Messe de la fête du Christ Roi

 

Mgr Joseph Roduit, abbaye de Saint-Maurice, le 20 novembre 2011
Lectures bibliques : Ezékiel 34, 11-17; 1 Corinthiens 15, 20-28; Matthieu 25, 31-46 – Année A

Un Règne, de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté,
règne de justice, d’amour et de paix.


            Bien chers frères et sœurs,
            Chères auditrices, chers auditeurs,
            Dans une chanson sur la tendresse, l’acteur Bourvil chantait : « Des  princes et des princesses, il n’y a pas beaucoup. Non, non, non, il n’y en a pas beaucoup…. » On peut dire autant des rois  ou des reines terrestres. Dès lors, est-il opportun de célébrer le Christ comme un Roi ?
            Il importe ici de préciser qu’il s’agit bien du Royaume des cieux. Parmi les quatre évangélistes, Matthieu est bien celui qui parle le plus de royaume des cieux. Et il est le seul à présenter le Jugement dernier comme un tribunal royal.
            Combien de tympans de cathédrales n’ont-ils pas représenté ce Jugement dernier dans leurs sculptures romanes et surtout gothiques! Aujourd’hui on ne voit guère d’artistes  sculptant ou peignant une telle scène ! Ne risque-t-on pas dès lors d’oublier ce texte magistral de saint Matthieu et que le moyen âge gardait sous ses yeux ?

La séparation des brebis et des chèvres
            Pourquoi Jésus prend-il comme exemple la séparation des brebis et des chèvres ? Un berger des déserts d’Israël, aujourd’hui encore, sépare les brebis des chèvres dans deux enclos différents, car les chèvres sont plus agitées et dérangent les moutons plus calmes durant la nuit.
            Dès lors, Jésus va exploiter cette comparaison pour les humains. Il ne laisse pas de place pour le centre. Ou bien on est avec les élus et c’est le bonheur éternel ou bien on est réprouvé et c’est la damnation éternelle. Mais le jugement porte essentiellement sur l’amour du prochain, en commençant par les plus démunis.

La double interrogation
            Le texte est bâti sur un parallélisme entre ceux qui ont fait le bien et ceux qui ne l’ont pas fait. Les questions sont claires et concrètes et gardent toute leur actualité aujourd’hui comme alors.

Les affamés et les assoiffés
            A l’heure où on rappelle souvent que des millions de personnes, et surtout d’enfants, meurent de faim, à l’heure où on rappelle que l’exploitation abusive de l’eau prive des populations entières d’eau potable, ces textes interpellent fortement autant les états que les multinationales, les riches que les pauvres.
            Dans notre Eglise, combien de fois les papes n’ont-ils pas écrit des textes qui sonnent comme des appels au secours des affamés et des assoiffés ! Notre monde qui ne parle que de croissance entendra-t-il ces appels, à la solidarité plus qu’au profit, au partage plus qu’au bénéfice, à la saine gestion plutôt qu’à l’exploitation des pays pauvres ?

Les malades et les prisonniers.
            Et il n’y a pas que les affamés et les assoiffés. Jésus pose aussi la question des malades et des prisonniers.
            Dieu merci, dans nos pays, les soins, – fort coûteux par ailleurs, –  sont pris en charge par les institutions et prodigués avec attention. Mais qu’en est-il des pays moins favorisés ?  De merveilleuses institutions médicales et sanitaires opèrent sur place et il importe de les aider.
            Combien de prisonniers le sont aussi injustement par des gouvernements tout aussi injustes !  Là aussi on peut aider des institutions attentives à ces questions et qui parviennent à visiter des prisons, à diminuer la torture et même à  libérer des prisonniers. Une carte signée peut libérer un prisonnier. Même une simple visite aux malades que chacun de nous peut faire, c’est déjà un geste bienfaisant. Une simple visite peut aussi soulager : le patient se sentira moins seul.

Les étrangers
            Enfin, Jésus rappelle aussi le sort des étrangers. Combien de détresses à ce point de vue ! Les solutions de xénophobie qui se manifestent en Suisse comme ailleurs ne sont pas évangéliques.
            Certes des lois sont nécessaires pour endiguer les flots de réfugiés, mais cela ne devrait pas empêcher d’être humains. Je connais personnellement des cas où l’application des lois suisses tiennent des méthodes fort réprouvées depuis la dernière guerre. Des policiers eux-mêmes sont mal à l’aise de devoir agir violemment tôt le matin et opérer de telles arrestations pour la simple raison qu’il s’agit d’étrangers !
            L’aide internationale que nos gouvernements  soustraient aux œuvres d’entraide sont autant de réfugiés économiques que l’on force à quitter leur propre pays devenu trop pauvre par des gouvernements injustes soutenus par des exploitations minières ou autres. Aujourd’hui même, le pape Benoît XVI interpelle depuis le Bénin où il adresse un message aux Africains.

Prédication, péroraison ?
            Vous me direz qu’il n’est pas difficile de pérorer du haut de la chaire  et que les problèmes sont bien plus complexes que leur simple énoncé. J’en conviens, mais je suis vivement interpellé par l’évangile et les textes de ce jour me dérangent.  Je me dois cependant d’être la voix des sans voix, je dois être le cri muet de tant de pauvres.

Conclusion
            Nous célébrons aujourd’hui le Christ, Roi de l’Univers. Son royaume est loin d’être établi dans nos cœurs et dans les réalités concrètes de notre monde.  Aussi, dans notre prière, nous demanderons au Seigneur, dans la Préface tout à l’heure, d’établir une règne de vie et de vérité, de grâce et de sainteté, un règne d’amour de justice et de paix.
            Ce règne ne viendra pas sans nous car Jésus s’est identifié aux plus petits de ses frères. Et c’est dans le cœur du pauvre, de l’affamé, du malade, du prisonnier et de l’étranger qu’il nous attend. Ne passons pas sans le voir !  Amen.
           

 

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