’Amour est naïf et tellement innocent. Il ne veut pas voir le mal, il ne pense qu’à arranger les choses… Ce n’est que folie d’envoyer ainsi son fils au milieu de ces meurtriers. Il voulait tellement nous donner un grand frère, ce premier-né d’une multitude de fils (Héb 2,11), pour nous aider à bâtir une vraie famille d’Eglise.       
                                              
                                                               
L’héritier à son tour est tué, lui, le Fils bien-aimé, notre grand frère. Lui qui, pourtant, ne venait pas réclamer l’héritage, mais nous le donner ! Et cet héritage, c’est lui-même, lui que nous célébrons en ce moment ! Et lorsque nous le recevons, il change notre cœur, il transforme nos relations avec les autres,  il nous fait passer d’une religion de la peur et de la méfiance, à une vraie relation de confiance avec le Père. Parce que sans lui, sans ce grand frère, on ne s’en sort pas.Un héritage qui nous guérit de nos peurs : « Vous n’avez pas reçu un esprit qui vous enchaîne à vos peurs, mais un esprit qui fait de vous des fils adoptifs par lequel nous crions : Abba, Père ! » (Rm 8). Cri de confiance qui nous délivre de nos suspicions, de nos culpabilités, de nos peurs de Dieu et par contre coup, de nos soupçons jetés sur les autres comme du poison. En recevant Dieu comme Notre Père, nous accueillons les autres comme nos frères et nos sœurs, et nos relations se teintent de délicatesse, de compassion, de miséricorde, d’amour fraternel. Voilà ce qu’est l’Eglise : une famille qui bâtit ce climat de confiance et de délicatesse où tout le monde y met du sien. L’Eglise ce n’est pas seulement des débats théologiques ou des règles morales à suivre, bien sûr que non ! C’est une ambiance de charité où tout le monde peut trouver sa place. Car « si je  n’ai pas l’amour, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien ! » (1 Co 13). Et la source, c’est le Père ! Et nous, nous sommes ses enfants bien-aimés. Accueillir Dieu comme Père, c’est guérir de bien des blessures relationnelles.

Les chefs des prêtres et les pharisiens (à qui s’adresse la parabole) restent bloqués sur le film, ils n’entendent pas la musique en arrière-fond. Leur logique de la peur de Dieu et de la méfiance des autres, les pousse à l’attaque, à la violence : « ces misérables, il les fera périr misérablement ! » Alors Jésus tente de les rattraper, d’augmenter le volume de la musique, l’Amour se fait de plus en plus insistant : « Mais vous n’avez pas lu dans l’Ecriture que l’exclu veut être le sauveur de vos cœurs malades ? « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle » sur laquelle vous pouvez vous reconstruire, bâtir une personnalité toute nouvelle, libérée de ces peurs qui pourrissent vos relations, d’où peut naître la tendresse ». L’Amour insiste. On a beau le rejeter, il revient toujours comme un boumerang… Il faut avoir complètement perdu la tête pour le rejeter, folie qui faisait dire à Thérèse de Lisieux : « On ne peut tomber plus bas que dans les bras de Dieu ! » Il faut être fou pour viser à côté… Auront-ils compris ? Avons-nous compris ?

Une maman, tout à fait à l’image du Dieu qui se dégage de la parabole,  me raconta que son fils de 18 ans, stable et bon élève, changea brutalement d’attitude… Reniant ses études, il se mit à sortir tous les soirs pour faire la fête et « s’éclater ». Petit à petit, elle le vit sombrer dans l’alcool. Elle et son mari tentèrent de stopper la dégringolade  par tous les moyens : discussions, crispations, menaces, pleurs… Mais rien n’y fit. Un jour, à bout de forces, la maman se mit à prier de tout son cœur et eut une idée lumineuse. Elle gribouilla un court message qu’elle déposait chaque soir sur le lit de son fils : «  mon fils, bonne nuit, on  t’aime ! » Au bout d’une quarantaine de billets, elle l’entendit pleurer dans sa chambre, à trois heures du matin. L’amour insistant avait vaincu. Une nouvelle vie pouvait recommencer…

Bibliographie de Joël Pralong :

–       Combattre ses pensées négatives, Editions Béatitudes, 2011
–       Angoisse dépression culpabilité, Editions Béatitudes, 2011
–       Dieu dans mes bagages, Edtions à la carte, 2010
–       Le pouvoir des mains vides, Jérémie, le curé d’Ars, le prêtre, Edtions St-Augustin,  2009
–       Apprivoiser son caractère, Editions Béatitudes, 2009
–       De la faiblesse à la force, Editions Béatitudes, 2008

 

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *