Messe de la Fête-Dieu

Chanoine Jean-Jacques Martin , à la basilique Notre-Dame à Neuchâtel, le 14 juin 2009
Lectures bibliques : Exode 24, 3-8; Hébreux 9, 11-15; Marc 14, 2-26 – Année B

 

Chers frères et sœurs,
Chers amis,

Je vous regarde et j’ai envie de dire : c’est magnifique tout ce monde qui participe à l’eucharistie, non seulement dans cette basilique, non seulement grâce à la télévision, mais également dans bien des églises du monde ce matin.
Pour la plupart d’entre nous, la participation à la messe est comme une bonne vieille habitude, une nécessité diront certains. Il est bon qu’il en soit ainsi parce que l’eucharistie nous est offerte comme une nourriture que nous sommes appelés à recevoir non pas, et heureusement, une seule fois mais tout au long de notre vie. Faisons tout de même attention au fait que cette bonne vieille habitude ne devienne pas une routine.
Pour cela continuons à redécouvrir le don qui nous est fait afin de mieux l’accueillir et surtout de toujours mieux savoir nous en émerveiller. Pour cela relisons les Paroles bibliques que nous venons d’entendre.
Moïse était venu dire au peuple les paroles du Seigneur pour sceller une alliance entre Dieu et son peuple, mais il était nécessaire d’accomplir un rite pour conclure cette alliance. Alors de jeunes Israélites offrent des taureaux et Moïse prend le sang et dit : « Voici le sang de l’alliance que, sur la base de toutes ces paroles, le Seigneur a conclue avec vous ».
Nous le savons aujourd’hui, avec Jésus cette alliance s’est trouvée en quelque sorte complètement transformée. Jésus s’offre lui-même ! L’évangéliste Marc nous rappelle les gestes et les paroles de Jésus : « Jésus prit du pain : … prenez, ceci est mon corps », « Puis, prenant une coupe,… il leur dit : ceci est mon sang, le sang de l’alliance répandu pour la multitude ».
Jésus a pris du pain, simplement, du pain comme en mangent les pauvres. D’où vient-il exactement ? N’est-il pas fabriqué avec des grains récoltés dans des champs, disséminés aux quatre coins de l’horizon ? Ils sont transformés pour aboutir à un pain unique. Ils forment un seul pain. Dans sa croûte et dans sa mie, dans une saveur unique au monde, sont intégrées des variétés multiples comme ces grains ramassés puis rassemblés indistinctement, d’où qu’ils viennent.
Le pain est nécessaire à tout être humain pour mener justement son existence de façon humaine.
Mais en plus du pain pour le corps, il y a le pain qui apaise la faim du cœur et celle de l’esprit. « Pour épanouir sa vie, pour apaiser ses faims, l’être humain a désespérément besoin du pain de l’amour qui le fait exister, unique, aux yeux de son prochain ; du pain de consolation qui lui procure la force de traverser les misères ; du pain de respect qui entretient sa volonté de prendre place au milieu des autres, du pain de la justice qui nourrit son audace de se dresser face aux inégalités ; du pain de travail qui nourrit son désir d’utiliser ses capacités pour le bien d’autrui »… qui donc les fera cuire, ces pains multiples destinés à apaiser les multiples faims des humains ? (Charles Singer).
Je vous regarde et j’ai envie de redire : c’est magnifique tout ce monde qui participe à l’eucharistie. Mais je me permets d’ajouter tout de suite : chacune et chacun d’entre nous doit se placer de telle manière que nous soyons dans ces multiples lieux de la faim pour que nous puissions y fabriquer ces pains, les multiplier, les distribuer… Ah, ça dérange ? Eh bien oui… « Mais Seigneur, es-tu bien sûr que c’est pour moi, ce que tu demandes là ? »
J’ai toujours été surpris de ce passage de l’évangile de Marc que nous avons entendu en ce jour où nous célébrons la fête du Corps et du Sang du Christ. N’oublions pas, il est vrai, que lorsque Marc écrit son évangile, il y a les premières persécutions à Rome, les premiers martyrs.
Les premiers chrétiens qui sont autour de Marc se posent donc bien des questions : où faut-il aller, où est le vrai chemin, qu’attends-tu de nous, Seigneur? Et vous entendez avec moi résonner la question que nous venons d’entendre dans l’évangile : « où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour ton repas pascal ? ».
Le doute s’installe, les disciples sont troublés. Ils sont dans l’incertitude.
Osons la vraie question : « Etant donné la situation que nous vivons – se disent les disciples autour de Marc – pouvons-nous encore espérer célébrer la Pâque ? »
Et la suite du récit biblique est pour le moins étonnante : « Allez à la ville ; vous y rencontrerez un homme portant une cruche d’eau. Suivez-le ! ». Alors permettez-moi de vous le dire, c’est comme dans les romans policiers, il y a une filature… Et une filature incroyable, il faut suivre un homme portant une cruche. Mais enfin, tout de même, ce sont les femmes qui portent les cruches d’eau, pas les hommes…
Alors je me dis que Jésus, une fois de plus, cherche à mettre le monde à l’envers puisque ce sont les hommes qui portent les cruches.
Mais l’essentiel c’est de suivre cet homme.
Suivez-le, cela veut dire, me semble-t-il, deux choses : la première c’est que si on peut suivre cet homme, c’est qu’un chemin est toujours possible et la seconde c’est que ce chemin ne sera pas habituel. Bien entendu, Jésus annonce à ses disciples son prochain chemin de croix, mais du coup Il nous annonce un chemin de foi.
Ce n’est pas parce que nous sommes parfois un peu perdus que la foi n’existe pas. Elle est autrement !
A chacun d’entre nous d’aller sur ce chemin de foi où le Seigneur ne nous laissera jamais tranquille… Mais nous savons qu’il sera toujours avec nous.
Et pour nous le rappeler, j’aimerais que vous repreniez dans vos maisons une magnifique coutume que j’aime à redire souvent :
C’était le grand-père qui coupait le pain. Mais avant de faire les belles tranches comme on les aime, il faisait un signe de croix sur la miche, de la pointe du grand couteau. Plus tard, c’est le père qui marquait le pain de la croix, avant de le couper. Et quand le père ne sera plus, qui va continuer ce geste séculaire ?
Ce geste dit tout. Il rappelle sans un mot que Jésus a donné sa vie, pour que l’humanité partage tous les pains, celui de la terre et celui du ciel : « donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour », le plus beau des pains, le pain signé de Dieu, celui qui est pour tous.
Belle Fête-Dieu à toutes et à tous
AMEN !

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