Messe du 1er dimanche de Carême

Gaby Noirat, diacre, à l’église de Malleray, le 21 février 2010
Lectures bibliques : Deutéronome 26, 4-10; Romains 10, 8-13; Luc 4, 1-13 – Année C

 

Vous connaissez le désert ? Vous voyez ce que c’est le désert ? Rien !
Il n’y a rien à voir. Du sable, du sable, quelques cailloux, et encore du sable…
Et pourtant le désert nous attire, nous fascine.
Il est vrai que c’est photogénique, un désert. On en fait de beaux calendriers.
Mais au-delà de l’esthétique, notre fascination ne vient-elle pas justement du fait qu’il n’y a rien, ou presque rien ? Il y a donc… de la place… du silence…
Ce lieu de dénuement presque total représente l’aspiration de beaucoup d’entre nous à une vie intérieure désencombrée.
C’est donc là qu’on va chercher un dépouillement matériel et spirituel, pour faire de la place à autre chose : une Parole qui fait vivre.
Un passage par le désert ne laisse jamais intact, vous disent ceux qui l’ont vécu.
Et c’est bien là, dans la dure épreuve du désert, que le peuple d’Israël a reçu les Dix Paroles pour la vie.
Jésus est donc conduit par l’Esprit à travers le désert où, pendant quarante jours, il est tenté par le démon, nous dit l’Evangile.
Que fait Jésus, une fois seul au milieu des dunes et des rochers ?
Il jeûne et prie.
Sa prière, la liturgie de ce jour nous permet de l’imaginer.
En bon juif, il connaît par cœur bien des passages de la Loi et des Prophètes.
D’abord il se remémore l’histoire sainte de son peuple.
Ce sont des versets du Deutéronome qui lui viennent à l’esprit : « Mon père était un Araméen vagabond… » et il évoque ainsi les grandes étapes de l’Alliance de Dieu avec Israël qui conduit finalement à « ce pays où coule le lait et le miel ».
Puis, dans un psaume, il trouve les mots pour redire sa confiance au Seigneur : « Mon refuge, mon rempart, mon Dieu, dont je suis sûr ! »(Psaume 90)
Oui vraiment : « La Parole est près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur » lui souffle encore l’Esprit.
Ainsi, plongé dans la prière de son peuple, nourri de la Parole de Dieu, Jésus est armé pour affronter les tentations. C’est sereinement et avec autorité qu’il répond alors à Satan lorsque celui-ci veut le séduire avec les puissances de la magie et du pouvoir :
– « Ordonne à cette pierre de devenir du pain »
– « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre… » – sous-entendu : «mais de toute Parole qui sort de la bouche du Seigneur ». (Deutéronome 8,3).
Et bien voilà qu’à notre tour nous sommes poussés au désert.
Le temps du Carême nous invite au dépouillement.
Pour certains, cela ce fera très concrètement sous la forme d’un voyage, comme le vivront prochainement une quinzaine de nos paroissiennes et paroissiens. Des milliers de chercheurs de sens, d’affamés de Dieu, se mettent ainsi en chemin chaque année.

Plus communément, pour la plupart d’entre nous, ce seront des temps de retrait du brouhaha quotidien, à chacun selon son rythme, pour reprendre souffle, dans la prière, la lecture biblique ou spirituelle, et la méditation.
Des semaines de jeûne proposent également de limiter l’agitation, le bruit et les encombrements de tous ordres, et même de supprimer toute nourriture matérielle, pour faire place à une Parole de vie.
La théologienne genevoise Francine Carrillo le dit si bien : « Trouver l’élan d’élaguer dans ce plein qui nous vide pour retrouver un vide qui nous comble ». Oui, trouver l’élan d’élaguer dans ce plein qui nous vide pour retrouver un vide qui nous comble.
Comme jadis les Hébreux au Sinaï, comme Jésus au désert, allons-nous faire l’expérience d’une Parole féconde qui « ne revient pas à Dieu sans effet, sans avoir accompli ce qu’il a voulu », comme le prophétisait Isaïe (cf. Isaïe 55,10-12)
La campagne œcuménique d’Action de Carême et de Pain pour le Prochain nous invite à puiser dans cette Parole pour affronter nos tentations. Celles d’adorer de faux dieux, comme la réussite et l’argent ; celles du pouvoir et du profit.
Cessons ce jeu : Misons sur un commerce juste.
Tel est le slogan de cette année.
Nous l’avons bien entendu : « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre, mais de toute Parole qui sort de la bouche du Seigneur ». (Deutéronome 8,3)
Et que sort-il de la bouche du Seigneur ?
Des appels au droit, à la justice, au partage, à la remise des dettes.
Tels sont les signes de la venue du Royaume, nous disent les prophètes.
Nous le savons bien, les nourritures terrestres ne suffisent pas à notre bonheur. Mais leur partage témoigne de l’esprit de justice qui règne entre nous.
L’amour de Dieu et l’amour du prochain sont indéfectiblement liés.
La nourriture spirituelle ne méprise pas la nourriture terrestre, bien au contraire.
Elle ouvre au partage et à la solidarité.
Ecouter la Parole de Dieu, c’est écouter les cris de millions d’hommes, femmes et d’enfants qui souffrent, parce que ce sont toujours les mêmes qui raflent la grosse part du gâteau. C’est normal, puisque ce sont eux qui fixent les règles du jeu.
Dieu seul peut combler les faims des hommes. Pour cela il compte sur nous.
Alors, soyons confiants et pleins d’assurance comme Jésus face au Tentateur : l’action fécondante de la Parole saura bien transformer les pierres de nos cœurs en pain du partage.
Amen

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